Comment mieux partager les ressources en eau potable auxquelles près de 800 millions de personnes n'ont toujours pas accès? Acteurs économiques, élus, militants se retrouvent lundi dans le sud-est de la France lors du 6e Forum mondial de l'eau pour esquisser des réponses.

Il y a urgence, selon un rapport de l'OCDE publié jeudi, qui juge «primordial d'utiliser l'eau de façon rationnelle, ainsi que de la tarifer convenablement pour décourager le gaspillage» face à la hausse de 55% de la demande d'eau dans le monde d'ici 2050 avec l'accroissement de la population et l'accélération de l'urbanisation.

L'objectif du rendez-vous triennal, jusqu'au 17 mars à Marseille, est de drainer une large affluence internationale, «afin de servir de caisse de résonance pour promouvoir la cause de l'eau dans les agendas des décideurs», explique à l'AFP Guy Fradin, vice-président du Forum et gouverneur du Conseil mondial de l'eau, l'institution organisatrice composée de 400 membres, publics et privés.

Quelque 20 000 participants de 140 pays sont annoncés, institutions, entreprises, associations, mais aussi, pour l'inauguration lundi une dizaine de chefs d'État et de gouvernement, dont Mohammed VI (Maroc), Idriss Deby (Tchad), le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et celui de la Commission européenne Jose Manuel Barroso, et une soixantaine de ministres.

L'ouverture sera assurée par François Fillon, le premier ministre français et depuis peu également ministre de l'Écologie, le président-candidat Nicolas Sarkozy n'ayant pas confirmé sa présence. Le socialiste François Hollande, favori de la présidentielle française des 22 et 6 mai selon les sondages, devrait passer le 14.

«Le Forum pousse les gouvernements à parler d'eau entre eux, car c'est un sujet très peu évoqué dans les réunions des instances de l'ONU», explique à l'AFP Gérard Payen, conseiller pour l'Eau du Secrétaire général de l'ONU.

Selon les derniers chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'UNICEF (Fonds des Nations unies pour l'enfance), à la fin 2010, 89% de la population mondiale, soit 6,1 milliards de personnes, avaient accès à des sources améliorées d'eau potable, soit plus que l'objectif du millénaire (88%) fixé pour 2015. En revanche 2,6 milliards de Terriens ne disposaient pas encore de toilettes.

Alors que les précédents forums se focalisaient sur les problèmes, celui-ci promet «des solutions concrètes».

En 2009, le Forum d'Istanbul n'avait pas réussi à inclure dans sa déclaration finale la notion de «droit» à l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Celui-ci a depuis été reconnu, en 2010, par l'ONU.

Sujet de désaccord constant: la question du partage de l'eau, enjeu de souveraineté des États, alors que 15% des pays dépendent à 50% d'une eau venue de l'extérieur.

«Ce point sera soutenu fortement par la France, mais c'est un sujet difficile pour beaucoup d'États», poursuit M. Fradin. «On verra ce qu'on peut en sortir, il faut faire progresser les mécanismes de gestion collective».

Affichant leur scepticisme, une centaine d'ONG réuniront un «Forum alternatif» dès le 14 mars avec 2000 représentants de la société civile venus d'Espagne, d'Allemagne, des États-Unis, d'Amérique du Sud et d'Afrique.

Elles accusent le Conseil de l'eau d'«être le porte-voix des entreprises multinationales et de la Banque mondiale», et réclament une gestion publique, écologique et citoyenne de l'eau et une distribution équitable.

«Nous ouvrons un lieu de débat où rien n'est tabou, ouvert à tout le monde», assure M. Fradin, précisant que 1 million d'euros (1,3 million de dollars) a été consacré à financer la participation d'ONG -sur les 30,5 millions d'euros (39,6 millions de dollars) de budget du Forum-.

Les débats du Forum tourneront autour d'une dizaine de priorités d'actions sur la gestion, les usages équilibrés de l'eau, l'amélioration de la qualité des ressources avec le souci constant d'une bonne gouvernance.