«Je sais que je vais mourir», avait confié Maria do Espirito Santo à sa soeur Laisa quelques jours avant d'être assassinée avec son mari dans une embuscade fin mai en Amazonie: le couple se savait condamné pour sa lutte contre les déboisements illégaux qui ravagent la plus grande forêt du monde.

Ce double meurtre a été suivi d'une vague d'assassinats de paysans écologistes, six au total, et tous étaient restés impunis un mois plus tard.

Comme d'autres, Laisa Santos a dû tout quitter pour fuir les tueurs. Avec son mari et ses quatre enfants, cette enseignante de 45 ans vit depuis trois semaines dans une «cachette» à Maraba, dans le sud de l'État amazonien du Para. Cette ville de 15 000 habitants est la plus proche de la réserve forestière de Nova Ipixuna où le couple a été exécuté par balles.

«Bienvenue dans ma cachette», lance Laisa à ses visiteurs. Mais elle explique, amère: «J'ai dû abandonner ma maison après l'assassinat de ma soeur et de mon beau-frère. Je ne pouvais pas rester, je n'étais pas en sécurité».

Maria do Espirito Santo, 51 ans, et José Claudio Ribeiro, 52 ans, qui dénonçaient les bûcherons clandestins, ont été tués le 24 mai à l'aube sur la route qui relie Praia Alta Piranheira à Nova Ipixuna, après avoir reçu pendant des mois des menaces de mort.

«La dernière fois qu'on l'avait menacée, je me rappelle qu'elle m'avait appelée désespérée et m'avait dit: ''Laisa, je sais que je vais mourir!''. C'était une mort annoncée. Moi aussi, je savais que ça allait arriver», dit-elle.

Les «pistoleiros» (tueurs à gage), le visage masqué par des cagoules noires, ont surgi d'un bosquet au moment où José Claudio et sa femme, arrivaient à moto et ont ralenti pour traverser un pont improvisé, d'après les rares informations diffusées par la police.

«José Claudio et Maria ont été atteints par les balles du côté gauche et leurs organes vitaux perforés», a précisé à l'AFP le commissaire de Maraba, José Humberto de Melo, en charge de l'enquête.

Laisa raconte comment elle a retrouvé sa soeur ce mardi là: «J'ai pensé qu'elle pourrait être encore en vie mais, en arrivant, j'ai vu une marre de sang et, à quelques mètres un pied. C'était elle», poursuit-elle en séchant ses larmes.

Au lendemain de cet assassinat, la présidente Dilma Rousseff a ordonné une enquête rigoureuse mais personne n'a encore été inquiété.

La présidente a dépêché sur place des troupes de la Force Nationale de sécurité pour protéger d'autres paysans «désignés pour mourir».

Le week-end dernier, trente militaires ont mis à l'abri, dans un endroit non révélé, dix personnes menacées de mort de la région de Nova Ipixuna.

«Tous ont très peur», a dit à l'AFP une source proche des militaires.

Claudia Elisa a tout quitté comme eux. Cette professeur en écologie a «peur» car elle est la soeur de l'écologiste assassiné et se cache maintenant à Maraba, comme Laisa et les siens.

Dans la maison des époux Ribeiro, il ne reste plus que Hulk, un chien galeux qui erre sur la véranda au milieu des bottes de ses maîtres.

«Le pauvre, il ne veut aller avec personne; il va mourir aussi», dit Laisa.

Depuis la mort du couple, trois autres petits paysans ont été assassinés dans l'État du Para mais les autorités locales, contrairement aux écologistes, affirment que ces morts ne sont pas liées au conflit agraire.

«L'une est liée à la drogue et l'autre est un règlement de comptes. Toutes les morts dans la région ne sont pas dues aux conflits agraires», affirme le commissaire Humberto qui dénombre cinq assassinats dus à des disputes de terre depuis le début de l'année.

La Commission pastorale de la terre, une organisation liée à l'Église, calcule que 800 personnes ont été assassinées dans ce contexte au cours des quarante dernières années et que 125 paysans sont aujourd'hui menacés.

Après plusieurs années de baisse, la déforestation a connu une hausse spectaculaire en mars et avril: 600 km2 sont partis en fumée, une superficie six fois supérieure à la même période de 2010, sous la pression des bûcherons, des éleveurs et des producteurs de soja avides de nouvelles terres.

Le gouvernement a alors mis sur pied un cabinet de crise pour tenter de respecter l'engagement du Brésil de réduire de 80% d'ici à 2020 ses émissions de gaz à effet de serre, essentiellement dûes à la déforestation.