À la veille de la reprise des procédures contre Omar Khadr à Guantánamo, le flou persistait toujours quant au dénouement de ce feuilleton judiciaire qui dure depuis plus de huit ans.

Contredisant de persistantes rumeurs d'une entente à l'amiable négociée entre les procureurs du gouvernement américain et la défense, l'avocat canadien du jeune détenu accusé de crimes de guerre, Dennis Edney, est venu ajouter à la confusion hier en affirmant qu'une telle entente n'existait pas et que le procès irait de l'avant comme prévu aujourd'hui.

«Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à ce stade, il n'y a pas d'entente sur la table. Il y aura un procès demain (aujourd'hui), à moins que le procès soit annulé, mais ça, je ne peux pas le savoir, a soutenu hier Me Edney. Et s'il n'y a pas d'entente sur la table, le juge et les autorités responsables des commissions militaires devront déterminer ce qu'ils vont faire.»

Depuis 10 jours, la machine à rumeurs s'est emballée concernant le procès d'Omar Khadr, accusé notamment d'avoir tué un soldat américain. Alors que les avocats du jeune Canadien originaire de Toronto ont seulement confirmé que des négociations étaient en cours, différents médias ont annoncé qu'une entente à l'amiable prévoirait un plaidoyer de culpabilité en échange d'une peine réduite, probablement de huit ans, dont la majeure partie serait purgée au Canada. Le gouvernement canadien s'est empressé de nier l'existence d'une telle entente, mais a finalement confirmé vendredi dernier que la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, s'était entretenue du dossier avec le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon.

Bien qu'il nie l'existence d'une entente, Me Edney n'a toutefois pas exclu l'idée qu'Omar Khadr plaide coupable.

«Compte tenu des circonstances dans lesquelles il vit et de toute l'histoire de torture et de mauvais traitements dans cet endroit, Omar Khadr n'a pas beaucoup d'options», a dit l'avocat d'Edmonton en conférence de presse au Camp Justice, où doit s'ouvrir le procès aujourd'hui. «Soit il plaide coupable pour éviter un procès, soit il a un procès. Et le procès est un processus inéquitable et injuste.»

«Paradoxe impossible»

Selon le secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, Alex Neve, présent à titre d'observateur, Omar Khadr fait ainsi face à un «paradoxe impossible».

«S'il plaide coupable, il y en a, y compris le gouvernement canadien, qui diront qu'ils avaient raison sur toute la ligne, que c'est un homme dangereux et que tout cela était justifié», a déploré M. Neve.

«Pour Omar Khadr, ce n'est pas comme si, soudainement, il s'était effondré et avait admis qu'il était coupable, a-t-il ajouté. C'est qu'il se rend compte que justice ne sera pas rendue, peu importe ce qu'il choisit de faire. Tout ce qui l'attend, c'est plus d'injustice. Et dans ce cas, plaider coupable est la façon la plus vite et facile de sortir d'ici.»

Ottawa

Si près d'un dénouement, M. Neve craint toutefois que ce soit l'entêtement d'Ottawa qui fasse achopper une possible entente.

«Si le gouvernement canadien n'est pas prêt à fournir à Omar Khadr et son équipe d'avocats, dans les coulisses, une forme d'assurance que le plus gros de la peine, peu importe l'entente, pourra être purgé au Canada, je crois qu'il y a de bonnes chances que tout l'accord tombe», a-t-il estimé.

Mais selon lui, peu importe l'issue de ce procès, les violations des droits de la personne dont a été victime Omar Khadr - torture, mauvais traitements, statut d'enfant-soldat non reconnu, détention prolongée - ne seront jamais traitées ni condamnées.

Omar Khadr est accusé par le gouvernement américain de meurtre, tentative de meurtre, complot, espionnage et soutien matériel au terrorisme. Il a été capturé par l'armée américaine le 27 juillet 2002, en Afghanistan, lors d'un combat contre des insurgés qui a coûté la vie au soldat américain Christopher Speer.

Après d'innombrables délais et reports, son procès devant une commission militaire à Guantánamo a débuté en août dernier, avant d'être abruptement interrompu lorsque son avocat militaire, le lieutenant-colonel Jon Jackson, s'est effondré en cour pendant le contre-interrogatoire d'un témoin de la poursuite.