Après 30 années d'invasion étrangère et de guerre civile, alors que la pauvreté et le chômage touchent la majeure partie de la population, l'Afghanistan est atteint depuis deux semaines par un nouveau fléau, la grippe H1N1.

Début mai, la direction du zoo de Kaboul avait pourtant décidé de placer en quarantaine le seul cochon connu d'Afghanistan, pour calmer les inquiétudes des visiteurs craignant d'être contaminés par la grippe porcine.

Cela n'a pas évidemment pas suffit et les autorités afghanes ont fait part le 28 octobre du premier cas mortel recensé dans le pays, un ingénieur de Kaboul travaillant pour une société de construction.

Depuis, le bilan atteint 11 morts, tous Afghans, tandis que quelque 780 personnes sont contaminées, dont des soldats des forces internationales, selon le ministère de la Santé.

L'Afghanistan a demandé 11 millions de vaccins à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais n'en a reçu aucun.

Et la psychose ne cesse de gagner du terrain, à tel point que de plus en plus d'Afghans portent des masques bleus et répugnent à se serrer la main pour éviter toute contagion.

«La semaine dernière, je ne me sentais pas bien et j'ai paniqué, je me suis précipité à l'hôpital pour faire un test. Dieu merci, le résultat était négatif, mais je suis quand même resté chez moi plusieurs jours», raconte Abdul Shukur, un chauffeur de taxi de Kaboul.

«Vu mon métier, je suis plus exposé à la grippe que quiconque, j'ai peur», avoue-t-il.

Et si les Afghans considèrent souvent avec fatalisme les attentats suicide des talibans, les bavures des forces internationales et la corruption endémique, une crainte irrationnelle s'empare d'eux au sujet de la grippe aviaire.

«Je suis si inquiète par les nouvelles sur la grippe que j'ai interdit à mes six jeunes enfants de quitter notre appartement. Je les garde enfermés», avoue Hajira, une femme au foyer de Kaboul.

Le 1er novembre, l'Afghanistan avait annoncé la fermeture de toutes ses écoles pendant trois semaines afin d'empêcher la propagation de la grippe H1N1. Quelque 7 millions d'élèves et étudiants sont concernés.

Le ministre de la Santé, Mohammad Amin Fatemi, avait ce même jour personnellement appelé le président Hamid Karzaï pour lui conseiller de ne plus serrer le main de ses visiteurs.

«Certaines personnes appellent cela la grippe porcine, d'autre la grippe politique... De toute manière, cela me fait peur», ironise Bahram Sarwary, un commerçant penché sur son étal d'un marché de la capitale, en référence aux rumeurs selon lesquelles l'annonce des premiers cas de grippe participait des coups tordus de la campagne présidentielle afghane.

Après un premier tour calamiteux le 20 août marqué par des fraudes massives en faveur de Hamid Karzaï, le président sortant avait accepté sous les pressions internationales de disputer un second tour qui devait avoir lieu le 7 novembre.

Mais le retrait de son concurrent, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, a entraîné de facto la réélection de Karzaï.

Certains Afghans estiment même que la fermeture forcée des écoles n'a d'autre but que d'empêcher les étudiants de se réunir et manifester en faveur de l'opposition.

Une accusation balayée de la main par le ministre de la Santé, qui menace de «traîner en justice ceux qui en répandant de telles rumeurs mettent en danger la vie de nos compatriotes».