Le premier ministre Stephen Harper a indiqué vendredi aux dirigeants chinois qu'ils ne doivent pas s'attendre à ce que le Canada passe sous silence la question des droits de la personne pour favoriser l'élargissement des liens économiques entre les deux pays.

En visite officielle de quatre jours en Chine, M. Harper a livré son premier et son seul discours majeur, vendredi soir, à Shanghai, l'un des centres névralgiques de l'émergence économique chinoise.

M. Harper a indiqué que les deux pays ont beaucoup à gagner d'un partenariat économique renforcé, notamment dans le secteur de l'énergie.

Le Canada est une superpuissance énergétique émergente. Il est considéré comme le septième plus important producteur de pétrole, le troisième plus grand producteur de gaz naturel et le plus grand producteur d'uranium, a fait valoir le premier ministre devant un auditoire d'environ 500 chefs d'entreprises, dont plusieurs font des affaires dans les deux pays.

Selon M. Harper, la Chine aura besoin de sources d'énergie stables pour poursuivre sa spectaculaire croissance, ce que le Canada peut lui offrir. De plus, a-t-il dit, les entreprises canadiennes peuvent aider la Chine à s'adapter à des technologies plus propres.

Le premier ministre canadien a dit croire et avoir «toujours pensé qu'une relation économique mutuellement bénéfique n'est pas incompatible avec un dialogue franc sur des valeurs fondamentales comme la liberté, les droits humains et la primauté de la loi».

M. Harper a ajouté que selon l'expérience canadienne, ces éléments sont inséparables. Il a noté que les 1,3 million de Canadiens d'origine chinoise sont en plein essor dans une société pluraliste.

«Dans les relations entre la Chine et le Canada, nous continuerons à soulever des questions de liberté et de droits de l'homme. Nous serons d'ardents défenseurs et un partenaire efficace pour la réforme des droits de l'homme, et nous poursuivrons les relations économiques mutuellement bénéfiques souhaitées par nos deux pays», a-t-il indiqué.

Ces déclarations ont été accueillies dans le silence par l'assistance, qui avait pourtant généreusement applaudi les déclarations de M. Harper sur les progrès en matière d'échanges économiques mis en place dans le cadre de cette visite officielle, le plaidoyer contre le protectionnisme et l'annonce au sujet des quatre nouveaux consulats d'affaires qu'ouvrira le Canada en Chine.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, a estimé qu'il est plutôt mal venu pour M. Harper de donner aux Chinois des leçons en matière de droits de la personne, compte tenu de la façon dont son gouvernement a géré le transfert de prisonniers afghans par les militaires canadiens, et le refus du Canada de signer la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

«Quand on habite une maison de verre, on évite de lancer des cailloux», a indiqué M. Layton, vendredi, à Winnipeg.

L'ancien député conservateur John Reynolds, qui passe maintenant trois mois par an en Chine pour ses affaires, a estimé que les Chinois n'accueilleraient pas mal les commentaires de M. Harper.

«Les gens d'affaires comprennent la politique. Ils savent que le Canada est un ami, que nous avons les ressources dont ils ont besoin et que nous pouvons faire des affaires dans les deux sens», a-t-il indiqué.

Il a fait remarquer que pendant le soi-disant «froid» des relations entre la Chine et le Canada, le commerce bilatéral entre les deux pays a augmenté de plus de 10 pour cent par année et qu'il ne cesse de croître.

Par ailleurs, après avoir clairement fait savoir à Stephen Harper qu'il aurait dû déployer davantage d'efforts pour entretenir de bonnes relations avec leur pays, les dirigeants chinois affirment maintenant être prêts à passer l'éponge et à solidifier à nouveau les relations avec le Canada.

Mercredi, jour de l'arrivée de Stephen Harper à Pékin pour sa première visite officielle en Chine depuis qu'il est au pouvoir, des commentaires ont été publiés dans les journaux chinois à l'effet que cette visite aurait dû avoir lieu avant.

Puis, jeudi, M. Harper s'est fait dire par le premier ministre chinois Wen Jiabao que si les journaux en avaient tant parlé, c'est que cinq ans, c'est trop long pour le bien des relations entre les deux pays.

Le pouvoir chinois a utilisé les médias officiels pour faire passer son message et les a utilisés encore vendredi avec la publication d'une rare entrevue de M. Wen.

Dans cette entrevue, dont une partie a été publiée par le journal de langue anglaise China Daily, le premier ministre chinois blâme le gouvernement Harper pour avoir endommagé ce qui, selon lui, était une relation étroite et mutuellement bénéfique.

Il ajoute que la Chine n'a pas apprécié de voir le Canada la marginaliser ces dernières années. Selon lui, cela a nui aux échanges commerciaux et personnels.

Le premier ministre chinois suggère dans cette entrevue que la clé se trouve du côté du respect mutuel, de l'égalité et de l'attention donnée aux intérêts de l'autre. Il a dit espérer que cette visite de M. Harper pourra résoudre le problème de confiance mutuelle.

L'appui de M. Harper au leader tibétain, le dalaï lama, et son refus d'assister au Jeux olympiques de Pékin l'an dernier sont cités par le journal comme des exemples de ce qui a déplu au gouvernement chinois ces dernières années.

M. Wen a toutefois dit que son gouvernement est prêt à tourner la page. Le journal a aussi souligné que M. Harper avait fait des progrès dans ses efforts de réchauffer les relations entre les deux pays, jugées de «froides à glaciales».

Cela n'a pas empêché la Chine d'annuler une rencontre que le premier ministre canadien devait avoir avec le maire de Shanghai, ce samedi. Le gouvernement chinois a indiqué à la délégation canadienne que ce dernier avait été appelé à Pékin.