Alors que le Mois de l’autisme fête ses 40 ans au Québec, force est de constater que le chemin est encore long pour garantir aux personnes autistes et à leur famille une égalité des chances et des droits à l’école, dans l’univers professionnel, dans l’espace social…

Champagne ! serait-on tenté de dire. Après toutes ces années, la Fédération québécoise de l’autisme (FQA) constate en effet que des progrès indéniables ont été faits, notamment en matière d’acceptation et de compréhension de l’autisme par le grand public. Pourtant, ce n’est jamais facile de se réjouir alors que la réalité quotidienne nous submerge de difficultés.

Oui, les temps sont durs pour les personnes autistes et leurs familles. Pour les plus jeunes, les remous de la grève scolaire se font encore ressentir. Selon une enquête sur l’impact des crises sociales sur le bien-être des familles québécoises menée par la Dre Mélissa Généreux (sur un échantillon de plus de 14 000 personnes), les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) et leurs parents vivent des défis majeurs depuis le retour à l’école : motivation, bien-être psychologique, anxiété scolaire, perte d’apprentissages, décrochage⁠1

Dans toutes ces dimensions, les préoccupations des parents d’élèves HDAA dépassent de loin celles des parents d’enfants sans difficultés d’apprentissage. Globalement, ils déclarent même vivre de deux à trois fois plus d’évènements entraînant une « faible qualité de vie ».

Sur tous les tons, la FQA le répète depuis de nombreuses années : l’inclusion scolaire des élèves à besoins particuliers est un préalable indispensable pour garantir leurs droits fondamentaux⁠2. Et malgré la Loi sur l’instruction publique, ce n’est toujours pas le cas en 2024 au Québec.

Du côté des adultes, et en particulier des plus vulnérables, la situation n’est pas plus réjouissante. Trous de services, non-disponibilité des évaluations diagnostiques au public, difficulté à trouver des logements adaptés, précarité financière qui peut mener à l’itinérance…

La liste des embûches est longue, surtout quand des décisions politiques ajoutent une dose de complexité. En juillet 2022, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale publiait une liste révisée des diagnostics évidents permettant un accès accéléré au Programme de solidarité sociale (PSS). Présents dans la liste précédente, les diagnostics d’autisme, de schizophrénie et de bipolarité ont été retirés. Cela a eu pour effet de rendre plus difficile l’accès au PSS : le taux de refus des demandes est très élevé lorsque le diagnostic de la personne n’est pas dans la liste.

Avec l’évolution démographique actuelle, de plus en plus de personnes autistes vieillissent elles aussi. Leur offrir un filet social adapté à leurs défis pour vivre dignement leur vie d’aînés et d’aînées dans les meilleures conditions devrait être non négociable.

Le budget présenté le 12 mars dernier par le gouvernement n’est pas de nature à nous rassurer, loin de là.

Aucun plan d’envergure n’est proposé pour soutenir les personnes autistes, leur famille, les organismes communautaires. Pire, aucun bilan du plan d’action en autisme 2017-2022 n’est envisagé et même aucun plan d’action n’est prévu pour les années qui viennent.

Alors oui, célébrer joyeusement le Mois de l’autisme est aussi difficile qu’essentiel. Aucun flambeau n’est à laisser de côté pour faire briller la cause de l’autisme ; aucune occasion ne doit être négligée pour promouvoir le respect des droits des familles ; aucune tonalité, y compris celle de l’humour et de l’air léger, ne doit être proscrite pour faire résonner les voix multiples de la différence.

En cette Journée internationale de sensibilisation à l’autisme, nous vous invitons donc à faire briller l’autisme dans toute sa diversité avec la conviction qu’un monde meilleur, bienveillant et inclusif est possible…

1. Lisez l’enquête de l’Université de Sherbrooke 2. Lisez le texte « Les élèves qui ont le plus besoin de soutien pénalisés » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue