Je veux vous parler de Benoît Pelletier, mort subitement samedi, à la veille de Pâques. Il venait d’avoir 64 ans. Beaucoup trop jeune pour partir, pour quitter sa famille, pour nous quitter, tous et toutes au Québec.

Je suis vraiment triste, comme le sont sûrement tous ceux et celles qui ont eu la chance et le privilège de le côtoyer. Benoît Pelletier était quelqu’un de particulièrement aimable et attentionné. Il était respectueux de toutes les opinions. Très compétent en droit constitutionnel, il était toujours généreux et patient pour aider tous ceux (étudiants, médias, etc.) qui souhaitaient comprendre les enjeux liés à la Constitution, particulièrement ceux concernant le Québec.

En tout cas, je peux témoigner de sa générosité envers moi.

En 2021 et 2022, j’étais la porte-parole de l’opposition officielle en matière de langue française. Ayant lu les textes que Benoît Pelletier avait écrits depuis plus de 20 ans sur des questions constitutionnelles et linguistiques, y compris ce qu’il avait proposé pour le Parti libéral du Québec (PLQ), notamment dans son rapport de 2001 sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise, je savais qu’il pourrait être de bon conseil pour m’accompagner dans l’étude de l’imposant projet de loi 96 déposé au printemps 2021.

Pendant les mois qu’a duré ce processus, Benoît Pelletier a été un mentor et un guide qui m’a soutenue avec beaucoup de patience, que ce soit par exemple pour les enjeux liés aux chartes ou aux dispositions de dérogation.

Ayant lui-même été membre du Parti libéral du Québec et du gouvernement, il connaissait bien les défis reliés à la question linguistique au sein du PLQ. Il fallait réfléchir aux notions de droits individuels protégés par les chartes et, en même temps, aux droits collectifs, toujours en jeu quand il est question de la langue française au Québec. Sa réflexion était élaborée et ses positions, modérées. Il m’a toujours conseillée de façon non partisane, en ayant en tête l’intérêt supérieur du Québec.

Il a été un pédagogue extraordinaire, toujours présent et disponible. Je suis demeurée en contact avec lui après mon départ de la politique en 2022 afin de poursuivre nos échanges sur les questions de langue, de culture et de Constitution.

Benoît Pelletier était un fédéraliste qui disait ouvertement et clairement, appuyé par son expertise juridique et constitutionnelle, que le Québec pouvait aller chercher plus de pouvoirs et d’autonomie à l’intérieur de la fédération. Il a souvent plaidé pour l’élaboration d’une Constitution du Québec, pour la place du Québec et de la francophonie au sein du Canada et à l’international. Il s’est aussi intéressé aux questions autochtones. Il est le concepteur du Conseil de la fédération canadienne. Il a aussi plaidé pour un renouvellement des institutions démocratiques. Il nous donnait espoir et envie d’être plus affirmés et audacieux au sein du Canada.

Au début de l’année 2021, il a frôlé la mort à la suite de complications graves de la COVID-19. Il a été dans le coma pendant plusieurs semaines. Il s’est relevé de la maladie avec une force et un courage exceptionnels. Son enthousiasme et ses convictions n’en ont jamais été affectés. Il était un survivant qui voulait poursuivre son travail, continuer à contribuer à la société, à donner ses avis sur les enjeux constitutionnels, linguistiques et autres, toujours avec le même sourire et la même bienveillance.

Benoît Pelletier nous manquera beaucoup. Non seulement à sa famille et à ses proches, mais aussi à tout le Québec qui vient de perdre un professeur de droit remarquable, célébré par ses pairs, et un juriste expert qui avait à cœur nos intérêts collectifs.

Il a beaucoup apporté à la politique, à sa façon de la pratiquer, et à la vie académique, où de nombreux étudiants ont pu profiter de ses connaissances et de son expertise.

Il a toujours eu le courage de ses convictions nationalistes, au sein d’un parti fédéraliste. En tant qu’homme politique, il s’est employé à renforcer la place du Québec sur l’échiquier canadien et sur la scène internationale.

Quand je lui demandais comment il se sentait comme ministre dans son propre parti, il me disait qu’il lui arrivait de « ramer à contre-courant », que les « vents pouvaient venir de face », mais qu’il gardait son optimisme et sa détermination pour apporter de nouvelles idées pour un fédéralisme plus respectueux des enjeux du Québec. Il a servi de modèle pour ceux et celles qui ont à cœur les intérêts d’un Québec qui revendique une place forte pour protéger sa culture et sa langue.

On perd un être humain chaleureux, humble et rassurant qui tentait de nous pacifier au lieu de nous diviser. Il a été un formidable acteur de la réflexion sur notre société, sur la posture constitutionnelle, politique, juridique et linguistique du Québec. Les Québécois nationalistes, fédéralistes ou pas, viennent de perdre un grand allié.

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