Le Wapikoni mobile amène de jeunes autochtones de plusieurs nations à se retrouver tous ensemble et à partager autour du cinéma. Trois d'entre eux nous parlent de leur expérience qui leur a permis de s'exprimer et, encore plus, de tracer leur chemin de vie.

Depuis 14 ans maintenant, le Wapikoni mobile, fondé par Manon Barbeau, roule de communauté en communauté des Premières Nations pour parler, penser et produire du cinéma. Près de 4000 participants ont été formés et appuyés dans la réalisation de courts métrages, documentaires et vidéoclips dans 25 nations autochtones au Canada et 11 à l'étranger.

Couronnés de plus de 150 prix et mentions, les 1000 films ont été conçus avec des équipements à la fine pointe, et plusieurs peuvent être vus sur wapikoni.ca. Les productions nous montrent des jeunes, et des moins jeunes, qui témoignent de leur réalité, de leurs rêves, de leurs combats, individuels ou collectifs, et de leurs réussites.

Charlie Gordon 21 ans, Inuit originaire de Kuujjuaq

Il a réalisé son premier film avec le Wapikoni cette année, Kinauvunga (Qui je suis). Il termine son cégep et espère entrer ensuite à l'École nationale de théâtre.

«C'est au Nunavik que j'ai entendu parler du Wapikoni. Ma copine connaissait l'un des responsables et m'a suggéré d'y contribuer. Je savais que je voulais faire du théâtre, alors c'était naturel.»

Son premier projet portait sur un festival de musique autochtone, mais n'a pu être réalisé en raison de problèmes d'horaire. C'est là qu'il s'est dit qu'il pouvait parler de sa propre expérience.

Très belle, la première image du film montre un diabolo qui s'envole au ralenti dans le ciel bleu du Nord. Charlie Gordon pratique quelques arts du cirque aussi.

«On a beaucoup travaillé le visuel du film avec Pierre Luc Junet. Je suis plutôt satisfait du résultat. J'ai beaucoup aimé le processus créatif tel qu'il fonctionne avec Wapikoni.»

Charlie Gordon se voit tel un voyageur qui va au gré des vents et des courants. Il croit qu'il poursuivra sa vie à Montréal pour faciliter les voyages éventuels à l'étranger.

«J'espère faire encore du cinéma. L'initiation avec Wapikoni m'y a encouragé.»



Katherine Nequado 19 ans, Atikamekw de Manawan



Elle se dirige vers des études en cinéma à Montréal et a déjà réalisé deux courts métrages fort prometteurs.

«J'ai pu voyager au Québec et en France avec Wamin (La pomme). Ç'a été une vraie belle surprise. Wapikoni venait souvent dans ma communauté, mais j'étais gênée d'aller vers eux. C'est à Montréal que j'ai décidé d'embarquer.»

«La pomme» est une expression péjorative en langue atikamekw décrivant les personnes qui ont quitté leur communauté et qui sont décrites comme étant rouges à l'extérieur et blancs à l'intérieur. Le film se base sur son expérience personnelle.

«Au début, je ne faisais un film que pour m'exprimer, mais j'ai vu la réaction des gens et j'ai réalisé que ça les touchait. Des gens de tous âges et de plusieurs nations autochtones.»

Son deuxième film, Nin tapwe (Authentique), procède aussi de la quête identitaire, mais comme femme cette fois. Dans les deux cas, la jeune artiste a adoré ses expériences de tournage.

«On est très bien encadrés par des professionnels en cinéma. Ça se déroule généralement en une journée. Après, on passe deux ou trois jours en montage pour un film de deux minutes», blague-t-elle.

photo Vicky Moar-Niquay, fournie par Wapikoni Mobile

Katherine Nequado

Simon Riverin 37 ans, Innu originaire de Pessamit

Ce technicien a travaillé auparavant comme coordonnateur du programme jeunesse de l'organisme Montréal autochtone à Montréal. Il a collaboré à plusieurs productions du Wapikoni.

«J'ai beaucoup participé comme technicien, mais j'ai aussi réalisé un court métrage motivationnel, Écoute ta passion, et un film en stop-motion avec de la danse [Mendier].»

«J'ai eu la chance de voyager dans les communautés avec Wapikoni. C'est une belle aventure, quoiqu'en hiver, en Abitibi, pour prendre du son, c'est pas l'idéal. Mais c'est très formateur. Le Wapikoni me permet de m'améliorer constamment. Ils ont la volonté de m'aider à développer mes compétences.»

Il compte continuer de rouler avec eux, même si parfois son statut de pigiste l'empêche de participer à des projets selon le calendrier. «J'aurais pu partir sur la route cet été pour aller enregistrer des musiques dans les communautés, mais j'avais déjà un autre contrat à Montréal.»

L'importance et la qualité des projets de Wapikoni lui donnent l'envie de poursuivre la démarche qu'il qualifie de «très positive».

«Comme j'ai passé la trentaine déjà, je vois maintenant mon expérience Wapi comme le fait de passer le flambeau aux plus jeunes. Quand j'avais leur âge, je me cherchais beaucoup, alors je leur dis de ne jamais lâcher le travail.»

Le commentaire de Chloé Robichaud



«Le cinéma a le potentiel de rallier artistes, artisans et communautés autour d'un projet social, et Wapikoni mobile en fait brillamment la preuve depuis plus de 10 ans. L'organisme sans but lucratif offre la possibilité aux jeunes des Premières Nations de s'affirmer librement par la création cinématographique. Je souhaitais par cet article mettre de l'avant la voix et le talent de ceux et celles qui participent à ces ateliers.»

photo fournie par Wapikoni Mobile

Simon Riverin