Samira Makhmalbaf, cinéaste iranienne de 28 ans, n'a pas le droit de tourner dans son pays, et le plateau de son dernier film, en Afghanistan, a été visé par un attentat. Mais ces contre-temps ne font que renforcer son envie de faire du cinéma.

Convaincue que les pressions politiques, le terrorisme et les guerres lui donnent l'énergie s'exprimer, la jeune réalisatrice se dit artiste universelle, voulant véhiculer un message «transposable à tous les êtres humains».

 «Je fais du cinéma pour beaucoup de raisons, entre autres pour tenter de réduire la souffrance humaine», explique-t-elle à l'AFP à l'occasion du festival de Saint-Sébastien (nord).

La jeune femme est marquée par les conflits qui ont touché son pays, et ses films sont souvent teintés de violence, une violence crue volontairement surprenante pour le spectateur occidental, «habitué aux films de Hollywood», et qui contraste avec la douceur tendre de la cinéaste, vêtue de noir, et qui s'exprime toujours avec un grand sourire.

Au festival, elle est venue présenter en compétition officielle «Two-legged horse», littéralement «le cheval à deux pattes», un film plein de symboles racontant la relation oppressante entre deux enfants, l'un devenant le maître et l'autre, toujours en le consentant, l'esclave.

Les autorités iraniennes lui ont interdit de le tourner en Iran, considérant que le scénario ne respectait pas les règles locales.

Loin de se résigner, Samira Makhmalbaf a finalement décidé de tourner en Afghanistan ce film aux scènes parfois choquantes, uniquement avec des acteurs non-professionnels.

 «J'ai choisi ce pays grâce à la proximité linguistique, et celle des paysages, même si ce film pourrait se dérouler n'importe où», explique la cinéaste qui refuse de commenter la situation politique en Iran, préférant s'exprimer à travers ses films.

Mais en Afghanistan aussi, elle a connu des imprévus. «Un jour de tournage intense, avec 200 figurants, une grenade a été lancée sur le plateau, faisant cinq blessés parmi les figurants et blessant mon assistant. L'un d'entre eux est décédé deux mois après», raconte la cinéaste.

«Cette grenade visait clairement à faire du mal, et grâce aux chevaux (présents sur le plateaux, ndlr), qui ont absorbé la plupart des éclats de l'explosion, les dommages n'ont pas été plus importants. Sans eux, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui», poursuit-elle.

Après cet incident «les forces des Nations unies nous ont demandé de partir, et j'ai décidé de poursuivre le tournage dans un autre endroit en Afghanistan», explique la jeune femme, dont deux films ont déjà été primés à Cannes, en 2000 et 2003.

Elle ne connaît pas les auteurs de cet attentat mais sait qu'il «existe des gens qui ne veulent pas que la famille Makhmalbaf fasse du cinéma».

Car chez les Makhmalbaf, le cinéma est une histoire de famille. Le père, Mohsen, est réalisateur, la mère est scénariste, les deux filles Samira et Hana sont réalisatrices et leur frère, Maysan, est producteur.

Réaliste, Samira reconnaît qu'il est peut-être «plus difficile d'être une femme qu'un homme» pour faire du cinéma dans des pays «où l'on considère que les femmes ne peuvent pas être des créatrices» mais là encore, elle préfère «oublier tout cela» pour aller de l'avant.

Son rêve? Peut-être de «pouvoir à nouveau tourner en Iran, car cela voudrait dire qu'il y a plus de liberté d'expression, de meilleures conditions de vie pour tout le monde, mais je n'en fais pas une obsession», assure-t-elle.