Le porte-parole des Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ), Marc Labrèche, a inauguré hier la «Leçon de cinéma», série de rencontres où défileront aussi Denis Côté, Xavier Dolan et Jean-Marc Vallée. De façon hilarante, comme il se doit, pour celui qui voit en l'absurde le plus beau des langages.

Il a été finalement assez peu question de cinéma, hier soir, pour la première «leçon de cinéma» des RVCQ, animée par Marie-Louise Arsenault, fortement enrhumée, ce qui lui a valu la compassion et les nombreuses blagues du comédien pendant 90 minutes. 

Marc Labrèche a surtout parlé du métier d'acteur, revenant sur les expériences les plus diverses de son parcours profondément atypique. 

Sa première expérience? À 9 ans, dans la pièce L'oiseau bleu, présentée à Noël, où il devait embrasser une fille. «Pour le premier baiser que j'ai donné dans la vie, 800 personnes ont applaudi», a-t-il raconté.

Oui, bien sûr, il a été initié jeune au métier, notamment par son père Gaétan Labrèche, mais il dit ne pas trop savoir ce que cela signifie, être «un enfant de la balle». Cela a peut-être retardé sa vocation, car en suivant les traces de son père, il avait l'impression de «manquer totalement de personnalité». 

«Mais je n'avais aucune aptitude pour rien d'autre.»

Le plus important aura été de trouver «sa» famille, «son» ton - et c'est ainsi qu'il aura révolutionné la télévision québécoise. Le premier succès a été la comédie musicale Pied de poule, qui a bien failli le brouiller pour toujours avec Normand Brathwaite. «On avait l'impression d'être des rock stars, on se la jouait sérieux, et à la fin, personne ne se parlait, et ça, pendant des années!»

Résilience

C'est finalement la nécessité qui l'a obligé à essayer plusieurs avenues, quand il a pris conscience qu'il devait travailler pour élever décemment ses enfants. 

«Je suis heureux d'avoir hérité de deux choses: la résilience et la non-peur du ridicule.» Avec les résultats que l'on sait: Marc Labrèche est probablement l'un des comédiens comiques les plus originaux de sa génération.

Mais, de son propre aveu, il est «bicéphale»: il a besoin du comique comme du drame. «C'est mon équilibre. Je suis tellement fidèle dans la vie que j'ai besoin de me tromper moi-même.» Et contrairement à une idée reçue, il ne croit pas que l'un est plus difficile que l'autre. Le plus important, à son avis, est la simplicité. Il faut de l'abandon, car la grâce risque de ne pas arriver, quand on intellectualise trop.

Son cauchemar? Être mal dirigé. «On est souvent mal dirigé. Ça arrive quand une rencontre ne se fait pas. Comme dans un couple. Et c'est pire que tout.»

Ce qu'il recherche chez ses collègues? «La sensibilité, l'intelligence du texte, le courage d'assumer l'idée qu'on se fait du personnage et l'imagination.» Toutes choses que sa compagne de jeu la plus connue, Anne Dorval, lui offre.

Quant à sa meilleure expérience de comédien, elle demeure, manifestement, Les aiguilles et l'opium de Robert Lepage, dont il a parlé avec tendresse, la même tendresse qu'il semble avoir pour Denys Arcand, avec qui il a travaillé sur L'âge des ténèbres.

Plus que l'humour, son véritable amour va à l'absurde, pour lequel il a les mots les plus sentis, car faire rire seulement n'est pour lui d'aucun intérêt. «La musique de l'absurde, c'est le choc entre des mots qui n'ont aucun sens et les silences. La cantatrice chauve, ça n'a pas vieilli, parce que c'est une musique qui n'a pas d'âge. C'est l'ultime poésie selon moi.»

Très cabotin, comme à son habitude, Marc Labrèche n'a pas cessé de décrocher et de lancer des blagues. Ses descriptions des deux IGA de Saint-Lambert, de sa rencontre surréaliste avec Peter Gabriel ou de l'atmosphère du théâtre de Bergman à Stockholm valaient à elles seules le détour. «Sa» public, bien sûr, était en extase.