En choisissant Richard Berry pour incarner le personnage principal de Jacques dans Père fils thérapie, Émile Gaudreault a découvert un acteur au potentiel comique insoupçonné. En retour, Berry a trouvé un réalisateur comme il les aime pour diriger un plateau de tournage.

Le jour du passage de La Presse, M. Gaudreault a raconté avoir hésité avant de retenir M. Berry. «Il a joué, je crois, dans une centaine de films. J'ai quand même eu un doute [en le choisissant], explique le réalisateur québécois. Souvent, dans les comédies où je l'ai vu jouer, il était davantage un "straight man". Il jouait avec des comiques, un peu comme Dean Martin avec Jerry Lewis. Alors que dans mon film, il devait incarner un vrai personnage devant porter la comédie.

- Et qu'avez-vous découvert chez lui?

- Que c'est un vrai acteur comique, s'exclame Gaudreault. C'est un surdoué. Il a un instinct très fort envers le texte. Je n'ai pas besoin de lui dire grand-chose avant une prise. Il comprend tout de suite le sens des scènes à jouer.»

Plus tard, en soirée, autour de la table où il est venu s'asseoir et échanger une bonne vingtaine de minutes, Richard Berry évoquera avec un mélange d'intérêt et de respect le rythme de travail orchestré par le réalisateur et le directeur photo Ronald Plante.

«Je suis fait pour ce genre de metteur en scène, dit-il. Il y a un professionnalisme sur ce plateau qui me va bien. C'est très américain, très précis comme travail. Ça tourne, ça roule, c'est simple.»

Il ne donnera pas de noms, mais M. Berry déridera notre petite tablée en racontant avec une verve colorée combien certains metteurs en scène, en plein tournage, trouvent difficilement leur propre chemin, s'égarent à travers un dédale d'hésitations.

«C'est lent, c'est mou. Ils ne savent pas trop ce qu'ils veulent faire, ils cherchent les plans, ça me rend dingue, lance-t-il. On est là pour servir un film. Alors, je suis à la disposition de tout ce qu'on me demande, mais quand on sait ce qu'on veut! Parfois, les mecs sont là à se questionner et au bout de deux heures, ils accouchent d'un plan de merde. Alors qu'ici, on sait qu'en finissant un plan, on se positionne à un autre endroit et point barre!»

Autrement dit, on recommence et ça roule.

Lui-même réalisateur (La boîte noire, L'immortel), Richard Berry dit être dans la même énergie lorsqu'il est derrière la caméra. «Je travaille comme ça avec mon chef opérateur [l'équivalent de directeur photo au Québec]. Nous nous préparons très en amont et sur le plateau, ça avance, ça pousse, ça pousse, ça pousse.»

Celui qui pisse le plus loin

Lorsqu'on demande à Richard Berry ce que le film de M. Gaudreault nous dit des rapports père-fils, il se lance dans une interprétation joyeuse.

«Il y a toujours dans les rapports père-fils le défi de celui qui pisse le plus loin, expose-t-il. Dans le film, avec mon fils, j'essaie de lui enseigner cette espèce de soi-disant virilité du flic. Mais les autres duos père-fils sont aussi dans un rapport de force. Ça nous dit que les mecs sont quand même un peu bêtes.»

Jacques Gamblin, interprète de l'avocat que cherchent à coincer Jacques et Marc, fait aussi une analyse intéressante de l'histoire.

«Ce que j'aime de cette idée, c'est qu'elle est inédite, plaide-t-il. En même temps, on se dit: pourquoi pas! Ça devrait exister, ces choses-là. C'est très sain. Il y a certainement des stages de thérapie familiale, mais père-fils, je ne pense pas que ça existe. Si je repense à mon père, ce n'était pas simple non plus. Il était à la maison tous les soirs, mais pourtant, je n'ai pas eu l'impression de l'avoir tout à fait rencontré. Donc, faire ce film me rappelle bien des souvenirs. Aujourd'hui, il n'est plus là, mais je me dis que s'il revenait, nous pourrions nous faire une petite thérapie [rires].»

Invité à analyser ses films, Émile Gaudreault déclare: «Tous mes films se résument à l'idée qu'il faut se dire ce qui n'est pas dit. Il faut dire les choses et je n'en sors pas. Ici encore, ces pères et ces fils doivent finir par se dire des choses, mettre des mots sur leurs émotions. Je crois que ça va encore un peu plus loin ici.»

Des premières

Le fait d'être lui-même réalisateur ne rend-il pas Richard Berry imperméable aux directives qu'il reçoit lorsqu'il se glisse de nouveau dans la peau d'un personnage?

«Au contraire, argue-t-il. On sait ce que c'est! On sait se mettre à la disposition du metteur en scène. On se comporte avec le metteur en scène comme on aimerait que les acteurs soient avec nous. Donc, moi, au moment de tourner une scène, on ne m'attend jamais, je sais mon texte.»

Tout comme Jacques Gamblin, c'était la première fois que M. Berry tournait avec un réalisateur québécois. Il a tout de même quelques liens avec le Québec. Il a entre autres joué aux côtés de Carole Laure dans le film Un assassin qui passe de Michel Vianey.