Aux yeux des artisans de cette nouvelle adaptation, le roman que F. Scott Fitzgerald a publié en 1925 est plus pertinent que jamais. Des années d'insouciance et d'opulence aboutissent inévitablement à une crise. 1929, c'était hier. 2008 aussi.

Au début des années 2000, alors qu'il se trouvait dans le nord de la Russie à bord du Transsibérien, Baz Luhrmann a redécouvert The Great Gatsby en écoutant une version audio du roman classique de F. Scott Fitzgerald. Comme plusieurs des gens de sa génération, le cinéaste ne connaissait alors de cette oeuvre que le film réalisé par Jack Clayton en 1974. Il l'avait vu il y a déjà très longtemps, dans son patelin reculé d'Australie.

La compréhension de l'ouvrage par Luhrmann en tant qu'adulte fut évidemment très différente. Et marquante au point où l'idée d'en faire un nouveau long métrage n'a plus quitté le réalisateur de Moulin rouge. Le roman emblématique de la Jazz Era a ainsi nourri les fantasmes d'un cinéaste célébré pour son style visuel flamboyant, reconnu aussi grâce à sa façon d'évoquer une époque révolue en y intégrant des composantes très modernes. Le rappeur Shawn « Jay Z « Carter a notamment été mis à contribution pour la trame musicale. Et puis, Luhrmann a tenu à tourner le film en 3D.

«Fitzgerald était jeune adulte au moment où il a écrit The Great Gatsby, faisait remarquer le cinéaste au cours d'une rencontre de presse tenue au Plaza Hotel de New York la semaine dernière. Je ne pourrais dire s'il aimerait le film que nous avons fait, mais il est clair que l'homme s'est beaucoup inspiré de la culture populaire de son époque. Que ce soit sur le plan technique ou musical, il était important de tisser des liens avec la réalité d'aujourd'hui. Je suis d'ailleurs certain que Fitzgerald serait ravi d'apprendre que son livre est présentement au sommet de la liste des best-sellers. À mes yeux, cela prouve à quel point il était visionnaire. Il a su prévoir les mouvements sociaux mieux que personne.»

S'accrocher à une image

Le mythique roman de Francis Scott Fitzgerald relate le parcours de Jay Gatsby (Leonardo DiCaprio), nouveau millionnaire énigmatique au passé trouble, qui tente aujourd'hui de reconquérir Daisy (Carey Mulligan), la femme de qui il est éperdument amoureux, maintenant mariée à un homme riche (Joel Edgerton). Leur histoire est racontée selon le point de vue d'un voisin (Tobey Maguire), aspirant écrivain que Gatsby a un jour invité à l'une de ses soirées luxueuses.

Travaillant toujours avec ses proches collaborateurs, parmi lesquels sa fidèle complice (et femme) Catherine Martin, de même que le scénariste Craig Pearce, Baz Luhrmann a su réunir une distribution imposante, dominée par Leonardo DiCaprio. L'acteur, qui retrouve son réalisateur de Romeo + Juliet, reprend ainsi un rôle immortalisé à l'écran par Robert Redford dans les années 70.

«Le souvenir que je gardais de ce roman au moment où je l'ai lu une première fois, à l'âge de 15 ans, n'a évidemment plus rien à voir avec ma vision d'adulte, explique l'acteur. Quand je l'ai relu, j'ai été complètement fasciné et conquis. J'ai alors compris pourquoi ce roman occupe encore une telle place dans notre imaginaire collectif, même près de 100 ans après sa publication. Ce qui m'a frappé, c'est la profonde tristesse d'un être qui s'accroche désespérément à l'image de celle qui l'obsède, et de sa propre image aussi. Cet aspect m'enthousiasme en tant qu'acteur. Cela dit, les personnages sont tellement riches que nous pouvons tous en tirer une interprétation personnelle.

«Et puis, ajoute-t-il, Fitzgerald avait prévu le krach d'une certaine façon. Or, on refait toujours les mêmes erreurs, encore de nos jours. La surconsommation et la course effrénée aux profits ne peuvent faire autrement que d'aboutir sur une impasse. Ce fut le cas en 2008.»

De New York à Sydney

The Great Gatsby synthétisant l'effervescence du New York des années 20, Luhrmann aurait évidemment souhaité pouvoir tourner son film dans les lieux mythiques que décrit Fitzgerald dans son roman. Mais cette ambition s'est révélée impossible à concrétiser, tant sur le plan logistique que financier.

«Nous avons tout recréé en studio à Sydney, dit fièrement le réalisateur. Le manoir dans lequel habite Gatsby est, dans les faits, une ancienne école que j'ai fréquentée moi-même pendant mon adolescence!»

Sous la supervision de sa collaboratrice Catherine Martin, qui assume aussi le rôle de directrice artistique, les décors ont été minutieusement construits afin de reproduire le New York de l'époque. Rien n'a été laissé au hasard.

«Pour nous, c'était particulièrement intéressant, fait remarquer Leonardo DiCaprio. Nous avons été plongés au coeur d'une équipe extrêmement enthousiaste, fière de pouvoir compter cette production à son actif, et fière du travail de Baz. Je ne suis pas certain que la passion aurait été la même si nous avions tourné ce film ailleurs qu'en Australie.»

Rendez-vous à Cannes

Le 15 mai, soit cinq jours après la sortie du film partout en Amérique du Nord, The Great Gatsby ouvrira le 66e Festival de Cannes. L'honneur de lancer le plus prestigieux événement cinématographique du monde revient à Baz Luhrmann une deuxième fois, 12 ans après Moulin rouge.

«Cela me touche particulièrement, a déclaré le cinéaste. Quatre-vingt-huit ans après avoir écrit les passages les plus douloureux de son livre dans les environs de Cannes, alors que son épouse vivait une aventure avec un officier français, F. Scott Fitzgerald revient sur les lieux en grandes pompes, pour inaugurer l'un des événements culturels les plus grandioses de la planète. Je crois qu'il en serait flatté.»

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The Great Gatsby (Gatsby le magnifique en version française) prend l'affiche le 10 mai. Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.