En choisissant le premier long métrage de Sophie Dupuis pour représenter le Canada dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, le comité canadien a fait preuve d'une belle audace. Chien de garde pourra-t-il maintenant franchir les prochaines étapes? À ce stade, tout est encore possible.

On attendait La chute de l'empire américain. Ou, peut-être, Les affamés. Le comité canadien chargé de sélectionner le long métrage qui représentera le Canada dans la prochaine course aux Oscars a surpris tout le monde - y compris les artisans du film retenu - en jetant finalement son dévolu sur Chien de garde, le percutant premier long métrage de Sophie Dupuis.

«J'en suis bouche bée, a commenté la réalisatrice. Je ne pensais jamais être de la course.» 

«En fait, je me suis rendu compte que le film avait peut-être une chance en lisant La Presse+ ce matin [hier]! Quand l'appel de Téléfilm Canada est arrivé, je m'en allais à l'épicerie pour faire une recette à la mijoteuse!»

Mettant en vedette Maude Guérin, Théodore Pellerin et Jean-Simon Leduc, Chien de garde se déroule dans le milieu de la petite criminalité à Verdun. Le récit se concentre sur une relation fraternelle pour explorer la nature complexe d'une situation familiale toxique, dont l'aîné voudrait bien parvenir à s'affranchir. D'entrée de jeu, Sophie Dupuis impose un ton, un style, en faisant écho à la dynamique qui caractérise la relation entre JP (Jean-Simon Leduc) et son frère cadet Vincent (Théodore Pellerin). À cause de son hyperactivité et de ses humeurs extrêmes, ce dernier définit d'ailleurs d'emblée chaque moment de la vie familiale, tout autant que la couleur de chacune des scènes de ce film consumé à feu vif.

Changement de paradigme?

En choisissant Chien de garde, le comité, formé de 24 artisans oeuvrant dans différentes sphères de l'industrie du cinéma, a clairement fait fi de toutes les considérations extérieures habituellement inhérentes à ce genre d'exercice. Le film de Sophie Dupuis est envoyé dans la course sans entente avec une société de distribution américaine ni prix majeurs glanés dans de grands festivals internationaux. Les délibérations demeurent confidentielles, mais on nous assure que le candidat choisi doit impérativement avoir l'assentiment de la majorité des membres. Assisterait-on à un changement de paradigme? Même si elle n'est pas la première réalisatrice à recevoir cet honneur, Sophie Dupuis est l'une des figures emblématiques d'une nouvelle mouvance dans le domaine du cinéma québécois.

«Plusieurs nouvelles voix s'élèvent au Québec, fait remarquer la cinéaste. Il se passe vraiment quelque chose. Et puis, être une réalisatrice et être choisie pour représenter le Canada aux Oscars, pour moi, ça veut dire quelque chose. C'est une grande fierté, et une grande responsabilité aussi. Des mesures ont été prises pour atteindre une meilleure représentation des femmes, et ça paraît déjà. Au niveau du court métrage, la parité est même déjà atteinte. Et là, toutes ces femmes arrivent au long.»

Le facteur Théodore

La nouvelle étant toute fraîche, la stratégie que l'équipe compte emprunter pour se faire valoir parmi tous les longs métrages qui prendront part à la course n'est pas encore établie, mais il est évident que la présence de Théodore Pellerin dans Chien de garde, où il livre une performance éblouissante, sera un atout. L'acteur québécois amorce une carrière américaine enviable et tourne actuellement là-bas On Becoming a God in Central Florida, une série dans laquelle il tient le rôle masculin principal, face à Kirsten Dunst.

Cela dit, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Seulement neuf longs métrages franchiront la prochaine étape de sélection, dont l'annonce sera faite au mois de décembre, pour ensuite rêver, peut-être, à l'une des cinq places réservées aux finalistes dans la catégorie.

La concurrence s'annonce très forte et plusieurs pointures participeront à la course. 

Le Mexique délègue Roma, d'Alfonso Cuarón, Lion d'or de la Mostra de Venise. Le Japon propose Une affaire de famille, d'Hirokazu Kore-eda, lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes. Outre ces deux titres déjà couronnés, on trouve aussi les films suivants: Never Look Away (Florian Henckel von Donnersmarck, Allemagne), Sunset (László Nemes, Hongrie), Capharnaüm (Nadine Labaki, Liban), Burning (Lee Chang-dong, Corée du Sud), Le poirier sauvage (Nuri Bilge Ceylan, Turquie) et plusieurs autres. La France annoncera son candidat demain.

Les cinq longs métrages finalistes seront annoncés avec l'ensemble des sélections, le 22 janvier 2019. La 91e Soirée des Oscars aura lieu le 24 février 2019.

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- Avec La Presse Canadienne