Comment faire rimer vacances et passion de l'automobile? Que diriez-vous d'un pèlerinage aux Mille Miglia Storica, à Brescia, dans le nord de l'Italie? Vous pourriez ensuite aller visiter la Toscane, la côte Amalfitaine ou la Sicile.

Si vous aviez demandé à Enzo Ferrari ce que sont les Mille Miglia, il vous aurait répondu: «La corsa più bella del mondo», la plus belle course du monde. Courue tous les ans entre 1927 et 1957, l'épreuve faisait l'aller-retour Brescia-Rome-Brescia, soit 1000 milles (1600 kilomètres) sur des routes publiques traversant villes, villages, campagnes, vallées et montagnes. Une course contre la montre, qui soulevait la passion de l'Italie. Mais aussi une course folle qui devenait avec les ans de plus en plus dangereuse et que l'on a finalement dû interdire.

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De nos jours, tous les ans au mois de mai, des passionnés du monde entier se donnent rendez-vous pour les Mille Miglia Storica qui reprennent les routes et le format d'antan, mais à l'allure - bien plus acceptable - d'une épreuve de régularité.

C'est donc à bord d'une rutilante Alfa Romeo MiTo neuve prêtée par le Groupe Fiat que votre humble chroniqueur est arrivé au centre d'exposition de Brescia qui sert de paddock aux 377 voitures inscrites. On s'y croirait dans un musée.

L'automobile en fête

Aussitôt inspectées, les beautés mobiles se regroupent sur la Piazza della Logia, en plein coeur de Brescia, là où la fête bat son plein en présence d'une foule très dense. Avec le coucher du soleil, la piazza se vide graduellement de ses trésors automobiles qui se préparent au départ sur Viale Venezia. Vers 20h, la première voiture se hisse sur le podium et repart presque aussitôt, suivie d'un petit nuage de fumée. Lancer 337 voitures à 1 minute d'intervalle, ça prend... 337 minutes, sans compter les inévitables retards. C'est donc en pleine nuit que je retrouve ma MiTo et mon indispensable navigateur Garmin qui me dirige vers le premier arrêt à Ferrara. En route, je retrouve le convoi qui file à vive allure sur les routes de Lombardie à destination de l'Émilie-Romagne. Tout le long du chemin, des spectateurs, dont certains en pyjama, attendent le passage des voitures jusque très tard dans la nuit.

Après quelques heures de sommeil à l'Hôtel de la Ville, en face de la gare de Ferrara, c'est le nouveau départ sur Corso Giovecca, à destination de Rome. Je reprends la route et je réussis à zigzaguer dans la circulation pour suivre les concurrents qui se créent une troisième voie «virtuelle» entre les deux voies existantes. Heureusement que les automobilistes savent ce qui s'en vient et se tassent sur la droite pour nous laisser passer.

Confortablement installé dans l'Alfa moderne, je pense à ces équipages qui roulent sans capote ni pare-brise à bord de voitures venant d'un autre siècle. Et moi qui croyais que ces Mille Miglia Storica seraient un rallye pépère se déroulant sur des routes tranquilles de la campagne italienne. «Attendez d'arriver aux montagnes», me lance un responsable de Fiat.

 

Patrimoine culturel

Mais auparavant, je fais halte à un point de contrôle pour me mêler à la foule où se pressent une centaine d'enfants d'âge scolaire. Nous sommes pourtant vendredi. «Mais pour les Mille Miglia, signor, les enfants sortent des écoles pour saluer les voitures. Ça fait partie de notre patrimoine culturel», m'explique la pâtissière, qui me sert un croissant au chocolat et un expresso lungo. J'aime l'Italie.

Je reprends la route jusqu'à Sansepolcro, entre San Marino et Assise. À la sortie de la ville, la petite Fiat Abarth Zagato que j'avais admirée à l'arrêt précédent s'est arrêtée sur le bord de la route. «Je crois que c'est l'embrayage», me lance le pilote américain. Une petite foule encercle déjà l'Abarth rouge. Du troisième étage, une mamma crie à son fiston de téléphoner au garage du coin. Arrivent deux mécaniciens qui constatent immédiatement la défaillance du joint de l'arbre de roue. «No problema», déclare le mécano qui remorque la voiture au garage. En un rien de temps, le New-Yorkais Carl Magnusson et son copilote italien reprennent la route après l'obligatoire séance de photos souvenirs.

Les montagnes

Enfin, les montagnes en direction de Terminillo. Une succession de virages et de montées abruptes qui font peiner les vieux chevaux de ces vénérables machines. Par contre, c'est le terrain rêvé des agiles spiders et coupés Porsche qui se jouent des épingles bordées de neige fondante. Au sommet, à 1800 mètres d'altitude, les foulards et les gros manteaux sortent pour protéger les équipages qui prennent le temps de siroter un café fumant.

Puis, c'est la descente vers Rome par une succession interminable de lacets. Une fois de plus, je pense à ces voitures des années 20 et à leurs freins à tambour commandés par câbles, comme sur un vélo. Quel courage!

Vers 23h, j'arrive enfin dans la Ville éternelle, au chic hôtel La Griffe où m'attend un buffet dressé sur la terrasse à l'intention des équipages du Groupe Fiat. Musique douce sous les étoiles, repas léger mais néanmoins savoureux. Je vous dis, j'aime l'Italie.

Direction Maranello

Samedi après-midi, la folle cavalcade fait escale à Maranello. Au point de contrôle sur Via Enzo Ferrari, les rescapés se garent pêle-mêle en un joyeux embouteillage avant de passer devant le chronomètre électronique (ô sacrilège).

Du fief de Ferrari, les Mille Miglia remontent vers Brescia via Parme et Crémone. Et puisque le hasard fait parfois bien les choses, cette année-là ce sont des «Ferrari» qui remportèrent la première place... en l'occurrence Bruno et Carlo Ferrari, à bord d'une Bugatti Type 371 927.

«La corsa più bella del mondo...» Sans doute que le Commendatore avait raison, mais l'époque des grandes épreuves routières est hélas révolue. Heureusement qu'il nous reste les reconstitutions historiques pour nous permettre de revivre cette ère chevaleresque, insouciante mais trop souvent meurtrière que fut l'âge d'or du sport automobile.

Mille Miglia 2011: du 12 au 15 mai. Pour admirer toutes les voitures inscrites, rendez-vous à la Piazza della Loggia, à Brescia, le jeudi 12 mai au matin. À 19h, présentation des voitures et départ sur Viale Venezia. Seuls les modèles ayant couru aux véritables MM sont admissibles.

Photo Alain Raymond, collaboration spéciale

Drapeaux au vent, le couple russe Pankovsky/Pankovskaya affronte avec confiance les routes de montagne à bord de sa Bandini 750 Sport 1953.