N'ayez crainte, cette chronique ne porte pas sur les célèbres jumeaux Dupond et Dupont, qui accompagnent souvent Tintin dans ses aventures. Il s'agit plutôt de la marque américaine du Pont, depuis longtemps éteinte mais qui a connu ses années de gloire au début du siècle dernier.

Fuir la Révolution française

Si la marque automobile de ce nom est disparue, la multinationale des produits chimiques (qui a créé le nylon, la rayonne, le dacron et le cellophane) se porte très bien, merci. Pour la petite histoire, précisons que la société est née en 1802 avec Éleuthère Irénée du Pont (1771-1834), fils de l'horloger parisien Pierre Samuel du Pont, qui a dû fuir en Amérique avec sa famille pour échapper aux affres de la Révolution française.

En Amérique, la famille du Pont fait fortune dans le domaine des produits chimiques, notamment les explosifs, la spécialité d'Éleuthère Irénée. Dès 1914, son fils Pierre S. du Pont devient actionnaire de General Motors et est élu au conseil d'administration, puis à la présidence de GM.

Un autre membre de la famille, E. Paul du Pont, décide de se lancer dans la construction automobile non pas pour concurrencer les Trois Grands, mais pour se consacrer au marché de la voiture de grand luxe.



Du Pont à duPont


La première duPont, baptisée tout simplement Model A, est dévoilée au Salon de New York en 1919. Animée par un quatre cylindres de conception duPont, cette première voiture pouvait être habillée par des grands carrossiers de l'époque, tels Wolfington, de Philadelphie, Murphy, de Pasadena, et Merrimac, du Massachusetts. À la Model B, qui arrive tout de suite après, succède en 1923 la Model C, propulsée par un six-cylindres Herschell-Spillman.

Merveilleusement réalisés, les somptueux modèles duPont font concurrence aux prestigieuses Duesenberg. De cette rivalité naît en 1928 la duPont Model G à moteur huit cylindres Continental de 5,3 litres qui fait, selon les versions, entre 114 et 140 chevaux. La plus réussie des duPont est produite en 200 exemplaires en deux ans.

Parmi ses fortunés propriétaires, citons l'actrice canadienne Mary Pickford, qui offre un speedster Model G biplace à son mari, l'acteur Douglas Fairbanks.

Pour asseoir sa réputation et se mesurer à la redoutable Stutz, duPont s'engage même aux 24 Heures du Mans avec une Model G à empattement court; l'épopée se termine par un abandon causé par un bris de transmission.

À la fin des années 20, E. Paul duPont se porte acquéreur de la Indian Motorcycle Co., de Springfield, au Massachusetts, et y déménage l'usine duPont. C'est là que sont construites les trois dernières duPont Model H. Hélas, à l'instar de nombreux autres fabricants de produits de luxe, duPont est profondément secoué par la crise financière et ferme définitivement ses portes en 1931. E. Paul duPont n'aura produit que 537 voitures entre 1919 et 1931 et c'est précisément l'une de ses dernières que nous vous présentons aujourd'hui.



Depuis 1962


Cette magnifique duPont Model H Dual Cowl Phaeton 1931 est un exemplaire unique construit pour le Salon de l'auto de New York de 1931. Elle compte parmi les quelque 35 duPont qui existent encore de nos jours, et se distingue par ses deux pare-brise (l'un à l'avant et l'autre entre les sièges avant et arrière), ses deux roues de secours accrochées à l'arrière et surtout par sa carrosserie aux lignes élégantes rehaussées par la peinture deux tons.

Propriété de Jerry Reigel, de son fils Dicky et de son petit-fils Richard, la duPont est dans la famille Reigel depuis 1962. Montée sur un énorme empattement de 385 cm, la Model H est équipée d'un huit-cylindres Continental de 5,3 litres et 125 chevaux.

Le soin apporté à la réalisation de ce moteur se remarque, notamment, par le boîtier en aluminium strié qui cache les bougies, le distributeur et les câbles d'allumage. Ce rare exemplaire de la marque disparue a remporté le très convoité titre Best of Show lors du Concours d'élégance de Pebble Beach, en 2005, un bel hommage à l'héritage automobile que nous laisse la famille duPont.

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Prochaine chronique: Le vautour aux ailes d'argent


Réponse à la dernière question («Comment s'appelle le mécanicien français qui a donné son nom à une marque américaine qui existe encore aujourd'hui?»): Louis Chevrolet.

Question de la semaine: Qui est le pilote-vedette de l'équipe de course NASCAR commanditée par DuPont?