À chaque fois, l'inefficacité des solutions miracles censées réduire la consommation d'essence est démontrée par les experts. Aucun des dizaines de gadgets vendus sur l'internet et dans les magazines spécialisés n'a passé le test.

Un ingénieur de l'Université Temple, à Philadelphie, affirme toutefois avoir résolu la quadrature du cercle. Un appareil de son invention, qui ne coûterait que quelques centaines de dollars, réduirait la consommation de 19%. Son «électrorhéologiste» réduit l'essence en gouttelettes grâce à des champs magnétiques, ce qui améliore la combustion.

 

Le grand avantage que l'ingénieur Rongjia Tao a sur les autres inventeurs de gadgets de cet acabit, c'est que ses travaux ont été publiés dans Energy&Fuels, une revue de la Société de chimie des États-Unis. Les travaux sont «évalués par des pairs», ce qui signifie que d'autres ingénieurs ont vérifié que le protocole de M. Tao tenait la route.

«Ça fait longtemps qu'on sait qu'il est possible d'améliorer la combustion avec des gouttelettes d'essence plus fines, dit M. Tao. C'est une partie du principe de l'injection. Tout ce que nous avons fait, c'est d'appliquer les champs magnétiques à cette tâche.»

L'autre aspect convaincant des résultats de M. Tao est qu'il n'en bénéficie pas directement. «Temple a vendu la licence du brevet à une entreprise californienne. Ce sont eux qui vont faire la mise au point, maintenant.» L'ingénieur travaille habituellement sur la supraconductivité des solides et des fluides.

Les améliorations de consommation sont légèrement supérieures sur l'autoroute, soit 19% par rapport à 15% à 17% en ville, selon l'étude de M. Tao. Ce progrès est permis par une réduction en apparence modeste de la taille des particules d'essence entrant dans le moteur de la Mercedes testée: la proportion de particules de 10 micromètres est passée de 18% à 21%. Une autre solution envisagée pour réduire la taille des particules, et donc la viscosité du carburant, selon M. Tao, est d'augmenter la pression dans les injecteurs standards de trois à 100 bars.

L'ingénieur physicien s'est penché sur le problème grâce à un partenariat surprenant: il est le scientifique vers lequel se tourne le célèbre groupe de réflexion Rand, qui publie habituellement des documents sur des questions géostratégiques, quand se posent des problèmes techniques d'énergie. Il a notamment fait des études sur la supraconductivité pour le compte de Rand, dans le cadre de projets visant à réduire les pertes sur les lignes électriques. L'électrorhéologiste a été mis au point avec un autre partenaire de Rand, STWA (Sauvons l'air du monde), qui se chargera de sa commercialisation.

À la Cité collégiale d'Ottawa, le coordonnateur du département des techniques des véhicules automobiles, Luc Éthier, confirme que pulvériser l'essence en gouttelettes peut réduire la consommation de façon importante. «Nous avons fait des essais en laboratoire avec plusieurs gadgets, et d'habitude ça ne fonctionne pas, dit M. Éthier. Les deux ou trois seuls qui semblaient fonctionner utilisaient des champs magnétiques de la même manière. Mais les inventeurs eux-mêmes ne comprenaient pas trop le fonctionnement de leur gadget, alors c'était difficile de certifier les résultats, surtout avec nos moyens limités. Je connais la revue Energy&Fuels; elle est très réputée. Et l'équipe de l'Université Temple a eu des moyens beaucoup plus importants que les nôtres pour faire son étude. C'est certainement une technologie qu'on verra sous peu dans les voitures.»