Pour les passionnés de Formule 1, la marque Lotus évoque de bien grandes choses. En revanche, chez le commun des mortels, rares sont ceux qui associent le nom de cette plante exotique à l'automobile.

Petit condensé d'histoire: Lotus Cars de Grande-Bretagne possède un palmarès enviable assorti de nombreux championnats du monde en Grand Prix tout en étant à l'origine d'une foule d'innovations technologiques. Ses voitures de route, par contre, ont connu une diffusion limitée en raison, au début, de leur fragilité et, plus récemment, d'une sportivité si pointue que leur utilisation en était fortement restreinte.

Or, il semble que Lotus ait décidé de marquer son retour en Formule 1 l'an prochain par le lancement d'une vraie voiture Grand Tourisme susceptible de connaître un meilleur rayonnement que les Élise et Exige qui composent en ce moment le catalogue de la firme britannique.

Comme toutes les Lotus conçues pour la route, la nouvelle venue adopte une dénomination commençant par la lettre E, comme dans Esprit, Élite, Europe, Élan, Élise, Exige et, finalement, Evora. Pourquoi cette fixation sur la lettre E? Je n'en sais fichtre rien et peut-être que les fanatiques de la marque pourront déchiffrer pour nous ce détail anecdotique.

Fini la flagellation

Cela dit, l'Evora, sans avoir le raffinement de certaines de ses concurrentes abonnées à la grande série, est certes la plus aboutie des Lotus de récente génération. À tel point que l'on pourrait en faire sa compagne de tous les jours, ce qui s'avèrerait un acte de mortification dans une Élise ou Exige. J'ai pu m'en rendre compte au cours d'un bref essai routier avec un des prototypes de l'Evora dont les versions client arriveront au début de 2010 chez le concessionnaire attitré du Québec, John Scotti. En ce qui a trait aux prix, le directeur des ventes Bernard Durand estime qu'il se situera autour de 85 000$, un chiffre qui pourrait fluctuer selon l'humeur de notre huard par rapport à la devise américaine. À ce prix, l'Evora se dirige tout droit vers un face à face avec la Porsche Cayman.

Les deux sont des coupés dont les moteurs 6 cylindres reposent au centre juste derrière l'habitacle. La Lotus assure sa fiabilité en empruntant le V6 de 3,5 litres provenant de la Toyota Camry. Cette mécanique pêche un peu par son manque de couple, mais principalement par sa sonorité assez peu vibrante pour une voiture sport de ce calibre. Il faudra lui donner du tonus avant de le libérer dans les modèles de série. Avec ses 276 chevaux, cette mécanique sera confrontée aux 6 cylindres à plat de la Cayman qui se paient de 265 à 320 chevaux selon que l'on opte pour le 2,9 litres ou le 3,4 litres. Il faudrait tenir une rencontre entre les deux modèles pour aller plus loin dans les comparaisons, mais je ne pense pas me tromper en affirmant que la Porsche part avec une longueur d'avance. L'Evora est sans doute plus exclusive et se démarque aussi par la grande efficacité de ses trains roulants. Il faut cependant faire abstraction de son coffre à bagages lilliputien alors que les deux coffres (avant et arrière) de la Cayman avalent pas moins de 410 litres de matériel de voyage.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

La Lotus Evora

L'ennemi de retour

Avec l'Evora, Lotus a curieusement renoncé à son précepte majeur qui est de considérer le poids comme l'ennemi numéro un d'une voiture, quelle qu'elle soit. Cette nouvelle venue, malgré sa caisse en matière plastique et son châssis en aluminium, pèse néanmoins près de 400 kg de plus que les Exige et Élise susmentionnées. C'est énorme et Colin Chapman, le brillant ingénieur qui a fondé la marque, doit se retourner dans sa tombe devant une telle obésité.

Malgré tout, dès que l'on prend le volant de l'Evora, on a l'impression de conduire une voiture beaucoup plus légère et d'une agilité peu commune. Les envolées du V6 de Toyota ne sont pas phénoménales et c'est ce qui explique que l'on pourrait introduire une version à moteur suralimenté de cette Lotus dès le Salon de Los Angeles le mois prochain. Pour le moment, seule une boîte de vitesses manuelle à 6 rapports est offerte et son maniement sur les modèles de série sera probablement plus précis que dans le prototype avec sa marche arrière assez coriace.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Des tape-cul?

Contrairement à un autre prototype essayé préalablement, les réglages de suspension ont été revus afin d'enterrer la critique principale du confort des Lotus qui veut que ce soit des «tape-cul». Il m'aurait fallu des routes en plus mauvais état pour en témoigner avec certitude. Idem pour la robustesse de la carrosserie qui paraît excellente sur des revêtements à peu près corrects. Une qualité pleinement méritée de l'Evora est sa force de freinage absolument phénoménale qui permet de toujours de raccourcir les distances d'arrêt, un élément de sécurité active que l'on ignore trop souvent dans l'évaluation d'une voiture. Quant à la tenue de route, on pourrait presque dire que c'est Lotus qui en est l'inventeur tellement la firme anglaise maîtrise brillamment cette phase de la construction automobile.

À l'intérieur, l'ambiance est inspirante pour ne pas dire lumineuse grâce à une présentation en cuir clair et à un tableau de bord d'une grande simplicité. Un beau petit volant à profil plat au-dessus des cuisses invite tout de suite à la conduite sportive. Un coup d'oeil au rétroviseur avant de partir et, surprise, on n'y voit rien. Quant aux places arrière, elles tiennent de la plus pure illusion et ne seront bonnes qu'à recevoir les quelques bricoles que le coffre arrière aura refusées.

Tout compte fait, cette Lotus Evora tente de faire le pont entre les premières GT de la marque qui étaient très fréquentables et ses plus récentes créations qui misent avant tout sur une sportivité exacerbée qui limite la clientèle. On verra si la recette est véritablement comestible et agréable au goût.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

L'habitacle de la Lotus Evora