La diminution de la consommation d'essence - et donc des émanations polluantes - pousse enfin les constructeurs à contenir la masse de leurs véhicules. Il y a tout lieu de s'en réjouir car, une fois n'est pas coutume, contrainte et plaisir cohabitent dans l'harmonie. Des véhicules plus légers, plus agréables à conduire et finalement plus sûrs : l'avenir de l'auto n'est peut-être pas si sombre après tout.

Une solution évidente pour diminuer la consommation en carburant des voitures consiste à en réduire le poids, ce qui facilite bien sûr les performances tout en améliorant les sensations de conduite, aujourd'hui de plus en plus gérées par l'électronique. Colin Chapman, le génial créateur de Lotus, savait depuis longtemps que le poids était l'ennemi du bien : "Light is right", aimait-il d'ailleurs rappeler à ceux qui s'obstinaient à combattre le poids en augmentant la cylindrée des moteurs.

 

La maxime de Chapman et sa conception singulière (pour l'époque) de l'automobile a cependant trouvé écho chez certains constructeurs, après la crise du pétrole des années 70. Mieux, cette habitude s'était même transformée en une ardente obligation - rappelez-vous la cure d'amaigrissement de plusieurs grosses bagnoles américaines - puisqu'il était devenu impératif d'épargner à tout prix le précieux liquide. Hélas! cette tendance s'est lourdement inversée. Le spectre de la pénurie du pétrole s'est éloigné, l'augmentation de son coût (et des taxes qui l'accompagnent) est entrée dans les moeurs. Les automobilistes sont devenus des hédonistes encore plus exigeants en matière de luxe que de performances.

 

Du coup, plusieurs constructeurs ont choisi de flatter cette évolution. Inexorablement, nouveau modèle après nouveau modèle, nous assistions à une prise de poids considérable. Par exemple, en 1977, une Volkswagen Rabbit quatre portes pesait 918 kilogrammes, puis 943 en 1987, et près de 1400 kilogrammes cette année.

 

Naturellement, les constructeurs avaient plus d'une explication dans leur petite poche pour justifier ce laisser-aller. L'augmentation du poids était, selon eux, attribuable à l'enrichissement des accessoires (antiblocage, rouage intégral et système de divertissement) jugés aujourd'hui indispensables par les consommateurs.

 

Cette obésité obséquieuse s'expliquerait également par des tests de collision toujours plus exigeants. Pour faire court, plus de matière signifierait plus de résistance quand la voiture est fracassée contre un mur. Mais l'argument s'estompe quand on étudie les caractéristiques de certains matériaux plus légers, à commencer par l'aluminium, très apprécié d'un nombre grandissant de constructeurs.

 

La chasse aux kilos

 

En plus de l'aérodynamique, de la gestion électronique, de la technologie hybride, les constructeurs misent aussi sur la perte de poids des véhicules pour réduire la consommation. Plus l'on diminue la masse d'un véhicule, moins on a besoin d'énergie pour le faire avancer.

 

De l'aveu des constructeurs, l'industrie aurait atteint aujourd'hui le sommet de la prise de poids. D'ailleurs, Nissan a indiqué qu'elle voulait réduire d'ici à 2015 de 15% le poids de ses voitures. Et d'ici à 2020, chaque véhicule Ford aura "maigri" de 350 kg.

 

 

Fini, l'ère des "grosses"! Les constructeurs comptent mettre leurs gammes au régime pour offrir des voitures plus économes en carburant. "L'un de nos objectifs les plus durables pour l'avenir est d'inverser la spirale du poids", estime Michael Dick, membre du directoire chargé du service Développement technique d'Audi, lors d'un séminaire sur la question la semaine dernière en Allemagne.

 

La construction allégée est pour Audi une tâche stratégique - elle contribue de manière décisive au comportement sportif et à l'efficacité. La technologie hybride actuelle qui fait appel à deux moteurs (bonjour le poids) et les futurs entraînements électriques signifient du poids supplémentaire et c'est pourquoi notre interlocuteur estime que "la construction résolument allégée est donc encore plus décisive."

 

On ne maigrit pas seulement pour mieux paraître sur la balance ou en éliminant - pratique de plus en plus répandue - la roue de secours. Une simple accumulation de composants isolés ne suffit pas. Il faut un projet global très intégré. Un capot de coffre en aluminium, par exemple, permet un vérin pneumatique plus léger. Les composants d'essieux en aluminium introduisent des forces plus faibles dans la carrosserie que les bras en acier, ce qui permet à nouveau des freins plus compacts, un moteur plus petit et un système d'échappement effilé en conséquence. La spirale du poids est ainsi inversée, l'efficacité et la dynamique de conduite augmentent considérablement.

 

Même le moteur a encore de grands potentiels. Une diminution des dimensions de la bielle s'exprime avec une moindre sollicitation du vilebrequin, ce qui permet également ensuite une conception plus légère du vilebrequin. La diminution des masses dites rotatoires qui en résulte, avec ses moments d'inertie, a une influence très positive sur l'accélération et la consommation, qui va bien au-delà de la simple réduction du poids. Elle permettrait l'élimination graduelle de certains aides à la conduite rendus nécessaires pour transformer ces obèses en fausses ballerines de la route.

 

Le conducteur pourra mesurer en permanence les conséquences de son pilotage ainsi que ses propres limites. Voilà pourquoi on ne se sentira pas en insécurité dans un véhicule dépourvu d'assistants électroniques. Et cela se nommera, tout simplement, la sécurité active. On en salive déjà.

Photo Audi AG

La Audi R8 est l'un des exemples les plus extrêmes en matière de réduction du poids. Son châssis pèse seulement 210 kilos. Il est composé à 70% de profils filés, 22% de tôles et 8% de pièces coulées sous pression en aluminium.