Fiat a soif de conquête et semble prête à tout prendre (Chrysler, Saab, Opel, Vauxhall...) pour assurer sa propre survie.

Si tout s'était déroulé comme prévu, Fiat serait aujourd'hui acculé à la faillite, comme la General Motors qui, au tournant du siècle, voulait prendre le contrôle du constructeur italien et l'intégrer à son portefeuille de marques. Mais la direction de GM s'est ravisée, rompant son engagement et a dû verser une indemnité de 3 milliards. Une délivrance pour Fiat qui, depuis, se sent pousser des ailes.

Impossible d'aborder la renaissance de Fiat sans évoquer son président, Sergio Marchionne. C'est grâce à lui si le groupe italien a retrouvé sa superbe. Pourtant, avant 2004, il ne connaissait rien à l'automobile et personne ne voyait en cet Italo-Canadien un gestionnaire aussi avisé que Carlos Ghosn ou encore Jac Nasser.

Pourtant, il l'est. Sous sa houlette, Fiat s'est recentré sur sa principale activité, soit la fabrication de belles automobiles. Pour ce faire, le groupe abandonne ses aventures dans l'électroménager et la téléphonie, réduit ses effectifs et renouvelle brillamment sa gamme de modèles. Dès 2006, Fiat redevient rentable et peut relever de nouveaux défis.

Après avoir reconquis l'Europe et placé ses pions dans les marchés émergents, notamment en Inde, par un accord historique signé en 2006 avec le groupe Tata (créateur de la désormais célèbre Nano) et en Chine avec le groupe Chery pour la fourniture de moteurs, Fiat reprend son rôle de champion de la voiture populaire qu'il a longtemps occupé dans l'Italie des années 50 à 80.

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde pour dire que Fiat est un incontournable dans les catégories d'entrée de gamme. Mais, Fiat ne pèse pas très lourd, surtout en dehors de l'Italie. Pour franchir l'étape supérieure et occuper l'avant-scène, il doit se positionner sur les autres segments de marché, notamment le haut de gamme. Un marché difficile, car relativement stable.

Normalement, la conquête de nouvelles parts de marché se ferait au détriment des concurrents et nécessiterait des années à se réaliser. Fiat ne peut attendre, estime Sergio Marchionne. Celui-ci craint que seulement cinq ou six constructeurs survivront à la crise économique actuelle. «Et Fiat sera l'un de ceux-là.» Condition sine qua non: produire entre 5,5 millions et 6 millions de véhicules par an.

Actuellement Fiat peut en produire 2,2 millions par an. D'où son opération séduction à l'endroit de Chrysler. En additionnant la production annuelle du constructeur américain (plus ou moins deux millions d'unités), Fiat se rapproche de son ambitieux objectif. Et si le groupe italien mettait également la main sur le 1,5 million de véhicules produits sous les marques Opel (et Vauxhall) et les 100 000 unités de Saab, comme le laisse entendre la rumeur? Sortons la calculette pour voir: 2,2 millions + 2 millions + 1,5 million + 100 000 = une production annuelle de 5 800 000. Bingo! Et dire qu'hier encore on se demandait si Fiat n'était pas «le constructeur de trop en Europe».

Le calcul est bon, mais la logique derrière laisse un brin à désirer. À commencer par l'accord récemment bouclé avec Chrysler. En effet, comment le groupe italien s'y prendra-t-il pour réussir là où Daimler (Mercedes) a lamentablement échoué? Les chances de succès de cet attelage américano-italien paraissent aussi hypothétiques qu'elles semblaient l'être du temps où le constructeur allemand a passé la bague au doigt de l'américain. D'abord parce que la confiance des acheteurs à l'égard de la marque américaine est aujourd'hui à son plus bas niveau et on se demande bien ce que Chrysler aura de neuf - et d'excitant - à vendre d'ici à ce que Fiat soit parvenu à adapter ses produits aux goûts et aux législations américaines, c'est-à-dire d'ici deux ou trois ans.

Et Opel? Là non plus, l'affaire n'est pas sûre. En fait, le syndicat des employés de la marque à l'éclair y est farouchement opposé. «Nous ne voulons pas de Fiat, car Opel et Fiat sont de forts concurrents, mais aussi parce que nous avons déjà eu un mariage douloureux avec Fiat durant six ans qui nous a coûté cher. Et puis Fiat n'a pas d'argent: ils veulent, en s'associant à nous, obtenir l'aide de l'État (allemand), c'est-à-dire sauver Fiat aux frais des contribuables allemands...» a déclaré le chef des syndicats d'Opel, Klaus Franz, aux médias.

Pendant ce temps, Sergio Marchionne songe à faire des miracles.