Le Salon international de l'auto de New York, qui s'est ouvert samedi dernier, pourrait bien être la dernière grand-messe automobile avant longtemps. En fait, plusieurs acteurs et observateurs de la scène automobile estiment que New York présente actuellement le dernier grand salon automobile de l'histoire moderne, rien de moins. Après celui-ci, rien ne sera plus comme avant.

Déjà plusieurs constructeurs ont annoncé qu'ils ne reprendront pas le «circuit des salons» sur une base régulière. Ainsi, le Salon de Francfort, qui sera présenté en septembre prochain, ne pourra plus se targuer, comme autrefois, d'offrir une vitrine complète de l'industrie en raison de l'absence de Honda et Nissan, pour ne nommer que ces deux-là. Leur absence pourrait être imitée par d'autres groupes étrangers. Même phénomène au Salon de Tokyo (octobre 2009) qui voit grandir le nombre des désistements: GM, Ford, BMW, VW, Mercedes et Renault, entre autres, ont décliné l'invitation!

 

Il est beaucoup question de la crise économique pour expliquer la capitulation des constructeurs à ces manifestations qu'ils ont créées de toutes pièces avec l'aide de promoteurs. La crise économique bien sûr justifie cette série d'annulations, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Les salons «traditionnels» qui ont jusqu'à présent attiré tous les grands constructeurs mondiaux, craignent désormais la concurrence des autres vitrines asiatiques, notamment celle de Chine, une nation qui représente un marché potentiel autrement plus prometteur à moyen et long termes que les États-Unis, le Japon, voire l'Europe qui sont considérés comme des marchés mûrs sinon saturés. Pour preuve, Porsche dévoilera dans une dizaine de jours en première mondiale sa berline Panamera à Shanghai.

 

À cette volonté de conquête de nouveaux marchés, il convient également d'ajouter que les constructeurs les plus fragiles ont depuis un certain temps déjà levé le pied de l'accélérateur du changement. Du coup, le cycle de remplacement habituel est ralenti, au pire gelé. Conséquemment, les nouveautés des deux ou trois prochaines années seront beaucoup moins nombreuses que prévu. Tenez par exemple Acura, la filiale de luxe de Honda. Elle devait révéler à l'occasion de son salon national, en octobre, la seconde génération de son coupé sportif NSX. Il n'en sera rien. Le projet - pourtant très avancé, a-t-on appris - est mort-né. Ce n'est pas le seul. Un autre projet qui ne verra vraisemblablement pas le jour est le coupé CTS de Cadillac, qui s'est en quelque sorte métamorphosé en concept (Converj) à motorisation électrique.

 

Tous les projets ne sont pas morts cependant, mais certains lancements ne seront sans doute pas prêts à temps, ce qui explique le désistement de certains constructeurs de certains événements «car nous n'avions rien à montrer», résume simplement l'un d'eux. Ce fut le cas du Jeep Grand Cherokee présent à New York, alors que nous l'attendions trois mois plus tôt, à Detroit. Speaking of Detroit, ce salon apparaît de plus en plus menacé. D'ailleurs, quelques heures avant l'ouverture aux professionnels du Salon automobile de New York, les promoteurs du Salon de Detroit ont publié un communiqué dans lequel ils rappellent, statistiques à l'appui, que leur événement en est un «exceptionnel pour les médias et les consommateurs... et qu'il demeure plus important que tous les autres salons américains en matière d'avant-première...»

La coïncidence est loin d'être fortuite. Dans les coulisses du salon new-yorkais, plusieurs constructeurs rencontrés par La Presse soutiennent que Detroit joue son avenir. «L'objectif, dit l'un d'eux, est d'amorcer le cycle des présentations à Los Angeles en novembre et de le boucler à New York en avril.» Detroit n'a plus sa place dans le calendrier américain.

Même son de cloche chez les représentants des constructeurs canadiens présents dans la Grosse Pomme. «Au Canada, de douloureuses décisions devront être prises dans quelques semaines en compagnie des promoteurs de ces manifestations, confirme le représentant d'une marque asiatique. Les salons de Toronto et de Montréal ne seront pas touchés, mais les autres sont en péril, dont ceux de Québec et de Vancouver.