C'est la nouvelle obsession des constructeurs, mais aussi des politiciens qui s'apprêtent à taxer les véhicules les plus polluants. Pour le bien être de la planète bien sûr. Et de leur trésorerie, évidemment.

Il y a quelques jours, l'ancien pilote de Formule Jean-Pierre Beltoise a remis son rapport aux autorités françaises sur la modulation des tarifs de péages d'autoroutes en faveur des véhicules propres. L'ancien pilote propose une ristourne de 20% aux propriétaires de véhicules qui émettent moins de 130 grammes de CO2 par kilomètre.

C'est gentil ça. Mais il n'y a pas que la carotte dans le rapport Beltoise. Il y a un aussi le bâton. Réduire le coût des péages aux voitures les moins polluantes entraînerait un manque à gagner de plus de 150 millions$ pour les sociétés d'autoroutes. Pour les compenser, Monsieur Beltoise préconise soit une augmentation parallèle de 3 % à 4 % des tarifs de péages pour les autres véhicules, soit le dédommagement des sociétés d'autoroutes par l'État. Dans le premier cas, ce sont les automobilistes, y compris les étrangers en transit sur les autoroutes, qui financeraient la baisse des tarifs. Voilà un plan qui sonne doux à l'oreille du ministre des Transports, Dominique Perben, qui a immédiatement demandé l'élaboration du projet de loi en ce sens.

À Londres aussi, les émissions de CO2 des véhicules se trouvent au coeur de l'actualité. La modulation du prix du parking résidentiel en fonction de l'émission de gaz à effet de serre des véhicules, adoptée fin janvier par une très cossue banlieue de Richmond, fait des émules au Royaume-Uni avec déjà une dizaine de villes qui suivent l'exemple.

Et la capitale britannique ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Après, la taxe d'embouteillage introduite il y a quatre ans au coeur de Londres, les autorités municipales songent maintenant à faire passer cette taxe quotidienne à 25 livres (60 $) - au lieu de 8 livres (18 $) - pour les véhicules à haute émission de dioxyde de carbone (CO2). Encore le bâton et la carotte.

Où ces élus européens s'arrêteront-ils? Nul ne le sait. Mais la Commission européenne vient de décider d'imposer à tous les constructeurs automobiles qu'ils commercialisent des modèles émettant moins de 130 grammes de CO2 dès 2012. Cela fait bien sourire la direction de Smart qui ne manquait pas une seule occasion de rappeler aux visiteurs de son stand genevois que sa nouvelle ForTwo n'émet que 88g/km.

L'environnement est devenu un enjeu majeur pour l'industrie automobile qui sent de plus en plus l'étau législatif se resserrer sur elle. Et c'est tant mieux. Dans le contexte général dans lequel évolue l'industrie automobile, les bons chiffres actuels montrent une réelle faculté d'adaptation face aux attentes de la clientèle mais il est certain que les constructeurs vont encore devoir fournir des efforts considérables d'innovation dans les années qui viennent. Il y aura un prix à payer pour cela. Le réservoir d'innovations techniques des constructeurs se vide à une vitesse hallucinante et l'éventail de solutions, très diversifiées, ont à ce jour, pratiquement toutes été appliquées (propulseur hybride, diesel, transmission CVT, aérodynamique, etc.). Le plein de nouvelles idées aura un coût. Qui l'assumera?

Autrefois symbole de liberté, voire de standing, la voiture particulière est en effet devenue pour certains le condensé de tous les maux actuels, notamment de la dégradation de l'environnement. Même si elle n'est pas le plus redoutable, la voiture est l'agent polluant le plus facilement identifiable, donc le plus exposé.

La balance pour l'automobiliste est donc de moins en moins équilibrée. Face au réel sentiment d'autonomie et de confort que procure le fait de rouler en ville dans sa voiture personnelle, le poids des inconvénients ne fait qu'augmenter: embouteillages, taxes, frais de stationnement, contraventions, et maintenant mauvaise conscience écologique. Si des solutions matériellement pratiques et financièrement abordables de substitution voient le jour dans les prochaines années, la possession d'une automobile à plein temps risque de devenir un luxe aussi onéreux qu'obsolète. Peut-être vaudrait-il mieux pour moi de me procurer un vélo et de me trouver un nouvel emploi! Le jour où de telles dispositions seront adoptées au Québec, soyez assuré que c'est le bâton qu'on nous présentera. Pas la carotte.