Construire sa propre maison est en soi un exploit qui suscite l'admiration. Que dire alors de quelqu'un qui a construit sa propre moto et dont c'est devenu le principal gagne-pain?

Le Granbyen Daniel Ducharme fait partie de cette vingtaine de québécois qu'il est convenu d'appeler des bike builders, traduction libre de «constructeurs de motos». Évidemment, M. Ducharme n'est pas un manufacturier à lui seul. N'empêche que, avec son équipement, machine-outil, nécessaire à soudure et tutti quanti, il peut vous fabriquer une moto sur mesure de A à Z.

 

Dans son atelier quelque peu en pagaille de la rue Cowie à Granby, Daniel Ducharme donne naissance à des motos de rêve. Sa spécialité: les Harley-Davidson sur mesure ou modifiées. Il en a des centaines à son actif.

Que ce soit le cadre, les ailes, les fourches, les poignées, le réservoir à essence, le siège, voire la disposition de certaines composantes mécaniques, le Granbyen de 42 ans peut tout fabriquer ou modifier sur une moto. Il n'y a que la peinture qui lui échappe. «Je gagne ma vie avec mon hobby», se félicite-t-il.

L'un de ses plus grands coups à ce jour: une Harley-Davidson de 200 000$ qu'un homme d'affaires californien lui a commandée et sur laquelle il a bossé trois ans. Sinon, sur l'une de ses motos, il a mis 800 heures et en a fait un joujou évalué à 70 000$. Avis aux intéressés: Daniel Ducharme est prêt à la laisser filer pour 35 000$. Comme ça, il pourra financer un autre projet fou: construire une moto dotée d'un moteur allemand de 3277 cm2. Un monstre de puissance monté sur un cadre en chromoly.

Daniel Ducharme est l'inventeur d'une paire d'un guidon avec cadrans intégrés. Il dit en avoir vendu (notamment grâce à des publicités dans des revues spécialisées) près de 800 aux quatre coins du monde, dont quelques-uns à Dubaï. On lui doit également une oeuvre inédite: un motocross équipé d'un moteur de Harley. On lui a interdit l'accès aux pistes tellement son bolide détonnait.

L'entreprise de cet aficionado de la pétarade s'appelle V2 Obsession, en hommage au moteur en forme de V des Harley. Il fait des affaires depuis 1995, mais il a réalisé sa première réparation alors qu'il n'avait que 10 ans. Parce que le tuyau d'échappement de son «mini-trail» était abîmé, il l'a remplacé par un morceau de plomberie récupéré. C'est ainsi qu'il a fait connaissance avec la machine-outil de son père, un objet qu'il utilise encore à ce jour.

Machiniste-outilleur de formation, il a eu sa première moto à 16 ans: une Honda CB350. Il était loin de se douter qu'il gagnerait sa vie à réparer, puis à construire des motos sur mesure. Le déclic se serait fait à 22 ans, alors qu'il a mis la main sur une Harley 1975, une FXE rescapée d'un incendie, et dont il est encore propriétaire. À l'époque, il a complètement (et brillamment!) reconstruit la grande brûlée. Du coup, il a attiré l'attention. Son loisir est rapidement devenu son gagne-pain.

Daniel Ducharme est membre en règle de ce qu'on pourrait nommer la filière québécoise, c'est-à-dire cette poignée de Québécois talentueux qui gagnent régulièrement avec leurs oeuvres des «concours de beauté» un peu partout en Amérique du Nord. Outre V2 Obsession, la Belle Province compte quelques champions aux noms évocateurs: Speed Trix, Rat Shop et autres Classic Steel.

«Dès qu'il y a un concours et qu'un Québécois y participe, tu peux être sûr qu'il va gagner quelque chose. Et ça, les Américains n'aiment pas ça», rigole Daniel Ducharme.