Une page d'histoire se tourne. Le groupe russe Avtovaz met fin à la production de la Lada 2107. Cette voiture emblématique de l'ère soviétique s'est vendue jusqu'au Québec. Une autre époque. Une autre histoire. Des souvenirs.

Lada a débarqué au Québec en 1979. Durant 20 ans, elle a marqué les esprits. Pas pour son design. Encore moins pour les performances de sa mécanique. Non, non. Elle a frappé l'imaginaire pour ses prouesses en matière de fiabilité... Témoignages, parfois rocambolesques, d'anciens propriétaires.

Richard Bourdeau a possédé cinq Lada. Il a fait défiler dans son garage toute la gamme de la marque soviétique: une 1500, une Signet, deux Samara, une Niva.

«La première, payée 2900$ vers 1980, était absolument increvable, sauf que la carrosserie était biodégradable après quatre ans... La quatrième, une Samara 1500cc, était un vrai citron. La cinquième, une Niva d'occasion, était absolument excellente sur une ferme. La carrosserie: kaput! Et la mécanique: extraordinaire! Il y avait un secret avec les Lada: bien les entretenir et surtout, négocier à fond le prix d'achat! Dès que quelque chose clochait, il fallait réparer au plus tôt», témoigne celui qui roule aujourd'hui en... Mercedes.

Car, quelque chose clochait souvent sur une Lada. Nicolas Beauchesne a vu sa Signet «survivre à un Montréal-Québec sans radiateur».

Carl St-Pierre se souvient que sa Signet 1986 automatique lui a coûté trois démarreurs. «La plupart du temps, je devais cogner sur le démarreur avec une barre de fer pour la faire partir! J'ai même dû installer un coupe-circuit à l'intérieur afin d'arrêter le courant lorsque j'arrêtais le véhicule, dit ce résident de Saint-Jean-Port-Joli. Les pare-chocs en aluminium s'éffritaient par morceaux ainsi que les enjoliveurs. Impossible de les retirer sans risquer leur désintégration! La Lada est une expérience à faire quand on est jeune et qu'on aime bien avoir d'extravagantes aventures comme de demander aux passagers de pousser la voiture pour réussir à gravir une côte!»

Pierre Denis s'est acheté une Lada neuve en 1980. Il affirme que sur son modèle, «les sièges étaient rembourrés avec de la paille. Il y avait un bel étui à outils comprenant même une manivelle pour démarrer manuellement en cas d'urgence... Mais en raison des lois canadiennes sur la longueur des pare-chocs, il manquait quelques pouces à la manivelle... La tôle de cette voiture était épaisse, j'avais l'impression d'être dans un char d'assaut».

Photo fournie par Carl St-Pierre

«La Lada est une expérience à faire quand on est jeune et qu'on aime bien avoir d'extravagantes aventures», confie Carl St-Pierre, de Saint-Jean-Port-Joli, photographié ici avec sa Lada Signet 1986 automatique.

La première voiture de Julie Bélanger a été une Lada Samara 1,31 996. «Elle ne démarrait pas l'été en juillet par journée chaude et humide, dit-elle. J'avais donc un abonnement au CAA et ils venaient me booster... l'été! Le manuel d'instructions était en russe alors j'ai eu beaucoup de plaisir quand j'ai tenté de comprendre comment remplacer un pneu quand j'ai eu une crevaison. (...) On a eu beaucoup de belles aventures avec elle: porte passager qui se détache et tombe angle Saint-Laurent et Sainte-Catherine, pannes étranges, lumière arrière d'arrêt qui s'éteint quand on met le clignotant, etc.»

Mais la palme de l'anecdote revient à Richard Portelance. Ce résident de LaSalle a acheté en 1984 une voiture d'occasion à des conditions très particulières. «J'ai acheté l'auto en janvier par un froid de canards chez un vendeur de voitures d'occasions, Rojo Auto, à l'époque sur le boulevard des Laurentides à Laval, raconte-t-il. Le vendeur m'a fait un prix qualifié d'irrésisistible. Et en effet... On m'a fait un prix «à la livre». La voiture accusait un poids d'environ 2400 livres, à 12 cents la livre. Faites le calcul, ça donnait 288$. On en rit... Mais le pire, c'est que c'est vrai... Cette somme à l'époque me donnait tout de même le droit de posséder une Lada 1200 de 1980 ayant à peine 42 000 km au compteur et qui avait l'air d'une neuve. (...) C'était quand même la première fois qu'on me vendait une voiture à la livre...»

Contrairement à la croyance populaire, les Lada ont ravi plus d'un automobiliste. Nombreux sont ceux qui n'ont pas regretté leur achat.

Ex-propriétaire d'une Lada 1600, André Fournier affirme que sa voiture ne l'a jamais déçu. «L'hiver, à des températures extrêmes, la batterie n'a jamais fait défaut. Une grosse batterie de marque Trepka. Finalement, à 4200$, la voiture nous a permis de sortir du trou financièrement.»

Même discours de la part de Pierre Denis. «Moi, je n'ai pas trop à me plaindre, je savais que j'en avais pour mon argent... Elle a toujours bien démarré l'hiver. Elle faisait jaser, on me traitait de communiste.»

Malgré ses quelques déboires, surtout en été, Julie Bélanger qualifie son ex-Lada Samara de «super voiture». «Large et relativement haute comme auto, je déneigeais rarement mon stationnement, je rentrais directement, tout simplement. Elle fonctionnait extraordinairement bien en hiver et le chauffage était le meilleur que je n'ai jamais vu.»

Ex-propriétaire de trois Lada, Jacques Famery en achèterait une demain matin. «Il faut savoir faire des choix, dit-il. L'achat des Lada nous a permis de réaliser notre rêve. Les économies qu'on a faites ont permis l'achat d'un voilier avec lequel on est parti cinq ans dans le Sud. Il n'y avait pas d'autres voitures à l'époque qui nous aurait donné la possibilité de faire la même chose!»

Que dire de plus?

Photo: Archives La Presse

Le Lada Niva, un 4X4 du début des années 90. Pour le plaisir, la légende (authentique) de cette photo trouvée dans nos archives: «Le chef de police de Hartland, au Nouveau-Brunswick, Douglas Horne, trouve sa nouvelle Lada Niva économique comme véhicule de police et idéale hors-route autant que sur route.»