On parle souvent d'agressivité au volant. Mais, selon un psychologue torontois, il vaudrait mieux s'intéresser à la vengeance au volant, un phénomène beaucoup plus courant qui est à l'origine de nombreuses altercations.

«Quand on parle d'agressivité au volant, on évoque souvent des situations où le fautif est clairement dans l'erreur», explique David Wiesenthal, de l'Université York, qui a publié plusieurs études sur le sujet. «Suivre de très près une voiture sur l'autoroute, klaxonner dès qu'un automobiliste met plus d'une seconde à démarrer au feu vert, il y a toute une série de réactions agressives qui ne sont pas mentionnées parce qu'elles semblent une expression normale de vengeance.»

 

D'une manière générale, conduire est une activité stressante. «On ressent des pointes de stress dans la circulation dense, ou alors quand d'autres automobilistes font des erreurs qui ont des effets sur nous, dit M. Wiesenthal. Pour évacuer ce stress, pour avoir l'impression de reprendre la maîtrise qui nous échappe, on peut être tenté de se venger de l'autre personne, de la punir. D'autant plus que la police ne peut pas sanctionner toutes les infractions, et encore moins toutes les erreurs. Une injustice impunie est toujours douloureuse.»

Pour tirer ce phénomène au clair, le psychologue torontois a mis au point un questionnaire sur la vengeance au volant. L'idée est d'évaluer le degré d'agressivité face aux erreurs d'autrui. Par exemple, quand un automobiliste nous double, puis qu'il se range devant nous et ralentit, on peut très naturellement s'indigner qu'il ne se soit pas plutôt rangé derrière. Certains automobilistes vont réagir en se servant de leur voiture comme d'une arme, en «collant» le fautif, voire en le dépassant en trombe pour lui appliquer le même traitement. On peut aussi se limiter à un geste obscène, par exemple un doigt d'honneur. Ou tout simplement à klaxonner pour protester. Certains automobilistes particulièrement zen vont même hausser les épaules et laisser passer l'affront sans réagir.

«Le degré général d'agressivité sur la route ne résulte pas uniquement des automobilistes presque fous, des cas de «rage au volant», dit M. Wiesenthal. Il dépend surtout des petits gestes ordinaires de vengeance devant les erreurs mineures qui surviennent inévitablement. Si les automobilistes se rendent compte de leur degré d'agressivité ordinaire, ils peuvent contribuer à rendre les routes plus agréables. Et de toute façon, il vaut toujours mieux éviter la vengeance, qui signale qu'on investit trop d'émotions dans une activité qui génère continuellement de petits conflits potentiels.»

Le psychologue torontois a également mis au point un questionnaire évaluant 37 situations de conduite et le degré de colère qu'elles suscitent. Les plus graves sont se faire couper le chemin sur l'autoroute; se faire voler un espace de stationnement, et voir un automobiliste saoul. Les moins susceptibles de provoquer la colère sont voir un automobiliste parler avec un téléphone sans dispositif mains libres; suivre durant une tempête de neige une voiture qui roule trop lentement pour les conditions routières, et voir un automobiliste ne pas céder le passage à un piéton à un passage clouté. Détail intéressant, deux fois sur trois, les femmes étaient plus colériques que les hommes.

ÊTES-VOUS PORTÉ À LA VENGEANCE AU VOLANT?

Décrivez votre réaction aux situations proposées, en choisissant parmi les actions suivantes:

A- vous livrer à une menace physique, par exemple en suivant de près un véhicule lent, ou sortir de votre voiture pour vous «expliquer» avec un autre automobiliste;

B- faire un geste vulgaire, par exemple un doigt d'honneur ou une insulte verbale;

C- donner un long coup de klaxon de protestation;

D- ne rien faire du tout.

Attribuez-vous trois points pour le premier choix, deux pour le deuxième, un pour le troisième, et aucun pour le dernier. Plus votre total est élevé, plus vous êtes porté à la vengeance au volant.

1- Vous arrivez le premier à une intersection régie par quatre panneaux d'arrêt. Un autre automobiliste passe tout de même avant vous.

2- Une voiture vous coupe le chemin sur l'autoroute, ce qui vous oblige à freiner.

3- Un automobiliste vous dépasse et vous fait un geste vulgaire pour protester contre votre lenteur.

4- Un automobiliste vous dépasse, se range devant vous et ralentit.

5- Vous roulez la nuit et vous êtes suivi par un automobiliste qui garde ses phares de route (les «hautes»). (Remplacez le geste obscène par une action légèrement agressive, comme ralentir.)

6- Un automobiliste vous klaxonne plusieurs fois.

7- Un automobiliste sort de son véhicule à un feu rouge et s'approche de votre voiture d'une manière menaçante.

8- Un automobiliste dépasse une file de voitures par une voie dont la fermeture est annoncée et visible, puis tente de se ranger dans la file devant vous.

9- Une voiture roule lentement à gauche sur l'autoroute, alors que la voie de droite est libre.

10- L'automobiliste qui vous précède applique souvent les freins sans raison évidente.

11- Un automobiliste lance une bouteille de plastique vide par sa fenêtre, et elle atterrit sur votre voiture.

12- Vous attendez qu'une place de stationnement se libère, mais un autre automobiliste se glisse devant vous et se l'approprie.

13- L'automobiliste qui vous précède met une éternité à avancer au feu vert.

14- À une intersection où il est permis de tourner à droite sur le feu rouge, le clignotant de l'automobiliste qui vous précède montre son intention d'aller à droite, mais il ne bouge pas, malgré l'absence de voitures dans la rue perpendiculaire.

15- En pleine heure de pointe, un automobiliste s'arrête à un endroit où cela est interdit pour déposer ou prendre un passager.

Source: Université York