Le bilinguisme protège contre les effets délétères du téléphone portable au volant, selon une étude torontoise. Dans un essai sur simulateur de conduite, le risque était réduit de moitié quand on a comparé les bilingues aux cobayes qui ne parlaient que leur langue maternelle.

«Les bilingues sont habitués à bloquer l'une des deux langues», explique l'auteur de l'étude, Jason Telner, qui y a travaillé pendant son doctorat à l'Université York et en a présenté les résultats dans une conférence à l'automne dernier.

 

«Cela les aide quand vient le temps de reporter rapidement leur attention de la conversation téléphonique à ce qui se passe sur la route.»

L'étude a analysé les réactions de 82 étudiants, dont 47 étaient bilingues, alors qu'ils conduisaient sur un simulateur. Diverses distractions leur étaient imposées: un simple son, un test de mémoire, un test de vocabulaire et l'écoute d'une histoire. M. Telner a mesuré leur performance de conduite, par exemple le respect des limites de vitesse et la capacité à rester dans leur voie.

Les conducteurs bilingues ont fait entre 10% et 14% d'erreurs quand on les soumettait aux distractions, comparativement à 17% à 22% pour les monolingues. La différence a été particulièrement importante quand ils devaient simplement écouter une histoire ou des sons et minimale (14% contre 17%) pour les tests de vocabulaire.

 

«On savait déjà que les bilingues sont meilleurs pour les «fonctions exécutives», c'est-à-dire l'utilisation de processus cognitifs complexes pour des tâches courantes comme le langage», dit M. Telner, qui travaille maintenant à Minneapolis pour la compagnie Honeywell, où il améliore les interfaces de machines pour réduire le risque d'erreur humaine.

Étude plus approfondie

Le psychologue d'origine torontoise pense qu'il faudrait maintenant vérifier si la différence est plus importante quand les conversations ont lieu dans la langue maternelle.

«Les gens parlaient en anglais, donc dans leur langue seconde pour les bilingues, dit M. Telner. Je crois que le risque du téléphone au volant serait encore diminué si on faisait les tests de distraction dans la langue maternelle des gens. On pourrait aussi analyser le risque du téléphone au volant dans deux régions avec des taux de bilinguisme différents, par exemple le Québec et l'Ontario.»

Les bilingues pourront-ils un jour bénéficier de réductions de primes d'assurance automobile, de la même manière que les femmes paient moins que les hommes?

«En théorie, oui, dit M. Telner. Mais il faut beaucoup plus de tests pour confirmer nos résultats.»

Et les jeux vidéos...



Les amateurs de jeux vidéo sont eux aussi moins sensibles aux distractions du téléphone au volant, selon le psychologue Jason Telner. «Je présenterai ces résultats dans une conférence plus tard cette année. Le mécanisme est différent de celui du bilinguisme.

«Les habitués de jeux vidéo gèrent tout simplement mieux plusieurs types d'activités cognitives en même temps. Ils passent plus rapidement d'une tâche à l'autre. Ils sont d'ailleurs meilleurs conducteurs dans toutes les circonstances, alors que les avantages du bilinguisme ne concernent que la conduite en parlant au téléphone.

Les jeux vidéo réduisent le risque de fausse manoeuvre même quand on conduit sans rien faire d'autre.»

 

Dans la simulation, les amateurs de jeux vidéo ont fait en moyenne un peu moins d'un accident quand ils étaient distraits, comparativement à 1,5 accident pour les autres cobayes.