Et oui, ce fou de vitesse, membre d'une famille de pilotes automobiles dont le nom est connu partout dans le monde, ne roule pas en muscle car et encore moins en voiture sport comme on aimerait le croire.

«Mononcle Jacques», comme certains se plaisent à le surnommer pour le distinguer de son neveu, roule en Hyundai Sonata. Et il ne s'en porte pas plus mal. Au contraire, Jacques Villeneuve adore sa voiture, un modèle V6 qui possède «une bonne pédale», dit-il, en faisant référence à la force du moteur.

 

 

Le facteur pécuniaire joue évidemment pour beaucoup dans le choix obligé de cette voiture de tous les jours. Mais l'homme de 56 ans s'y résigne en invoquant la sagesse: «Ça ne donne rien d'avoir des autos puissantes sur les routes du Québec», dit-il. D'ailleurs, au cours des 30 dernières années, il a eu la chance d'en profiter. L'homme a en effet possédé son lot de voitures de performance, de la Mustang Shelby à la Lamborghini.

 

Bien sûr, il arrive encore que cette fameuse sagesse prenne le bord. L'hiver dernier, Jacques Villeneuve a atteint -et il ne se gêne pas pour le dire- plus de 226 km/h avec sa berline sur l'autoroute 30. Et il s'est fait pincer.

 

«Mais j'étais redescendu à 130 km/h. Quand le policier est venu me demander mes papiers, je lui ai montré sur mon GPS à quelle vitesse je venais de rouler», affirme sur un ton frondeur celui qui a reçu La Presse à sa résidence de Saint-Cuthbert, non loin de Berthierville. Lors de notre rencontre, il se remettait encore de son spectaculaire accident au Grand Prix de Valcourt, survenu en février dernier. Sa démarche boiteuse était là pour nous le rappeler.

 

En ces temps de rectitudes environnementales, sécuritaires et tutti quanti, les propos de Jacques Villeneuve ont de quoi faire grincer les dents d'une partie de la population. Ce vétéran de la course en motoneige -il a été sacré champion 2009 dans l'Eastern Pro Tour- ne semble nullement interpellé par les inquiétudes des écolos.

 

Au contraire, il souhaite voir la limite de vitesse augmenter (jusqu'à 120 ou 140 km/h) sur nos autoroutes. «Je sais qu'au bout du compte, je n'ai pas raison. Je suis peut-être trop égoïste. Je vis dans le présent. Mais je suis comme ça», dit celui qui se fait évasif quand on lui parle de son neveu Jacques, champion du monde de F1 en 1997.

 

D'aucuns diront que Jacques Villeneuve est issu de la vieille école. Pourtant, sa relation avec l'automobile relève du même motif qui anime les jeunes d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'autonomie. «Pour moi, une auto, c'était la liberté. Tu devenais quelqu'un dès que tu avais ton permis de conduire. À 16 ans, quand mon père m'a acheté un Ford Galaxie 500 1963, je suis devenu le roi du monde», dit-il.

 

Tout comme son frère Gilles, Jacques Villeneuve a fait ses débuts comme coureur professionnel en motoneige. Mais contrairement à son frère aîné, et malgré quelques tentatives, il n'a jamais fait carrière en F1. Il a néanmoins fait sa marque sur les circuits Formule Ford, Can-Am, Indy Car et autres Formule Atlantique. Souvenez-vous de sa bouille dans les catalogues de Canadian Tire, son commanditaire à une certaine époque.

 

Jacques Villeneuve a abandonné l'école à 16 ans pour mieux se consacrer à la course en motoneige et à la mécanique. Dans sa jeunesse, il a fait plusieurs métiers, dont livreur pour l'entreprise de couture de ses parents.

 

Quand on lui demande de nous énumérer la liste des autos qu'il a possédées au fil des ans, Jacques Villeneuve en perd le compte. Il a notamment roulé en Vaillant, en Pinto, en Thunderbird -«J'avais l'air d'un pimp», dit-il-, en Bronco, en Mustang, en Honda, en Acura, et même en Lamborghini. «J'aurais aussi aimé être millionnaire pour conserver toutes les autos et les motoneiges que j'ai eues dans ma vie», dit-il, un brin nostalgique.

 

Sur la route, cet ancien joueur de basse syntonise en permanence CHOM sur la bande FM. Les classiques du rock l'accompagnent dans tous ses déplacements. Classiques dont la sonorité est grandement modulée par un imposant caisson de basse (ce bon vieux subwoofer) installé dans le coffre de sa Sonata.

 

Jacques Villeneuve rêve d'un retour en course automobile. «Mais je suis trop vieux aux yeux de certains», dit-il. À défaut de réaliser ce rêve, il poursuit sa carrière dans la course en motoneige. Et il ne se fera pas prier pour atteindre 170 km/h sur sa Bombardier 440 cc modifiée, un joujou qu'il entretient lui-même.