Pionnier du ski style libre, il a créé sa propre compagnie de skis, réalisé ses propres films, avant de se lancer dans l'aide humanitaire. Un portrait de Jean-Philippe Auclair, légende méconnue du ski québécois, touche-à-tout de l'extrême et créateur philanthrope.

Jean-Philippe Auclair, que tout le monde appelle JP, termine sa saison de ski dans les Alpes suisses. À 34 ans, il a presque le double de l'âge des jeunes qui font actuellement vibrer la scène du ski style libre. Mais, cette année encore, il a trouvé le moyen d'entretenir son statut de légende grâce à un bijou de film, qu'il a lui-même réalisé, un segment intégré dans le long-métrage All.I.Can, de Sherpas Films, et qui a été vu par 124 000 internautes à sa seule première journée en ligne, l'automne dernier.

«J'ai dit à JP qu'il avait réussi à faire sa place sur la scène du streestyle avec des trucs populaires il y 10 ans, nous raconte Mike Nick, directeur du marketing chez Orage, la compagnie montréalaise qui habille JP Auclair. Il m'a répondu qu'il s'agissait de figures vieilles de 15 ans! Les jeunes font des trucs; JP, lui, est tout simplement créatif.»

Une créativité bouillonnante qui l'a vu multiplier les projets depuis qu'il a laissé les compétitions de ski acrobatique en 1999 - il faisait partie de la relève derrière les bosseurs Jean-Luc Brassard, Stéphane Rochon et compagnie. Pionnier du freeski, il s'est lassé du cadre rigide des compétitions pour devenir l'un des skieurs les plus en vue sur la scène du backcountry. «Jusqu'à 2007, je me suis consacré à fond aux films dans des régions de plus en plus sauvages, ce que je considérais être la liberté ultime pour m'exprimer à travers le sport», explique Jean-Philippe Auclair.

Il est déjà l'un des plus vieux de la discipline quand il termine sur le podium du Cold Rush et du Line Catcher en 2008 et 2009, événements créés pour les meilleurs skieurs de backcountry au monde. Il a songé à remettre ça cette année, mais c'était sans compter sur son emploi du temps réglé au quart de tour.

«JP a toujours su prendre les bonnes décisions, les bons investissements, les bons choix de compagnies, soutient de son côté Philippe Casabon, 22 ans, un autre skieur québécois à l'avant-scène du freeski. Il a la capacité de toujours savoir où il va. Du moins, ses résultats font qu'on dirait qu'il sait toujours où il s'en va.»

Car JP n'a pas de plan tout tracé, il n'en a jamais eu. Quand on lui demande où il se voit dans 10 ans, il répond tout de go: «J'ai arrêté de me poser cette question-là il y a 10 ans! rigole-t-il. On m'avait alors demandé la même question et j'avais répondu que j'allais sans doute avoir une femme, ma maison, ma clôture, mon chien. Pendant un bout de temps, je me disais chaque année qu'il me restait une ou deux saisons avant la retraite. Mais j'ai toujours augmenté le rythme.»

Il continue encore aujourd'hui à défier les limites, mais avec une sagesse qui inspire. «Il est comme Yoda, je suis comme un jeune Jedi, je suis ses traces, affirme Phil Casabon. Ce qu'il a fait est honorable. Et il arrive encore à se démarquer par sa créativité, son talent, ses habiletés. JP a été un pionnier, c'est une véritable légende.»

Quand les riders retroussent leurs manches

«Au début, c'était naïf; on voulait s'engager, retrousser ses manches, mais on ne savait pas dans quoi on s'embarquait.»

Alpine Initiatives est né sur un coup de tête mais c'est aujourd'hui un organisme d'aide humanitaire qui collabore actuellement au développement durable de projets au Kenya et au Madagascar, en plus de piloter des programmes de sensibilisation à l'environnement aux États-Unis et au Canada.

Dernier bébé de Jean-Philippe Auclair, Alpine Initiatives est né d'une idée qu'il a eue en 2008 avec Mikey Hovey alors que les deux skieurs suivaient une formation de guide de montagne, en Alaska. Un premier projet de construction d'une cuisine communautaire au Kenya leur a été soumis presque par accident, mais les deux amis ont décidé de plonger. «On s'est lancé à fond, avec un site, un nom, un logo, mais c'était seulement en vue du premier voyage, reconnaît JP Auclair. Mais on s'est aperçu que l'on avait les ressources et la structure pour aller plus loin et on a eu beaucoup d'appui de l'industrie du ski.»

Par exemple, la compagnie montréalaise Orage a décidé de soutenir AI à l'aide de campagnes de financement, Oakley remet 2% des ventes des lunettes de ski signées JP Auclair, Armada produit une série limitée de skis dont 100% des profits sont remis à Alpine Initiatives.

«Il y a beaucoup de gens qui veulent s'engager, mais on fait ça encore à temps perdu, enchaîne toutefois le skieur de Québec. Pour Alpine Initiatives, le rêve est d'avoir quelque chose qui roule bien, avoir des collaborateurs locaux qui oeuvrent sur le terrain, développant ainsi une approche un peu plus globale.»

Photo fournie par Orage

Jean-Philippe Auclair

Skis Armada: pour les skieurs, par les skieurs

Insatisfait d'avoir aidé à développer le premier ski à double spatules de Salomon - le 1080, en 1997 - Jean-Philippe Auclair décide de créer ses propres skis. En compagnie de quelques amis, dont l'Américain Tanner Hall - triple médaillé d'or aux X-Games en slopestyle et en demi-lune -, il fonde Armada en 2002.

«C'est venu d'un désir d'expression artistique, explique JP Auclair. Beaucoup de riders avaient de l'énergie et de la créativité pour s'investir à fond.»

Les skis et l'équipement vendus par Armada sont à l'image des ses créateurs: colorés et éclatés. «On avait des besoins et des idées, on a créé en fonction de nos besoins, reconnaît Auclair. Mais ce qui fait notre succès est que les gens peuvent acheter le dernier cri de ce que le riders veulent.»

Et ça marche: d'après les chiffres obtenus auprès du président de la compagnie, Hans Smith, Armada a connu une croissance annuelle de plus de 130% au cours des neuf dernières années et elle a maintenant des points de vente dans 45 pays.