Qu'on se le dise, les voitures vertes sont plus que jamais dans l'air du temps. Réservées il y a encore quelques années aux écolos convaincus, chaussés de sandales en terre cuite, les Leaf, Volt et autres i-MiEV s'invitent au garage. Et même sur les murs du garage!

Une femme légèrement vêtue affalée sur un capot d'une bagnole. Voilà un joli anachronisme qui s'accroche au monde de l'auto malgré tous les efforts d'émancipation réalisés par la femme au cours des 50 dernières années.

Mais si on poussait l'anachronisme encore un peu plus loin pour servir la cause des voitures écolos? C'est l'idée qu'a eue Mike Cessario, directeur artistique de l'agence de publicité Eleven, à San Francisco.

M. Cessario en avait marre de constater que les pubs des voitures vertes tournent sans cesse autour des mêmes thèmes: la nature, les arbres, l'air pur, etc. «Personne n'a jamais présenté les voitures vertes comme étant sexy, a dit M. Cessario. Selon moi, vivre en respect de l'environnement n'est pas quelque chose qui devrait être réservé aux hippies. C'est comme ça que m'est venue l'idée de faire le calendrier.»

Avec l'aide de son ami Peter Dawson, un photographe bien en vue spécialisé dans les publicités automobiles, Mike Cessario a réussi à composer une petite équipe de professionnels qui ont donné de leur temps au projet. Les mannequins ont quant à elles été recrutées à Los Angeles par une autre connaissance, «un type suave qui a plusieurs contacts à L.A.», a indiqué M. Cessario.

Seuls Smart et Hyundai ont accepté de prêter leurs voitures pour qu'elles figurent dans le calendrier. Les autres ont été obtenues de particuliers ou dans une agence de location spécialisée dans les voitures vertes. Et on a volontairement laissé de côté toute voiture de plus de 40 000$ comme la Tesla Roadster: «On ne voulait pas que notre calendrier apparaisse comme n'importe quel autre mettant en vedette des bolides sport», a précisé Mike Cessario.

Le risque avec un calendrier comme celui-là serait-il de rater sa cible? «Bien sûr, certains ne comprendront pas notre démarche, a avoué M. Cessario. On ne va pas convaincre les gens qui ne sont pas déjà sensibilisés aux vertus des voitures écoénergétiques. Mais on aimerait bien que ça soit perçu comme cool de rouler vert.»

Le calendrier est disponible sur Amazon.com ou sur le site www.pumprebels.com. Pour chaque calendrier vendu, un dollar est remis à la Blue Green Alliance (www.bluegreenalliance.org), un organisme sans but lucratif qui cherche à développer l'économie verte, les énergies alternatives et le transport en commun.





Photo Peter Dawson, fournie par Mike Cessario

Photo tirée du calendrier Pump Rebels.

«Les racing poupounes»: jolies reliques du passé

«Les photos ne sont pas simplement sexy; les mannequins adoptent des postures où elles s'offrent en tant qu'objets sexuels. On ne sort donc pas du concept de la femme-objet.»

C'est dans ces mots que Sébastien Couvrette, historien spécialisé en publicité de l'Université Laval, a qualifié le calendrier de voitures écoénergétiques réalisé par Mike Cessario.

Selon lui, le second niveau de lecture cherché par M. Cessario - utiliser les codes classiques des calendriers de pin-up pour rendre les voitures vertes plus cool - se perd dans la facture très traditionnelle du calendrier.

Même réaction de la part de Lori Saint-Martin, professeure de littérature à l'UQAM qui a récemment publié un ouvrage sur les magazines masculins au Québec. «Je trouve fascinant que pour renouveler l'image d'un produit - un produit en plus moderne et très à jour -, on ne trouve rien de mieux qu'un retour en arrière, une image totalement anachronique et passéiste, aux allures des années 50 en plus, a-t-elle indiqué dans un courriel. Quoi de plus cliché que d'utiliser des pin-ups pour vendre? Manque d'imagination totale! Je croyais que les publicistes étaient des gens d'idées.»

À voir la réaction de plusieurs collègues féminines au bureau - qui ont trouvé somme toute rigolo de voir des «pitounes» adossées à des voitures comme la Prius et la Leaf, on a cru l'objectif atteint. Mais pour M. Couvrette, c'est symptomatique de l'essoufflement des luttes féministes des années 60 et 70. «Le fait que je sois un homme m'autorise peut-être davantage à le dire: c'est aujourd'hui plus ou moins bien vu de s'insurger devant des photos où le corps de la femme est utilisé comme un objet sexuel, a-t-il affirmé. Mais il reste que l'on repousse sans cesse les limites, sous prétexte que l'on fait preuve aujourd'hui d'une plus grande ouverture d'esprit. Mais il faut savoir où s'arrêter.»

Pour M. Couvrette, l'hypersexualisation des jeunes filles est l'une des conséquences de la banalisation de l'image de la femme dans la publicité. Ainsi, pour le chercheur, le calendrier de Mike Cessario n'aide en rien la cause...

Pourtant, l'idée de faire un calendrier de voitures vertes est certainement bonne. Peut-être aurait-il fallu que M. Cessario demande à des copines de faire les photos à la place de mannequins très stéréotypés? Quelque chose de coquin, mais de moins suggestif? De comique? À vous de juger!

Infographie La Presse

Des publicités d'une autre époque.