Comment ne pas décevoir 1 608 422 utilisateurs de Civic et ainsi les fidéliser à la marque? Honda n'a visiblement rien trouver de mieux que cette neuvième génération. Vu l'importance de ce modèle et l'audace promulguée par la concurrence, c'est plutôt timide.

Sourires crispés, tensions palpables, la direction de Honda sait depuis le 10 janvier dernier - date à laquelle fut présentée la version concept au salon de Detroit - que le plus dur reste à faire  persuader la presse et le public qu'il s'agit là de la «meilleure Civic jamais produite». La meilleure sans doute, la plus évoluée aussi, mais seulement par rapport aux générations antérieures. Face aux modèles concurrents, l'affaire paraît moins sûre.

>>> Consultez la galerie photo complète de la Honda Civic 2012

Un survol de la fiche technique suffit pour nous en convaincre. Hormis quelques avancées, cette neuvième génération n'en beurre pas épais. En fait, elle se trouve à la traîne. L'injection directe de carburant et la boîte à six rapports pour ne nommer qu'eux ne figuraient pas dans le cahier des charges des architectes de cette refonte. Pourtant, ces technologies se retrouvent chez Ford (Focus), Hyundai (Elantra) et bientôt Mazda (3). Honda estime pour sa part que les quelques retouches apportées au groupe motopropulseur (moteur-boîte) de la Civic compenseront. Le constructeur privilégie une autre approche: le raffinement de solutions existantes et éprouvées. Voilà un argument qui sonne doux à l'oreille d'une clientèle soucieuse de fiabilité. Chez Honda, complexité ne rime pas forcément avec efficacité. Outre une réduction sensible du poids de l'auto, les ingénieurs ont également veillé à améliorer l'aérodynamique du véhicule, la résistance de roulement des pneus et une foule de petits détails, en apparence anodins. Ils ont de plus ajouté une nouvelle fonction - Eco Mode - jusqu'ici réservée aux seuls modèles hybrides de la marque japonaise. Celle-ci permet, au toucher d'un bouton au tableau de bord, de modifier notamment le débit de la climatisation et l'étagement des rapports de la boîte de vitesses.

Maîtrise de l'espace

À défaut d'offrir la sophistication technique des unes et les économies de carburant - souvent illusoires - des autres, cette nouvelle génération a le mérite de ne pas grandir. En fait, elle rapetisse, mais ça ne se voit pas de l'extérieur. Elle ombrage la même surface de pavé, colore la même partie de ciel, mais son empattement (distance entre les axes de roues) a régressé de 30 millimètres. Et pourtant, elle est plus spacieuse. Honda démontre, une fois de plus, son ingéniosité dans ce domaine: maximiser le volume intérieur. Un art que trop peu de constructeurs maîtrisent. En réaménageant son habitacle, la Civic nous fait profiter de plus d'espace au niveau des épaules et des jambes. La position de conduite est vraiment bonne, la visibilité meilleure. Il faudra composer lorsqu'un passager de grande taille prendra place à l'arrière, mais c'est aussi vrai pour des voitures beaucoup plus encombrantes qu'elle.

Le coffre apparaît généreux et une bascule des dossiers permet d'agrandir le volume de chargement. En revanche, la découpe entre le coffre et l'habitacle est plutôt étroite, un choix délibéré de Honda, qui conserve une traverse derrière la banquette. Elle sert à la fois de renfort et de butée de sécurité pour les bagages. Les rangements ne sont pas aussi nombreux qu'attendu, mais la boîte à gants et les bacs de portes compensent.

Contre toute attente, l'architecture à «deux étages» du tableau de bord a été reconduite et représente à coup sûr une solution plus économique que le dispositif à «affichage tête haute» proposé par les marques les plus huppées. L'indicateur de vitesse cohabite notamment en compagnie de la jauge à essence au deuxième étage alors que le compte-tours loge au premier. Les propriétaires ne seront pas décontenancés par cette disposition, seulement par la pauvreté des matériaux utilisés. Que des plastiques durs. Et sonores. En matière de qualité perçue, cette génération marque un sérieux recul. Honda a sans doute beau jeu de rappeler que le coût d'acquisition d'une Civic a été fortement comprimé, mais cela n'excuse rien. Ce que le client voit et touche à bord ne correspond pas aux nouveaux standards de l'industrie. Cela est d'autant plus regrettable que cela torpille en grande partie tous les efforts déployés par Honda pour faire de cet habitacle un endroit où il fait bon se retrouver. Plutôt que de se lover dans des sièges étonnement confortables - à l'avant surtout - ou d'admirer la précision du travail des employés canadiens chargés de l'assemblage, on bute encore et toujours contre ces foutus matériaux qui sonnent creux.

Les tarifs auxquels s'affichent les différentes versions de la Civic vont sans doute en attendrir certains. Les éventuels acheteurs de la DX par exemple, qui pourront se l'offrir pour moins de 15 000 $. L'offre paraît alléchante, elle ne l'est pas. Cette version à prix plancher ne permet de la jumeler ni à la boîte automatique, ni à un climatiseur. Des équipements électriques (glaces, verrouillage)? Pas un seul. Alors, à moins de vouloir livrer de la pizza (ou du poulet), vaut mieux oublier cela et jeter son dévolu sur la LX et débourser les 3000 $ supplémentaires qu'elles commandent.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Les propriétaires de la Civic ne seront pas décontenancés par la disposition à deux étages du tableau de bord, mais plutôt par la pauvreté des matériaux utilisés. Que des plastiques durs. Et sonores.

Le sourire revient

La déception ressentie en détaillant cette neuvième génération de Civic se dissipe au fil des kilomètres passés à son volant. Les éléments suspenseurs filtrent bien les imperfections de la chaussée et la qualité de son châssis en fait une voiture rassurante et des plus agréables à conduire. La version Si - la plus sportive avec son gros moteur de 2,4 litres et sa boîte à 6 rapports - procure le plus de sensations sans doute, mais les autres, plus sages, n'ont rien à envier aux Elantra, Corolla, Cruze et Jetta. En fait, il n'y a que la Focus de Ford et la 3 de Mazda que la Civic pourrait légitiment craindre sur le plan dynamique.

Selon la dimension - et la qualité - de la monte pneumatique, la Civic tutoie plus ou moins rapidement le sous-virage. Celui-ci est géré en grande partie par un dispositif de correction de stabilité électronique (Advanced VSA) d'une étonnante efficacité par rapport à la plupart des systèmes équivalents proposés par la concurrence. Moins sensible que celui offert chez Toyota (Corolla), plus constant que celui développé par Hyundai (Elantra), il fait preuve sur la Civic d'une plus grande progressivité et perturbe moins les sensations de la direction. Celle-ci, assistée électriquement, apparaît beaucoup plus naturelle et concourt à vous mettre en confiance.

Bien qu'il réponde instantanément aux sollicitations du pied droit, le moteur quatre cylindres de 1,8 litre parait plus nerveux qu'il ne l'est. Une illusion. Les temps d'accélération sont moyens et les reprises acceptables, sans plus. Plus linéaire que par le passé, cette mécanique ne soulève aucune passion particulière. Plutôt présent (lire sonore), il a le mérite d'être fiable, robuste et ce peu importe la transmission avec laquelle il cohabite.

Évolutive, cette neuvième génération ne passera pas à l'histoire. Elle pèche autant par orgueil que par omission.

Les frais de déplacement et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Honda Canada.

NOUS AIMONS

Contrôle de stabilité efficace

Comportement routier amusant

Habitacle ingénieux

NOUS AIMONS MOINS

Version DX inintéressante

Refonte timide

Intérieur plastique

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix: 14 990 $ à 26 990 $

Frais de transport et préparation: nd

Version essayée: EX

Garantie de base (mois/km): 36 mois/60 000 km

Consommation obtenue dans le cadre de l'essai: 6,2 L/100 km (donnée du constructeur)

Visible dans les concessions: Maintenant (berline), coupé (mai 2011), Si (juin 2011) Hybrid (août 2011)

SURVOL TECHNIQUE

Moteur: L4 DACT 1,8 litre

Puissance: 140 ch à 6500 tr/mn

Couple: 128 lb-pi à 4300 tr/mn

Poids: 1227 kg (EX)

Rapport poids-puissance: 8,76 kg/ch

Mode: Traction (roues avant motrices)

Transmission de série: Manuelle 5 rapports

Transmission optionnelle: Automatique 5 rapports

Direction/Diamètre de braquage: Crémaillère/10,8 mètres

Freins: Disque/Disque

Pneus: 205/55R16

Capacité du réservoir/essence recommandée: 50 litres/Ordinaire

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Bien qu'il réponde instantanément aux sollicitations du pied droit, le moteur quatre cylindres de 1,8 litre parait plus nerveux qu'il ne l'est. Les temps d'accélération sont moyens et les reprises acceptables, sans plus.