Acharnement thérapeutique ou passion inassouvie? Notre journaliste Éric LeFrançois vient de conclure un autre chapitre d'une «histoire d'amour» pas banale: celle d'un chroniqueur auto et d'une Audi Ur-Quattro. Jusqu'à présent, la «bête» ne se laisse pas séduire facilement...

Acharnement thérapeutique ou passion inassouvie? Notre journaliste Éric LeFrançois vient de conclure un autre chapitre d'une «histoire d'amour» pas banale: celle d'un chroniqueur auto et d'une Audi Ur-Quattro. Jusqu'à présent, la «bête» ne se laisse pas séduire facilement...

Le bonheur a été de courte durée: à peine une centaine de kilomètres. Sur un long droit bosselé et parsemé de nids-de-poule, les écrous de la roue avant gauche de la Ur-Quattro (oui, ma Ur-Quattro!) ont cédé sous les chocs répétés.

Comme je le mentionnais dans ma chronique du 3 avril dernier, ma Ur-Quattro avait finalement repris goût à la vie. Il ne restait à retoucher que l'intérieur et quelques peccadilles (les coussinets arrière, le câble d'accélérateur). À ce sujet, vous avez été plusieurs à m'écrire (mille fois merci) pour me faire part de vos suggestions pour apporter la touche finale à ce projet totalement insensé.

À quelques heures d'un départ d'une semaine à l'étranger, la tentation était trop grande de rouler au volant de cet emblème des années 80. Quel bonheur d'entendre le son guttural de ce cinq cylindres qui, aidé notamment d'un ressort de soupape de décharge (Wastegate) plus rigide, flirtait volontiers avec la zone rouge du compte-tours sans la moindre coupure de puissance. De sentir les rapports s'enchaîner sans effort et la direction tailler les courbes avec une précision qui n'a rien à envier aux meilleures sportives de l'heure. Le bonheur, vous dis-je, même si, en toute objectivité, celui-ci était teinté de quelques irritants, comme par exemple cette pédale de frein un peu spongieuse (une particularité de ce modèle, m'a-t-on souvent répété) et ce combiné ressorts-amortisseurs (un choix de l'auteur) qui s'annonce, hélas, peu judicieux considérant la condition de nos routes.

La nuit était tombée depuis un bon moment déjà. Le dernier droit avant de rendre les clés à mon copain Louis-Alain qui, durant mon absence, allait compléter quelques trucs avant d'entamer, à mon retour, l'étape finale de cette restauration. La vitesse était modérée, la chaussée parfaitement sèche. Encore une vingtaine de kilomètres de plaisir, me disais-je. Tout fonctionnait à merveille. La température des différents liquides était au beau fixe, la Ur-Quattro filait droit. Soudain, la roue avant gauche est allée s'écraser dans un nid-de-poule, que dis-je! un nid d'autruche grand comme ça. En un rien de temps, la partie avant de l'Audi s'est cabrée pour aussitôt replonger dans un bruit assourdissant de tôle froissée. De mon baquet, je crois bien avoir aperçu, un court instant, une gerbe d'étincelles du côté gauche de la voiture. Je ne sais pas, je ne sais plus: tout s'est déroulé si vite! Instinctivement, mes mains dessinaient de grands arcs pour remettre le véhicule sur sa trajectoire et freiner sa course, qui menaçait de se terminer dans l'un des deux fossés qui longeaient cette route dénuée de réverbères...

Finalement, c'est sur l'accotement terreux que le disque avant droit, privé de roue, s'est enlisé, et que s'est terminé ce rodéo improvisé. Le moteur tournait toujours. Pendant quelques secondes, mon pied gauche refusait de relâcher la pression exercée sur la pédale d'embrayage. Le levier de vitesse était toujours enclenché sur le quatrième rapport. Ouf! Plus de peur que de mal...

Impossible d'ouvrir la portière, coincée. Par chance, m'extraire du côté droit s'est révélé un jeu d'enfant puisque, quelques heures plus tôt, nous avions déboulonné le baquet de droite pour identifier les pièces que nous devions commander afin de le remettre dans son état original.

Peut-être aurait-il été préférable de demeurer assis plus longtemps avant de constater l'ampleur des dégâts... En se détachant, la roue avait enfoncé l'aile et le bas de caisse, pour ensuite se loger sous la voiture avant de poursuivre sa course folle dans le champ où j'allais la récupérer, quelque 45 minutes plus tard, complètement tordue. Aucune trace des écrous cependant.

En attendant la dépanneuse sous la pluie (un malheur ne vient jamais seul!), j'ai eu envie de tout balancer, ne trouvant pas le courage de reprendre le travail ni la volonté d'investir encore et encore dans ce projet. Après avoir pris bien soin d'arrimer la Ur-Quattro sur sa plate-forme, le conducteur de la dépanneuse l'a conduite chez Johnny (mon copain mécano) où m'attendait Louis-Alain qui, tout comme moi, ne s'expliquait pas comment un tel malheur avait pu arriver. La réponse est venue quelques jours plus tard: les cinq écrous de la roue avant gauche n'avaient pas été fixés avec la force nécessaire. Le constructeur recommandait 100 livres de pression sur chaque écrou, et nous n'en avions mis que 85...

Au moment d'écrire ces lignes, la Ur-Quattro dort chez un carrossier. La rouille a déjà attaqué le métal nu de l'aile et du bas de caisse en attendant l'arrivée de nouvelles pièces. Une aile a été trouvée. Elle se trouve par chance aux États-Unis. Quant au longeron de bas de caisse et à la jante, ils existent toujours, mais en Allemagne. Le coût de la facture: 2500 en plus de la main-d'oeuvre. Peut-être bien, comme me l'a suggéré mon chef de division, devrais-je organiser un téléthon cette fois pour financer les réparations...