Cette proposition rappelle le tollé qui a accompagné la récente hausse des frais d'immatriculation de la Société de l'assurance automobile du Québec. Cette hausse était rendue nécessaire par le déficit actuariel de la SAAQ, qui punit les mauvais conducteurs en leur faisant payer plus cher leur permis. Les difficultés politiques qu'a connues la SAAQ pour la faire accepter montre bien la tension entre les nécessités électorales et l'actuariat qui constitue la base des régimes d'assurance.

Cette proposition rappelle le tollé qui a accompagné la récente hausse des frais d'immatriculation de la Société de l'assurance automobile du Québec. Cette hausse était rendue nécessaire par le déficit actuariel de la SAAQ, qui punit les mauvais conducteurs en leur faisant payer plus cher leur permis. Les difficultés politiques qu'a connues la SAAQ pour la faire accepter montre bien la tension entre les nécessités électorales et l'actuariat qui constitue la base des régimes d'assurance.

«Le contrôle étatique des permis de conduire n'est pas un absolu», explique John Semmens, en entrevue téléphonique depuis son bureau du ministère des Transports de l'Arizona. «Le contrôle est surtout nécessaire parce que le permis de conduire sert souvent à l'identification légale des individus. Mais les deux fonctions ne sont pas inséparables: on peut parfaitement imaginer une carte d'identité séparée du permis. Sur les mers, l'industrie nautique est entièrement gérée par les compagnies d'assurances, qui certifient les permis des membres d'équipage. Je ne vois pas pourquoi ça devrait être différent pour les automobiles.»

Le permis privé ne constituerait pas un cadeau aux compagnies d'assurance. Bien au contraire. «En ce moment, les actuaires des compagnies d'assurance peuvent se permettre d'être paresseux parce qu'ils peuvent offrir des couvertures ridiculement basses. En général, les États n'obligent qu'une couverture de 30 000$US, alors qu'un accident peut facilement causer des dommages corporels d'un million. C'est injuste pour les victimes, parce que souvent les mauvais conducteurs sont insolvables. Si la limite de couverture était haussée, et qu'en contrepartie les compagnies d'assurance pouvaient nier le permis de conduire aux clients problématiques, ça serait beaucoup plus équitable.» Dépendant des États, entre 4% (dans le Maine) et 32% (au Colorado) des automobilistes n'ont aucune assurance.

Un permis de conduire privé stimulerait les recherches sur les tests de conduite. «Actuellement, c'est très subjectif et très facile. Le plus difficile, en fait, est de supporter l'incompétence du personnel des bureaux délivrant les permis. On attend une éternité. Avec une bonne dose de concurrence, le service à la clientèle s'améliorerait.»

Au Québec, où les assurances ne portent que sur les dommages matériels, la SAAQ ignore quelle proportion des automobilistes n'en ont pas; elle ne sait pas non plus combien de contraventions sont remises aux automobilistes n'ayant pas d'assurance. Le Bureau d'assurance du Canada n'a pas non plus de chiffres sur les délinquants, mais rapporte que 99,8% des assurés ont une couverture de plus de 500 000$, alors que le minimum légal est de 50 000$ (ces chiffres excluent la clientèle d'affaire).

Que pense M. Semmens des régimes d'assurance sans égard à la faute? «C'est valable, en autant qu'il y a un moyen de punir les automobilistes fautifs en augmentant leurs primes d'assurance.» Quand La Presse lui a indiqué que le permis - et donc la prime d'assurance de la SAAQ - coûte plus cher si un automobiliste a eu des contraventions, M. Semmens a avancé que les contraventions prédisent moins bien que le nombre d'accidents, le risque que constitue un automobiliste. En effet, les primes d'assurances privées au Québec augmentent beaucoup plus quand un automobiliste a un accident que quand il a une contravention.

L'économiste dans la cinquantaine a fait du permis de conduire privé l'une de ses marottes depuis le début des années 90. «Ça ne constitue pas du tout une prise de position du ministère des Transports (de l'Arizona), dit-il. C'est une conclusion à laquelle je suis arrivé par moi-même. Je raffine sans cesse mes arguments.» Il bénéficie d'une attention nouvelle cette année, avec la publication du recueil d'essais Street Smart, par un groupe de réflexion de droite. Un résumé de la thèse de M. Semmens vient d'être publié dans le Wall Street Journal. Au ministère des Transports de l'Arizona, M. Semmens dirige des projets de recherche, par exemple le calcul de l'utilisation optimale de la voie médiane d'une autoroute (une voie réservée pour le covoiturage et les abonnés au péage est préférable à un train de banlieue).

En parallèle à sa carrière de fonctionnaire, M. Semmens tient un blogue dans le Arizona Conservative, avec une plume vitriolique et parfois vulgaire, notamment dans un commentaire sur le sénateur républicain Larry Craig, qui s'est avoué coupable d'avoir cherché à avoir des relations sexuelles dans des toilettes publiques. L'économiste de l'Arizona publie régulièrement des chroniques dénonçant le système de santé canadien, et au fil de l'entrevue, il était très intéressé à savoir si le journaliste de La Presse en était satisfait.