Mais, dans le cas de René Primeau, fidèle employé de Lino Saputo, propriétaire de la compagnie du même nom et grand collectionneur de voitures exclusives, le cadeau de fin de service aurait difficilement pu tenir dans une petite boîte. Ou même dans un petit garage...

Mais, dans le cas de René Primeau, fidèle employé de Lino Saputo, propriétaire de la compagnie du même nom et grand collectionneur de voitures exclusives, le cadeau de fin de service aurait difficilement pu tenir dans une petite boîte. Ou même dans un petit garage...

Amateur de belles voitures, René Primeau appréciait particulièrement les récentes créations de Bentley, la célèbre marque de Crewe, en Angleterre. M. Saputo n'a donc pas eu à chercher bien loin pour trouver dans sa collection celle qui ferait le plus plaisir à son employé. Son choix s'est porté sur une magnifique Bentley Type R 1953.

René Primeau devient donc le troisième propriétaire de cette voiture, qui avait été achetée neuve par un résidant de Montréal. À son décès, sa veuve l'a léguée à M. Saputo. Jamais restaurée mais entretenue avec minutie, la Bentley sent encore le neuf malgré ses 54 ans bien sonnés.

Bentley et Rolls-Royce

À cette époque, les Bentley sont pratiquement des copies conformes des Rolls-Royce (la grande dame anglaise est propriétaire de la maison de Crewe depuis 1931). En 1953, la Bentley Type R remplace la populaire Mark VI; avec la Rolls-Royce Silver Dawn, la Mark VI est la première voiture de «grande série» du constructeur, la Bentley étant construite à près de 5000 exemplaires.

Un bémol cependant concernant la Mark VI: son coffre est très restreint; ce défaut est corrigé avec la Type R, qui reprend les lignes générales de son aînée, mais avec un coffre digne de ce nom doté d'un couvercle en aluminium qui s'articule vers le haut, question de faciliter le chargement des sacs de golf, des paniers de pique-nique ou autres accessoires tout aussi indispensables au gentleman de bonne famille.

Transmission automatique signée GM

La nouvelle Bentley Type R se décline en deux versions: la Saloon et la Continental. Cette dernière se distingue grandement des Rolls-Royce par sa carrosserie deux portes, son design exclusif, son groupe motopropulseur plus performant et son prix plus élevé qui la réservent à une élite choyée.

Quant à la Saloon (expression qui désigne une berline chez les Britanniques), elle conserve les portes avant de type «suicide» et le performant six cylindres en ligne de 4,5 litres.

La voiture de M. Primeau est l'une des très rares conduites à gauche équipées d'une transmission automatique à quatre rapports General Motors, une option qui plaît immédiatement à la clientèle de l'époque qui la préfère à la boîte manuelle. C'est sans doute l'une des raisons qui poussaient la plupart des propriétaires de Type R à prendre la place du chauffeur.

Malgré ses lignes très conservatrices, la Bentley Type R affiche une classe rarement égalée. Dans l'habitacle, les boiseries côtoient les cuirs fins, et le tableau de bord est orné d'une instrumentation qui ferait pâlir d'envie bien des voitures modernes.

Cette esthétique classique cache cependant des solutions techniques modernes, que ce soit la boîte automatique à quatre rapports, le toit ouvrant, le témoin lumineux de bas niveau d'essence, le circuit électrique 12 volts ou la suspension indépendante à l'avant et à ressorts semi-elliptiques à l'arrière.

Ce raffinement technique explique d'ailleurs le fait que M. Primeau compare sa Bentley à une MG avec un toit! À 70 milles à l'heure, la voiture se comporte très bien et sa tenue de route est rassurante. Quant au système électrique Lucas, généralement reconnu pour ses caprices, il ne nuit aucunement à la belle fiabilité de la vénérable anglaise.

VW à la rescousse

En 1955, Rolls-Royce dévoile la Silver Cloud, la remplaçante de la Silver Dawn. Parallèlement, la Bentley Type R, vendue à 2320 unités, devient la Type S. Précisons que la redoutable Type R Continental n'est produite qu'à 200 exemplaires, ce qui en fait un modèle très prisé par les collectionneurs.

Au fil des ans, étouffée par la présence dominatrice de Rolls-Royce, la marque Bentley passe près de l'extinction. Heureusement, le groupe Volkswagen lui évite la disparition à l'issue d'un incroyable feuilleton judiciaire et financier qui l'a opposé à BMW. Depuis lors, les nouveaux modèles se succèdent à un rythme effréné mais dans le respect de la tradition de luxe, de noblesse, de puissance et de confort qui a toujours caractérisé la marque.

Rappelons que cette tradition compte aussi un passé glorieux en sport automobile, avec cinq victoires aux 24 Heures du Mans entre 1924 et 1939, suivies du récent doublé Bentley en 2000.

Félicitations, M. Primeau, pour votre «montre en or», et bonne route!

Question de la semaine: Quel est le surnom de la Bentley qui a remporté les 24 Heures du Mans en 1929 et 1930, et quel est le surnom donné à ses pilotes?

Réponse à la question de la semaine dernière (Qui est l'inventeur de la Smart, la descendante moderne de la Messerschmitt?): Nicolas Hayek, né à Beyrouth, au Liban, en 1928, est l'inventeur des montres Swatch. Il est aussi l'inventeur du concept de la Smart. On lui attribue la renaissance de l'industrie horlogère suisse.