La Presse a visité incognito les plateaux de quatre émissions populaires tournées devant public, de manière à vivre l'expérience de l'intérieur. Nos impressions.

Tout le monde en parle

Dès qu'on pousse les portes de Radio-Canada, un employé nous intercepte: «Vous venez pour Tout le monde en parle? Vous avez mangé? Sinon, allez à la cafétéria puisque le tournage dure longtemps!»

L'enregistrement de la grand-messe dominicale s'étire en effet sur près de cinq heures. Un verre de vin et quelques bouchées ne suffiront pas à remplir un estomac.

Les gens du public se rassemblent ensuite à la porte du studio 42.

L'animateur de foule, Joël Raby, réchauffe l'ambiance. «Guy est malade aujourd'hui, alors il ne vous fera sans doute qu'un fist bump», prévient-il.

«Le studio est plus petit qu'on pense et vous faites partie de l'émission, alors pas de bras croisés, jetez vos gommes et fermez vos cellulaires», ajoute Joël Raby, avant d'inviter les spectateurs à passer aux toilettes, puisqu'il n'y aura aucune pause pipi avant la fin de la quatrième entrevue.

Dans le studio, des employés cordent les spectateurs par ordre alphabétique dans les petits gradins autour du plateau principal. «Ah, vous êtes chanceux: il y a deux belles places près des escaliers, là où les artistes arrivent», souligne l'animateur à l'intention du journaliste et de sa maman.

«La cerise sur le sundae, c'est à toi que Guy A. va faire un fist bump en premier», ajoute-t-il.

Chouette.

L'animateur de foule badine un bon moment avec son public. Guy A. Lepage débarque enfin sous les ovations. Il serre la main (finalement) aux spectateurs de la première rangée, avant de prendre son siège pour commencer l'émission, la voix éraillée.

L'entrevue avec le militant et député José Bové - le premier invité - dure environ 35 minutes. Après le montage, il n'en restera qu'une quinzaine.

L'animateur de foule avait raison: le studio de l'émission culte paraît plus petit en vrai. Les caméramans se promènent en studio pour prendre des plans rapprochés.

Entre les invités, il y a une courte pause de quelques minutes. Guy A. et Dany, avenants, viennent s'assurer que tout le monde va bien.

Après que Diane a servi le vin aux invités, l'animateur Joël remplit des coupes en plastique pendant la pause et sert des bouchées.

Une fois l'enregistrement terminé, vers 22 h 30, Guy A. Lepage quitte le plateau sans tarder, après avoir remercié ses invités et le public d'avoir enduré sa voix éraillée. Les invités s'offrent en pâture au public pour des égoportraits. Guy Jodoin et Ricardo sont de loin les plus populaires.

On nous dirige néanmoins rapidement vers le vestiaire.

Diffuseur: ICI Radio-Canada Télé

Type d'émission: divertissement

Animateur: Guy A. Lepage

En ondes depuis: septembre 2004

Public: 90 personnes

Points forts: 

- Accès facile aux artistes et aux animateurs

- Possibilité de voir du matériel sans montage

Points faibles: 

- Tournage long

- Peu d'occasions d'aller aux toilettes

Le tricheur

Dans le courriel de confirmation, on nous recommande d'apporter un lunch, des collations, de l'eau et d'éviter de porter des vêtements de couleurs vives.

Rendez-vous à 8 h 15 à TVA. On en sortira environ neuf heures plus tard.

Cinq épisodes de l'émission seront tournés en une seule journée et diffusés un mois plus tard.

Les invités - les mêmes pour les cinq épisodes - doivent changer de vêtements entre chaque épisode pour donner l'illusion que la semaine progresse.

Le concept du jeu: les participants doivent identifier le fieffé tricheur qui reçoit sur son tableau les réponses aux questions posées par l'animateur. Le public est lui aussi appelé à jouer, et il court la chance de repartir avec un peu d'argent.

Pour cette raison, chaque membre du public reçoit une manette, en échange d'une pièce d'identité, puis un coupon pour des tirages.

Dans les gradins d'une salle voisine du plateau, on rencontre Gino Lévesque, le (très) dynamique animateur de foule. Plusieurs habitués l'applaudissent spontanément.

«Allooooo! On va passer la semaine ensemble!», lance-t-il, sourire en coin, avant de faire répéter les applaudissements, mouvements et petites phrases à scander.

«C'est important d'exagérer vos réactions. Vous êtes notre décor, le coeur de notre émission et Guy [Jodoin] carbure à votre énergie!»

On nous dévoile le nom des artistes: Sylvain Marcel, David Savard, Michel Dumont, Normand D'Amour et le metteur en scène Michel Poirier.

«On ne sollicite pas les artistes: ils auront du temps pour vous», prévient Gino, rappelant aux spectateurs que leur rôle est avant tout d'identifier le tricheur.

La première émission s'amorce. On accueille chaleureusement Guy Jodoin et ses invités. Qui est le tricheur? Le public vote au milieu de l'émission et à la fin.

Entre les épisodes, les artistes vont se rafraîchir et reçoivent des retouches de maquillage derrière un immense rideau noir. Café, barres tendres et pommes sont à la disposition des spectateurs, confinés au studio. La file est interminable devant les toilettes.

Sur l'heure du midi, la plupart des gens mangent leur lunch à la cafétéria. En début d'après-midi, un blitz de trois épisodes nous attend. Les invités sont détendus et plaisantent sur le faux passage des jours.

«Hey, on n'a pas eu nos cadeaux!», lance une dame à Gino, pendant une pause. Il court aussitôt chercher des prix aux couleurs du Tricheur à faire tirer: stylos, mini-lampes de poche, gourdes, sacs et jeux de société de l'émission.

L'émission se termine. La longue journée aussi. Gino excuse les artistes et l'animateur qui ne viendront pas rencontrer le public - faute de temps, nous dit-on.

Plusieurs cachent mal leur déception.

Diffuseur: TVA

Type d'émission: jeu-questionnaire

Animateur: Guy Jodoin

En ondes depuis: janvier 2012

Public: 60 personnes

Points forts:

- Participation directe au jeu

- Beaucoup d'interactions avec l'animateur de foule

Points faibles:

- Distance entre les participants, l'animateur et le public

- Très long tournage

Photo Benoit Guérin, fournie par TVA

Le jeu-questionnaire Le tricheur est enregistré à raison de cinq épisodes par journée de tournage.

En mode SalvailOn nous convoque en soirée à L'Astral, rue Sainte-Catherine.

Le public s'installe à des tables éparpillées autour de la scène surélevée. Un bar à l'entrée et une musique entraînante créent une ambiance de cabaret.

Le groupe est surtout constitué de filles, et la moyenne d'âge oscille autour de 35 à 40 ans.

L'animateur de foule, Maxime Charbonneau, débarque sur la scène sous un tonnerre d'acclamations. Il reconnaît une Louise dans la foule, qui célèbre son anniversaire. Par applaudissements, Maxime sonde la provenance du public. La majorité des gens habite la Rive-Sud.

Des musiciens en résidence arrivent à leur tour sur scène, juste à temps pour le début de l'émission. Un enregistrement spécial - en différé, pour une rare fois - puisqu'on souligne la 300e émission, qui sera diffusée le lendemain soir (le 27 octobre).

Après l'émission spéciale, il y aura une pause de 45 minutes, suivie du tournage de l'émission habituelle en direct. 

«On vous recommande d'être là de corps et d'esprit, donc de contrôler votre consommation d'alcool!», prévient Maxime Charbonneau.

Au tour d'Éric Salvail de venir saluer la foule, une canette de boisson énergisante à la main. Claudia, une fan venue de Québec, est en transe. «Tu ne peux pas savoir comment je t'aime!», lui lance-t-elle. Touché, l'animateur exécute quelques mouvements de bassin lascifs devant la jeune femme, qui rougit. «Quand vous allez me voir, faites comme si vous ne m'aviez jamais vu de votre vie. Bon show et amusez-vous!», lance Salvail.

L'émission s'amorce moins d'une minute plus tard. De fait, la foule est en délire à l'arrivée du king de V. Tous les textes sont scriptés, mais l'animateur les livre avec un naturel désarmant. Pendant la pause, Maxime remonte sur scène pour faire tirer un chèque-cadeau de 50 $ chez Jean Coutu. En arrière-plan, Salvail révise ses notes en compagnie de la régisseuse. «Vous êtes notre meilleur public, merci pour votre énergie!», dit-il à la blague à la fin de l'émission spéciale.

Diffuseur: V

Type d'émission: Talk-show

Animateur: Éric Salvail

En ondes depuis: 2013

Public: Environ 150

Points forts: 

- Ambiance de bar

- Tournage rodé au quart de tour

- Animateur de foule efficace

- Beaucoup de généreux prix de présence

Points faibles: 

- Entrevues en surface

PHOTO Élisabeth Cloutier, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

L'émission En mode Salvail est enregistrée à L'Astral dans une ambiance de bar.

Ça finit bien la semaine«Une tenue de ville est demandée au public: une belle occasion de vous mettre sur votre 31!», indique la confirmation reçue pour assister à l'émission.

Normal: nous sommes vendredi!

Bon, en réalité, le tournage se déroule lundi soir dans le studio scintillant de TVA, mais ça, ça reste entre nous.

Le public est majoritairement composé de jeunes femmes aux talons vertigineux.

Le plateau est immense. Il y a plusieurs coins pour les entrevues: de grands sofas, des fauteuils, un bar et même un «feu de camp».

On nous installe d'abord sur des banquettes en rangée. Comme je suis un des rares hommes et que j'ai un beau veston bleu, je suis dans le champ de vision des caméras, derrière les deux animateurs. Julie Bélanger et José Gaudet placotent avec leur équipe. Accessibles, ils viennent jaser avec l'auditoire, au sein duquel ils repèrent plusieurs habitués.

«Êtes-vous prêts à avoir du fun?», lance plusieurs fois l'animatrice de foule, Catherine Desjardins, avant de recevoir un tonnerre d'approbation satisfaisant.

«Vendredi» oblige, on distribue des verres de punch.

La foule se déplace ensuite pour servir de «décor» derrière les sofas à l'autre extrémité du plateau, où la plupart des invités défileront.

Après le passage du tandem «réconcilié» Michèle Richard et Serge Laprade, le plaisir grimpe d'un cran lorsque les comédiens de l'émission Boomerang s'assoient dans les sofas. À commencer par Antoine Bertrand, à l'aise comme un fan de métal dans le 418.

Après une pause, on nous ressert un verre de punch et une bouchée.

Le chanteur Jérôme Couture fait ensuite son entrée, acclamé comme un Beatle. «Moi, j'ai 14 photos avec lui!», calcule la jeune femme derrière nous, qui fera appel à notre talent de photographe pour en ajouter une à sa collection.

Pour le dernier segment, tout le plateau se déplace près d'un bar, où le mixologue en résidence propose un drink pour lancer le week-end. Le public reçoit un shooter. Julie Bélanger pouffe de rire plusieurs fois pendant sa conclusion, après s'être trempé les lèvres dans son verre. «Je pense que l'alcool fait effet!», lance-t-elle à la foule qui semble y croire.

Le tournage conclu, les animateurs s'attardent pour se laisser prendre en photos et pour bavarder avec le public. José Gaudet, très généreux, continue de dérider les gens.

Nous quittons le studio vers 22 h 30, avec une tuque aux couleurs de Jérôme Couture, offerte à tous.

Ça tombe bien, on gèle dehors.

Diffuseur: TVA

Type d'émission: variétés

Animateurs: José Gaudet et Julie Bélanger

En ondes depuis: septembre 2010

Public: environ 50 personnes

Points forts: 

- Accès facile aux artistes et aux animateurs

- Improvisations tordantes de José Gaudet durant les pauses

- Alcool et bouchées

Points faibles: 

- Ambiance de fête (trop) simulée

- Nombreux déplacements exigés de la foule

Photo Elisabeth Cloutier, fournie par la production

Les acteurs Catherine-Anne Toupin et Antoine Bertrand comptaient parmi les invités de Ça finit bien la semaine lors du passage de La Presse.