Comme chaque année, le théâtre d'été fait courir les foules durant la saison chaude. Au volant de sa Toyota Matrix, notre journaliste s'est faufilé incognito dans quelques salles de spectacle situées à l'extérieur de Montréal, pour critiquer quelques pièces à l'affiche, décrire l'ambiance et le menu compris dans certains forfaits. Cette semaine, nous avons mis le cap sur le Théâtre La Marjolaine, à Eastman, pour voir la comédie musicale Backstage.

Même si les comédies musicales nous font d'ordinaire le même effet qu'un ongle sur un tableau noir ou la chanson I Will Survive dans une soirée karaoké, on est d'abord automatiquement charmé par le théâtre perdu au milieu de la forêt à Eastman, en Estrie.

Aménagé dans une grange construite à la fin du XIXe siècle, le Théâtre La Marjolaine, avec ses vieilles planches, transpire encore l'histoire. Plusieurs monuments de la chanson ont poussé la note dans cet endroit converti en théâtre à vocation musicale dans les années 60, dont Robert Charlebois, Louise Forestier et la comédienne Marjolaine Hébert, qui a laissé son nom en héritage. Même le piano de Claude Léveillée traîne dans un coin du petit bar depuis un demi-siècle.

Tout ça pour vous expliquer que le théâtre a décidé de renouer cette année avec sa vocation musicale, en présentant la comédie Backstage, une pièce écrite, composée et autoproduite par ses artisans, «une gang de chums qui avaient envie de passer l'été ensemble», résume le metteur en scène et chorégraphe Olivier Loubry, qui a proposé cette résurrection à La Marjolaine.

L'idée a aussitôt séduit Marc-André Coallier, le sympathique propriétaire des lieux. «On est vraiment contents de revenir avec le théâtre musical», a-t-il confié.

Est-elle bonne?

Bon, là, je vous entends vous impatienter: c'est ben beau le champêtre et le rustique, mais la pièce, elle est bonne?

Bonne, certes, intéressante aussi, mais audacieuse serait plutôt le mot juste pour qualifier ce travail, un produit 100 % local, créé en six mois à partir des textes de Kevin Houle et des paroles de Fred-Éric Salvail (19-2).

Sauf Jean Petitclerc, la distribution est plus ou moins connue du grand public, mais elle cumule ensemble une solide expérience en danse, en théâtre musical et en chant.

Ça paraît rapidement sur scène, puisque les chansons sont accrocheuses et que certaines chorégraphies - visiblement exigeantes et parodiques - sont dignes des vidéoclips pop un peu kitsch.

Histoire secondaire

Quant à l'histoire, elle est pas mal secondaire, comme c'est souvent le cas dans les comédies musicales. En gros, le scénario nous transporte en coulisse (d'où le titre de la pièce), où on assiste aux dessous tumultueux d'un spectacle organisé pour célébrer les 50 ans de la prestigieuse firme d'avocats Petitclerc et Petitclerc.

La productrice Pascale (Montreuil) doit gérer les caprices de tout le monde, y compris ceux d'une chanteuse diva populaire, Josset (Émilie de son prénom), en plus de composer avec la présence de Laurie (Blanchette), la jeune et aguichante maîtresse de son mari (Jean Petitclerc), et Émilie (Allard), son assistante névrosée.

Les dégoulinantes et sirupeuses séances de roucoulage entre Laurie et Petitclerc sont par ailleurs assez rigolotes. «Happy birthday Mr... Petitclerc», minaude la jeune allumeuse en imitant Marilyn Monroe à califourchon sur le quinquagénaire surexcité, après avoir simulé un bruit de moteur.

Évidemment, leur flirt sera découvert par Pascale, l'épouse fatiguée, et Fred, qui en pince grave pour la belle Laurie, mais prend conscience à la dure que la fougue et une shape de jeune premier ne suffisent pas pour conquérir la belle tentatrice.

Spectacle

Le spectacle organisé en l'honneur de la firme est pour sa part très important, glamour même. Pascale et la chanteuse invitée misent sur lui pour rebâtir leur réputation après un flop monumental lors d'un récent gala.

Pascale, machiavélique, entreprend aussi d'humilier la jeune maîtresse en public. «À la guerre comme à la guerre, à la bitch comme à la bitch. Je veux qu'elle souffre et qu'elle pleure», chante sombrement Pascale, dont les envolées rappellent parfois celles de Diane Dufresne.

Tout ça culminera vers le grand soir, pour le meilleur, mais surtout le pire. Les vedettes n'arrivent pas, la productrice a un rendez-vous important chez le médecin et l'adjointe Émilie pète les plombs (séquence très drôle).

On rit, mais on refoule même des émotions pendant une chanson poignante sur la perte de l'innocence. Jean Petitclerc et Pascale Montreuil sont touchants, même chose pour Josset. 

Les choses s'emboîteront ensuite rapidement, et pour le mieux, comme ça semble être la règle dans les théâtres d'été.

photo fournie par le théâtre la marjolaine

Public timide

À la tombée du rideau, le public s'est levé timidement, ce qui a forcé les comédiens à revenir vite sur scène.

Ces derniers ont pourtant de quoi être fiers, puisqu'ils apportent quelque chose de neuf et de rafraîchissant au théâtre d'été, souvent figé dans des conventions.

Le public, assez âgé, ne s'attendait sans doute pas à ça. Possible également que cette pièce festive, voire légèrement expérimentale, cadrerait mieux dans une formule cabaret, dans des salles comme le Lion d'Or ou même le petit piano-bar à côté.

Ne serait-ce que pour les chansons et les textes originaux, on souhaite une seconde vie à leur travail. La preuve: la chanson principale du spectacle - un satané ver d'oreille - roule encore dans notre tête après une fin de semaine complète passée à Heavy Montréal.

On a aimé

L'ambiance décontractée. Des comédiens qui débarquent tour à tour pour leur soirée de travail, Jean Petitclerc qui sort les ordures en bermudas ou Marc-André Coallier qui trimballe ses deux plus jeunes partout et mange avec les spectateurs au copieux restaurant La table des comédiens.

On a moins aimé

La fin de la pièce, cheezy et prévisible. Si on a apprécié l'audace de la pièce, on aurait aimé la sentir jusqu'au bout, où on semble avoir un peu tourné les coins rond pour que tout le monde reparte content. Tant qu'à bousculer le public, aussi bien le faire au complet.

photo fournie par le théâtre la marjolaine

Le Théâtre La Marjolaine dépoussière le théâtre d'été en offrant une comédie musicale audacieuse et 100 % locale.