Le titre peut sembler banal. Pourtant, il correspond à une réalité plus rare qu'on ne le croit. Oui, le concert de l'OSM cette semaine est un bon concert, chose d'autant plus réjouissante qu'il est donné trois fois (avec une minime modification le dernier soir).

En annonçant que le concert est enregistré pour la télévision, Madame la grande directrice de l'OSM demande à la salle presque comble de ne pas tousser et de ne pas applaudir entre les mouvements. On n'applaudit pas où il ne le faut pas... mais on tousse quand même un peu!

Donc, la musique. Voici d'abord la «première mondiale» d'une pièce du Montréalais Samy Moussa, présent au concert. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce titre de Nocturne. La pièce de 13 minutes fait beaucoup de bruit et l'auteur explique dans ses notes pourquoi il l'a voulu ainsi. M. Moussa sait orchestrer, cela est certain, et les grosses masses dissonantes qu'il fait surgir produisent de l'effet. On regrette simplement qu'il emprunte trop à Wagner, Mahler et Strauss.

Nagano passe ensuite à la cinquième et dernière symphonie de Mendelssohn, la célèbre Réformation, qu'il livre en 31 minutes, de façon à laisser la vedette, après l'entracte, au premier Concerto de Brahms qui en totalisera 50 sous les doigts d'Emanuel Ax.

Le distingué pianiste de 65 ans est, bien sûr, la vedette du concert (l'affiche met d'ailleurs l'accent sur sa présence) et l'ovation monstre qu'il reçoit après son Brahms est tout à fait méritée. L'homme est simple et n'a rien des showmen à la mode. Il est venu faire de la musique et il en fait, dialoguant avec l'orchestre comme un chambriste. La technique reste très solide, malgré quelques petites imperfections ici et là; l'accompagnement n'est pas toujours irréprochable non plus. Peu importe. L'ensemble de ce Brahms est magistral, avec un mouvement lent d'une émotion qui rejoint l'auditoire tout entier. Un détail : des deux Steinway de la Maison symphonique, M. Ax a choisi celui de Hambourg, la ville de Brahms...

Mais il n'est pas le seul héros de la soirée. Il partage ce succès avec Nagano, qui nous donne un Mendelssohn d'une étonnante beauté. Car il faut signaler les réussites de Nagano autant que ses prestations décevantes. Souhaitons simplement que ses trois autres interprétations de la Réformation soient du même niveau de pensée et de réalisation. Il y a chez notre maestro un certain côté «germano-mystique» qui sert bien cette musique dont il sait communiquer la grandeur à tout l'orchestre. Nagano parvient même à rendre vraisemblable, dans un tel contexte, le Scherzo (deuxième mouvement) qui paraît si enfantin sous d'autres baguettes.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Emanuel Ax, pianiste. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise mercredi, 20 h, et jeudi, 19 h.

Programme :

Nocturne (2015) (création) - Moussa

Symphonie no 5, en ré mineur, op. 107 (Réformation) (1832) - Mendelssohn

Concerto pour piano et orchestre no 1, en ré mineur, op. 15 (1859) - Brahms