Susie Napper, la fondatrice et âme dirigeante de Montréal Baroque, confirme la rumeur: Matthias Maute, le maître d'oeuvre du Vivaldi qui ouvrait le festival cette année, partagera désormais la direction avec elle.

«Nos fonctions et titres respectifs ne sont pas encore précisés, mais je crois qu'il est bon de changer, après 10 ans», fait-elle remarquer, ajoutant, avec l'humour qu'on lui connaît: «Comme dans les orchestres symphoniques, les musiciens détestent leur chef au bout d'une dizaine d'années!»

La musicienne d'origine britannique de 64 ans ne quitte pas Montréal Baroque, loin de là. «Je vais rester dans les parages. D'ailleurs, je me demande qui, à part moi, irait à la recherche de ballons rouges le matin de la Saint-Jean-Baptiste! J'ai été chanceuse: tout le monde avait acheté les ballons bleus!»

On pourrait ajouter: et qui achèterait 750 tomates, de toutes les grosseurs, pour en décorer la salle ou en préparer de petits hors-d'oeuvre pour les spectateurs? La tomate était l'«emblème» du festival cette année, avec comme thème le Nouveau Monde. Or, selon la légende, la tomate serait originaire des Andes. Une question qui a toujours piqué notre curiosité: comment Susie Napper a-t-elle été amenée à se donner corps et âme au baroque?

«J'ai étudié le violoncelle à Juilliard en 1967-1968 avec Zara Nelsova - qui était toujours en voyage! - et avec Leonard Rose, puis au Conservatoire de Paris avec Paul Tortelier, qui s'est fait virer parce qu'il avait participé à des manifestations d'étudiants», rappelle-t-elle, en précisant que ce ne sont pas ces expériences qui l'ont poussée vers le baroque.

«C'est une viole de gambe que j'avais héritée de mon père. Ou plutôt: l'archet qui allait avec. Mon père, qui venait d'une très pauvre famille polonaise d'origine juive, était avocat et collectionneur d'objets d'art et d'instruments anciens. Il était aussi pianiste et possédait 12 pianos Steinway.

Lors d'un concert à San Francisco, en 1974 ou 1975, où je jouais trois suites pour violoncelle seul de Bach, j'ai pris l'archet de la viole pour les jouer. Tout à coup, tout s'est illuminé. Plus petit et plus rapide, l'archet baroque me donnait une liberté extraordinaire! Je ne joue plus avec cet archet, mais je joue toujours sur la viole de gambe qui me vient de mon père.»

Et quelle musique Susie Napper aime-t-elle, en dehors du baroque? «Oh! beaucoup de musique: Brahms, Schumann, l'opéra italien. À Londres, avec mes parents, j'allais au concert presque tous les soirs. Mais je crois que Chopin est mon compositeur préféré. C'est la liberté que j'aime chez lui, cette liberté qui vient du rubato, de cette «respiration» entre les deux mains.»

On pourrait trouver étrange qu'un musicien baroque préfère Chopin par-dessus tout. Susie Napper précise: «Chopin, c'est comme auditeur. Comme interprète, c'est le baroque. Ça, c'est ma musique et je ne regrette pas avoir quitté le reste. Après tout, j'ai eu la révélation de Bach à 3 ans avec mes parents à la cathédrale de Poitiers. Mais je ne place pas nécessairement Bach au-dessus de tout. J'hésite beaucoup entre Couperin et Bach.»

Y a-t-il des musiques qu'elle déteste? «Il y en a beaucoup: Bruckner, Liszt, Mahler. Wagner aussi, bien que l'orchestration soit extraordinaire. Mais, de toutes les musiques, celle que je déteste le plus, c'est celle des «répétitifs» comme Philip Glass.»