On est venu écouter le Requiem allemand de Brahms, on s'est efforcé de retrouver l'esprit de recueillement qui s'impose, et voici que Kent Nagano, au lieu de donner à l'orchestre le signal attendu, se retourne vers l'auditoire pour blaguer sur les chaises qu'on a oublié d'apporter aux deux solistes.

Les chaises. La soprano avait particulièrement besoin de la sienne car l'unique solo que lui a confié Brahms dure, cette fois-ci, très exactement cinq minutes. Il fait habituellement un peu plus. Cinq minutes, pour 50 mots et 235 notes étalés sur 65 mesures. Des 68 minutes que prend le Requiem de Nagano, on en compte 63 où Madame reste assise à ne rien faire: d'abord à attendre son solo, qui ne vient qu'au bout de 40 minutes, ensuite à attendre pendant 23 autres minutes que le concert soit fini.

Donné sans entracte, le concert débute par un hors-d'oeuvre que Bernd Alois Zimmermann, l'auteur de l'opéra Die Soldaten, composa peu de temps avant son suicide, en 1970. «Scored for a large orchestra», nous informent les notes anglaises à propos de la pièce. En traduction, cela devient «arrangée pour large orchestre». L'OSM est donc un «large orchestre». On ne s'en doutait pas.

Nagano a vu dans cette chose - dont le titre allemand se traduit par Silence et retour - un lien avec le Requiem allemand. Dans ce contexte, même la Marche funèbre de l'Eroica ou celle de Chopin seraient déplacées. Le Requiem allemand se suffit à lui-même et n'a besoin d'aucune espèce d'introduction, surtout pas des bruits grotesques de M. Zimmermann suggérant une porte qui grince ou quelqu'un qui tousse très fort.

Pauvre Brahms! Le voici enfin, tel qu'on l'attendait, mais à 20 h 20 seulement. Nagano avait dirigé le Requiem allemand à Lanaudière en 2009... en 69 minutes au lieu de 68. La différence observée en quatre ans dépasse largement celle d'une petite minute. La direction de Nagano s'est assouplie au cours des ans et cette lecture le confirme une fois de plus. Le Requiem de Brahms n'est pas celui de Verdi: il est plus retenu, plus intérieur. Mais il peut être expressif et, à cet égard, Nagano va plus loin qu'il y a quatre ans.

La nouvelle salle confère une profondeur accrue aux cordes, plus de relief aussi, Nagano ayant placé ses violons de chaque côté du podium. En fait, tout l'orchestre sonne magistralement, de même que le grand choeur mixte, placé au-dessus de la scène. Sans être exceptionnels, les deux solistes sont supérieurs à ceux de Lanaudière. Surtout le baryton, qui a deux interventions.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR OSM (dir. Andrew Megill). Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Sibylla Rubens, soprano, et Markus Werba, baryton. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprises ce soir et samedi soir, 20 h.

Programme:

Stille und Umkehr (1971) - Zimmermann

Ein deutsches Requiem, pour choeur mixte et orchestre, avec solos de soprano et de baryton, op. 45 (1857-1869) - Brahms