Les 15 Quatuors à cordes de Chostakovitch dominent la troisième semaine du Festival de musique de chambre et la lourde tâche de les défendre a été confiée au jeune Quatuor Pacifica. Le groupe américain fondé en 1994 faisait ses débuts à Montréal le 4 mars dernier, au Ladies' Morning Musical Club, organisme à qui l'on doit la seule intégrale Chostakovitch déjà présentée en cette ville: celle du Quatuor Fitzwilliam, de Grande-Bretagne, en 1980.

L'intégrale du Pacifica fait quatre soirs. Comme mardi était soir d'OSM, j'ai entendu le deuxième programme le lendemain.

Le concert de mars au Pacifica avait été décevant. Ce mot ne m'est jamais venu à l'esprit en écoutant les Quatuors nos 5, 6, 7 et 8, au programme mercredi. En même temps, je ne saurais dire que j'ai été impressionné, ému, bouleversé, comme je le suis parfois en écoutant cette musique.

Les Quatuors de Chostakovitch ne sont pas tous d'égale valeur. Les grands quatuors russes, comme le Beethoven, qui les a tous créés (sauf le premier et le dernier) et les a tous enregistrés, ou encore le Borodine, qui les a gravés plusieurs fois, apportent à ces oeuvres une couleur sombre très particulière et inimitable qui les rend toutes également intéressantes. Ces ensembles, nés sous le régime opprimant (c'est-à-dire soviétique) qu'a aussi subi le compositeur, «parlent» cette musique comme leur langue maternelle; chez les autres, on écoute une langue bien apprise où subsiste un accent étranger.

Le Pacifica se donne corps et âme à Chostakovitch, mais sans vraiment convaincre. En fait, je n'ai à peu près rien à dire sur ce que j'ai entendu. Même le huitième Quatuor, le plus joué des 15 et l'une des créations les plus troublantes de Chostakovitch, m'a laissé indifférent, malgré les archets en bataille et l'effort surhumain déployé.

Sur le Pacifica comme tel, j'ai quelques réserves. Les trois hommes sont irréprochables, surtout l'altiste et le violoncelliste. Mais la demoiselle assise au pupitre de premier-violon devrait être reléguée au poste de second-violon. Ses constantes et inutiles mimiques nous seraient ainsi épargnées. Avant tout, il est clair qu'elle n'a pas l'étoffe d'un meneur de jeu. Ce programme comportait de longues séquences au suraigu du violon qui doivent être d'une justesse absolument parfaite... et ne le furent pas. J'ai aussi entendu chez elle des portamentos que Chostakovitch n'a pas écrits et un peu trop de corde de sol.

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QUATUOR À CORDES PACIFICA - Simin Ganatra et Sigurbjorn Bernhardsson (violons), Masumi Per Rostad (alto) et Brandon Vamos (violoncelle). Mercredi soir, St. George's Anglican Church. Dans le cadre du 17e Festival de musique de chambre de Montréal.

Deuxième programme de l'intégrale des 15 Quatuors à cordes de Dmitri Chostakovitch:

Quatuor no 5, en si bémol majeur, op. 92 (1952)

Quatuor no 6, en sol majeur, op. 101 (1956)

Quatuor no 7, en fa dièse mineur, op. 108 (1960)

Quatuor no 8, en do mineur, op. 110 (1960)