Je lis 91,14$ sur mon billet. Billet «de faveur», comme on dit. Je n'ai donc pas payé cette somme. Je ne voudrais surtout pas l'avoir déboursée pour ce que j'ai entendu. Le concert est donné deux fois et l'OSM affiche «complet» les deux soirs. C'est-à-dire que 4000 personnes ont payé - pas toutes 91,14$, bien sûr! - pour être là. Je les plains. C'est l'un des concerts les moins bons de la saison.

«Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur», fait dire Beaumarchais à l'un de ses personnages. Cette fois, il faut blâmer.

Est-ce que l'on commence par James Conlon ou par Alain Lefèvre? L'ordre alphabétique sera aussi l'ordre de «mérite». Je n'ai jamais considéré James Conlon comme un grand chef d'orchestre. L'an dernier, il nous avait donné une bouleversante Cinquième de Chostakovitch. Mais cette musique absolument extraordinaire «fonctionne» pour ainsi dire toute seule. Il faut être le dernier des nuls pour ne pas en tirer quelque chose.

Cette fois, M. Conlon se voit confier la Septième de Dvorak, oeuvre bien inférieure et un peu insignifiante, en comparaison. Le Scherzo (le troisième mouvement) émerge seul de ces 40 minutes. C'est une page absolument délicieuse, mais M. Conlon n'en fait rien. Là comme dans le reste, il ne sait pas faire chanter les thèmes, il se contente d'une direction indifférente, et l'orchestre lui répond sur le même ton. Comme pour impressionner, il chauffe les dernières mesures. Mais il est trop tard.

Le cas d'Alain Lefèvre est tout autre. Alain Lefèvre appartient au paysage montréalais, il fait beaucoup pour amener la grande musique au grand public, qui l'adore... et qui remplit la salle en voyant son nom. Seul musicien à se dévouer autant pour la culture et les belles choses, Alain Lefèvre mérite un traitement un peu spécial.

Son Concerto de Schumann commence sobrement, se poursuit dans un riche phrasé, mais débouche hélas! sur un finale absolument rageur : des cheveux partout, un bras en l'air, ou bien une jambe. J'ai beau faire abstraction du spectacle, le jeu reste tout aussi survolté. Ce n'est plus Schumann, c'est Rachmaninov, avec quelques fausses notes. Ou plutôt, c'est Alain Lefèvre. Il joue Schumann à sa manière, qui n'est pas la mienne, mais que la foule applaudit, dès après le premier mouvement, et acclame debout, à la fin. Que dire de plus?

Conlon et l'OSM le suivent assez bien. Le chef invité ouvre le concert avec un prélude des Meistersinger très énergique mais qui sonne beaucoup trop fort. Est-ce le chef? Est-ce l'acoustique? Est-ce l'endroit où je suis placé? Au fond, la chose a peu d'importance...

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité : James Conlon. Soliste : Alain Lefèvre, pianiste. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise jeudi, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme :

Prélude de Die Meistersinger von Nürnberg (1868) - Wagner

Concerto pour piano et orchestre en la mineur, op. 54 (1845) - Schumann

Symphonie no 7 (ex-no 2), en ré mineur, op. 70, B. 141 (1885) - Dvorak