On comptait au moins quatre concerts hier soir à Montréal pour le Vendredi saint. On donnait même le Requiem de Mozart dans deux églises différentes. J'avais choisi le concert de Miklós Takács et la Société Philharmonique, principalement parce qu'il marquait le bicentenaire Franz Liszt, à Saint-Jean-Baptiste.

L'église de la rue Rachel est l'une des plus vastes de la ville: elle peut recevoir 2 500 personnes assises. Or, elle était absolument comble, depuis la nef jusqu'aux trois galeries. Du monde partout; pas une place libre en vue!

De la galerie arrière (ce qu'on appelle ici «le jubé»), le spectacle était fort impressionnant: 130 choristes remplissant tout le sanctuaire avec l'orchestre de 35 musiciens recruté à l'OSM, à l'OM et ailleurs.

Pour le bicentenaire de la naissance du célèbre compositeur qui est aussi son lointain compatriote, M. Takács avait choisi la Missa Coronationalis, ou Messe hongroise du Couronnement, que Liszt écrivit pour l'accession au trône hongrois de l'empereur François-Joseph, en 1867.

M. Takács avait monté l'oeuvre ici en 1986 et en 1996, les deux fois à Saint-Jean-Baptiste; il l'a aussi dirigée dans l'église même de Budapest où elle fut créée. Sa longue fréquentation de la partition était plus évidente encore hier soir que par le passé. Le choeur est sollicité ici presque sans répit pendant près de 40 minutes. M. Takács l'a animé avec une puissance extraordinaire, avec un relief qui soulignait les audaces harmoniques de cette partition assez moderne pour l'époque, avec, aussi, une énergie étonnante chez un homme de 78 ans.

Le chef montréalais avait apporté la même jeunesse au Requiem de Mozart qui ouvrait le concert et qui, faut-il le rappeler, n'est entièrement de Mozart qu'en faible partie (24 pages sur un total de 174, dans l'édition Eulenburg). Les tempi étaient en général plutôt allants et, en même temps, chargés d'expression. Malgré quelques aigus laborieux chez les soprani, le choeur s'y révéla déjà en bonne forme, dans l'éclat et dans la douceur.

Les quatre solistes - les mêmes dans les deux oeuvres - furent tous à la hauteur. Mmes Charlebois et Kövago ont chanté avec application et M. Boucher, avec cette authentique émotion qu'il met dans tout ce qu'il fait. Seule réserve: le style un peu larmoyant du ténor dans le Liszt. Détail de petite histoire: ce ténor, Franco Tenelli, natif de la Géorgie, participait à l'audition de 1996 sous son nom véritable, Zaza Zaalishvili.

Le violoniste montréalais Eugène Husaruk, autrefois de l'OSM, jouait le solo dans l'Offertorium de la messe de Liszt, tout comme lors des deux auditions précédentes.

La soirée était présidée par Mme Winifred Lafferentz-Arminjon, une Montréalaise descendante de Liszt et de Wagner, et M. Sandor Liszt, dont les ancêtres ont un lien de parenté avec l'illustre compositeur.

ORCHESTRE DE LA SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR DE L'UQAM. Chef d'orchestre: Miklós Takács. Solistes: Élyse Charlebois, soprano, Andrea Kövago, mezzo-soprano, Franco Tenelli, ténor, Marc Boucher, baryton, et Eugène Husaruk, violoniste. Hier soir, église Saint-Jean-Baptiste.

Programme:

Requiem, pour quatre voix solistes, choeur et orchestre, K. 626 (1791) - Mozart

Missa Coronationalis, pour quatre voix solistes, violon-solo, choeur et orchestre, S. 11 (1866-67) - Liszt