Malgré une certaine faiblesse chez l'interprète principale, la production de The Consul qui prenait l'affiche hier soir à l'Opéra de Montréal reste une belle réussite dramatique et musicale dont les jeunes auteurs méritent ici la première mention.

Oriel Tomas, qui en est encore à ses débuts de metteur en scène, et Claude Webster, chef de choeur exceptionnellement chargé de la responsabilité musicale d'un spectacle, se montrent tous deux à la hauteur. Leur réalisation du drame musical de Menotti -- qui fait trois heures, les deux entractes compris - est captivante à suivre, à la fois sur le plateau et dans la fosse.

L'OdM a monté The Consul deux fois déjà : en 1995 et en 1999, chaque fois à la salle Maisonneuve de la PdA et chaque fois avec Joanne Kolomyjec dans le rôle central de Magda Sorel, cette femme qui cherche sans cesse, mais toujours en vain, à parler au consul du pays où elle ira retrouver son mari pourchassé par la police secrète. Aujourd'hui professeur à McGill, Mme Kolomyjec assistait à la première hier soir, au Monument-National.

Bien que Menotti ne le précise pas, l'action se déroule manifestement dans une république du bloc soviétique après la guerre de 1939-45. Les six tableaux alternent entre deux lieux : l'humble logis des Sorel et la salle d'attente du consulat. Le dispositif scénique fusionne les deux. C'est-à-dire que la corde à linge bien garnie et l'évier de cuisine se retrouvent de chaque côté d'une sorte de glissoire munie de petits sièges (place pour six personnes seulement!) au sommet de laquelle domine l'imperturbable secrétaire du consul. D'une certaine façon, le rapprochement de ces éléments hétéroclites renforce le drame.

Curieusement, trois des rôles principaux de cette production de l'Atelier lyrique de l'OdM ont été confiés à des professionnels qui ne font pas partie de l'Atelier. On en conclut que celui-ci ne dispose pas des sujets capables de tenir ces rôles de premier plan. Ces «artistes invités» (comme les appelle le programme) sont Caroline Bleau, Étienne Dupuis et Christianne Bélanger. Bien en voix, Dupuis incarne John Sorel avec sa force habituelle. Caroline Bleau chante d'une voix héroïque mais joue une Magda Sorel un peu vamp et ne fait pas vraiment sentir l'exaspération de la pauvre femme brisée par la machine bureaucratique. Christianne Bélanger chante la berceuse (l'un des rares «airs» de la partition) d'une belle voix de mezzo. Mieux encore : lorsqu'elle est en scène, c'est par son regard, son silence, un simple geste, que passe la tension recherchée ici.

Une autre mezzo, Aidan Ferguson, incarne la secrétaire à petites lunettes, machine à écrire et classeur. La voix est solide et l'interprétation mêle souplesse, voire humour, à la sécheresse habituelle.

Les trois policiers en longs paletots noirs, genre Tosca, sont sinistres à souhait. L'un d'eux brutalise Magda et la mère de John, chose que n'autorise absolument pas la partition. Les petits rôles -- principalement des personnes attendant leur tour au consulat - sont tous bien tenus, à commencer par le Magicien de Aaron Ferguson.

Le délire final de Magda est accompagné d'un ballet surréaliste qui n'est pas sans longueurs. L'orchestration de Menotti a été ramenée à un arrangemenrt pour septuor de François Vallières et Claude Webster dont celui-ci tire le maximum d'atmosphère.

THE CONSUL, drame musical en trois actes (six tableaux), livret et musique de Gian-Carlo Menotti (1950).

Production : Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, en collaboration avec l'École nationale de théâtre. Salle Ludger-Duvernay du Monument-National. Première hier soir. Autres représentations : 7, 9, 10 et 12 mars, à 20 h. Avec surtitres français et anglais.

Distribution (personnages principaux):

Magda Sorel: Caroline Bleau, soprano

John Sorel, son mari: Étienne Dupuis, baryton

La Mère: Christianne Bélanger, mezzo-soprano

La Secrétaire: Aidan Ferguson, mezzo-soprano

L'Agent de la police secrète: Philip Kalmanovitch, baryton

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Mise en scène: Oriol Tomas

Décors: Mylène Chabrol

Costumes: Laurence Mongeau

Chorégraphie: Lucie Vigneault

Éclairages: Francis Hamel

Orchestre de chambre McGill.

Direction musicale: Claude Webster