Autant il faut se réjouir que l'Opéra de Montréal cherche à renouveler son répertoire et se tourne vers des ouvrages peu connus, autant il est difficile de recommander ces trois heures de Simon Boccanegra. L'oeuvre en soi n'est certainement pas sans valeur: elle est donnée assez régulièrement à travers le monde et j'en connais une demi-douzaine d'enregistrements dont un de l'illustre Tito Gobbi qui n'était certainement pas homme à perdre son temps sur des fadaises.

Comment expliquer alors que le spectacle offert par l'OdM engendre un tel ennui? Au départ, le scénario - que j'ai tenté de clarifier dans ma présentation de samedi dernier - est d'une telle complexité que l'on perd finalement tout intérêt pour le sujet et, par le fait même, pour la musique qui y est greffée. Encore si cette musique offrait ce flot mélodique caractéristique de Verdi qui rend irrésistible un Trovatore où le scénario est tout aussi labyrinthique, mais ce n'est pas le cas ici. Quoique bien structurée et bien orchestrée, la partition de Simon Boccanegra n'offre aucune originalité et ne contient que deux grands airs, celui de Fiesco abandonnant son palais (au prologue) et celui d'Amelia attendant son amant (au tout début du premier acte). Certains duos sont proprement interminables.La mise en scène, la direction musicale, le jeu des chanteurs et les voix: tous ces aspects sont traités avec soin dans la présente production. Je ne vois pas ce que les participants pourraient faire de plus avec ce qu'ils ont entre les mains.

Seul nom connu de la distribution (à part les chanteurs d'ici pour les petits rôles), Hiromi Omura confirme les dons révélés en Butterfly il y a deux ans: voix capable de puissance et de souplesse, sincérité dans le personnage assez peu intéressant d'Amelia Grimaldi qui est en réalité Maria Boccanegra, la fille naturelle du doge.

Avec Omura, la meilleure voix du spectacle est celle du jeune ténor italien Roberto de Biasio qui, d'abord ennemi de Boccanegra, lui succède à la fin. D'Italie lui aussi, Alberto Gazale joue et chante Boccanegra avec autorité et, empoisonné, tombe de son trône d'une façon assez spectaculaire. De Turquie, la basse Burak Bilgili prête à Fiesco le timbre sinistre qui convient au personnage et l'Américain Daniel Sutin joue avec vérité le traître Paolo Albiani.

Les décors (beaucoup d'ogives et de draperies rouges) sont fort beaux et les costumes d'époque sont somptueux. Certains éclairages sont trop sombres : on ne distingue pas toujours qui est qui. La mise en scène est traditionnelle mais efficace, bien qu'un peu sage dans les soulèvements de foule. Dans la fosse, Keri-Lynn Wilson accompagne bien et tire quelques beaux effets du Métropolitain.

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«SIMON BOCCANEGRA», opéra en un prologue et trois actes, livret de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito, musique de Giuseppe Verdi (1857, rév. 1881). Production: Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations: 17, 20, 22 et 25 mars, 20 h. Avec surtitres français et anglais. Distribution (rôles principaux): Simon Boccanegra: Alberto Gazale, baryton Maria Boccanegra/Amelia Grimaldi: Hiromi Omura, soprano Jacopo Fiesco: Burak Bilgili, basse Gabriele Adorno: Roberto de Biasio, ténor Paolo Albiani: Daniel Sutin, baryton Pietro: Alexandre Sylvestre, basse

Mise en scène: David Gately Décors: John Coyne (location, San Diego Opera) Costumes: Opéra de Montréal Éclairages: Guy Simard Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain Direction musicale: Keri-Lynn Wilson.