Le monde musical a placé l'année 2010 sous le signe de Frédéric Chopin (1810-1849), qui a eu deux pays (Pologne et France) mais un seul royaume: le piano, dont il reste le maître le plus aimé des spécialistes comme du grand public, 200 ans après sa naissance.

Chopin n'est pas le seul compositeur dont on fête l'anniversaire, mais le sien devrait éclipser celui de l'Allemand Robert Schumann, autre figure de la «génération 1810».

Les institutions et l'industrie musicales n'ont pas attendu la date anniversaire (le 1er mars selon le compositeur et sa famille, le 22 février selon l'acte de baptême) pour lancer des centaines d'initiatives.

Festivals, concerts, événements audiovisuels, expositions et publications de livres et coffrets de disques vont se succéder en l'honneur de ce compositeur subtil, pianiste virtuose et pédagogue recherché.

Frédéric Chopin est né d'une mère polonaise et d'un père français à Zelazowa Wola, au coeur de cette Pologne qui marquera tant sa musique (Polonaises, Mazurkas) volontiers nostalgique.

Il quittera en 1830 Varsovie, occupée par les Russes, pour gagner Vienne puis la France, où il fréquentera le milieu artistique (le compositeur Vincenzo Bellini, le peintre Eugène Delacroix) et composera l'essentiel de son oeuvre, entre Paris et la demeure rurale de sa muse George Sand à Nohant, dans le centre de la France.

Mort le 17 octobre 1849, Chopin repose au cimetière parisien du Père-Lachaise -- sa tombe y est constamment fleurie -- à l'exception de son coeur, conservé en l'église Saint-Croix de Varsovie, comme un signe de sa double appartenance franco-polonaise.

Les deux pays n'ont d'ailleurs pas lésiné sur les moyens pour honorer leur grand musicien, mettant chacun en place un comité destiné à encourager et fédérer les initiatives.

Le commissaire polonais de l'année Chopin 2010, Waldemar Dabrowski, ancien ministre de la Culture, n'a pas caché que les festivités prévues constitueraient «la plus grande campagne de promotion de la Pologne d'aujourd'hui». Encore «plus grande que l'organisation de l'Euro 2012 de football en Pologne, qui ne dure que quelque semaines», a-t-il souligné.

En France aussi, «où l'on aime beaucoup les dates, le bicentenaire d'un compositeur aussi connu suscite de l'intérêt», assure à l'AFP le commissaire des célébrations françaises, Alain Duault.

«Tous ceux qui se sont essayé au piano ont joué -- et parfois massacré ! -- ce compositeur adepte des petites formes, qui sont comme des lettres d'amour et de tristesse écrites au clavier», précise-t-il pour expliquer la popularité de Chopin, qui a composé avec parcimonie (une vingtaine d'heures de musique au total).

Cet art de la miniature explique pourquoi Chopin a débordé le cadre classique pour inspirer la chanson, notamment celle de Serge Gainsbourg, qui a puisé trois de ses titres, dont le fameux Lemon Incest, dans la musique du Franco-Polonais.

Archétype du musicien romantique, à la vie courte et douloureuse -- tuberculeux, il est mort à 39 ans -- et aux amours tumultueuses, Chopin disait ne chercher «qu'à exprimer l'âme et le coeur de l'homme».

«On l'a transformé trop longtemps en compositeur pour jeunes filles en fleur ou chambre de malade, alors qu'il y a dans son oeuvre du sang et de la chair, de manière concentrée, sans mièvrerie ni pathos», estime Alain Duault, qui parle d'une «musique à la fois simple et sophistiquée, qui parle au coeur de tous».

L'organisateur verrait bien le grand homme entrer courant 2010 au Panthéon, ce qui serait selon lui non pas une manoeuvre de récupération française, mais «un grand geste culturel et européen». «L'Elysée n'y est pas hostile», affirme-t-il.