(Philadelphie) L’Orchestre Métropolitain est à peine revenu des États-Unis qu’un autre voyage se profile déjà. « Nous aurons une belle grosse tournée en Europe l’an prochain », confirme Yannick Nézet-Séguin. Tous les lieux ne peuvent être dévoilés encore, sauf la Philharmonie de Paris, où l’ensemble montréalais se produira le 24 juin 2025.

Ce ne serait donc que le début pour l’orchestre qui vient de terminer sa troisième tournée en sept ans ? « Je pense que oui. Pas je pense, ça m’énerve dire ça. Oui, c’est le début ! », nous dit en souriant Yannick Nézet-Séguin, qui nous a reçus dans son bureau du Verizon Hall à Philadelphie juste avant le concert de l’Orchestre Métropolitain (OM) mardi.

Il estime que si les deux premières tournées étaient des tests et que celle-ci en est la continuité, l’Orchestre Métropolitain est plus que prêt à « emmener sa personnalité » sur d’autres scènes dans le monde.

« Cet orchestre a quelque chose à dire », affirme-t-il en expliquant qu’il attendait seulement le bon moment pour que ça se fasse. « Quand je suis arrivé en 2000, il n’y avait presque pas de disques. On a commencé par augmenter ça. Le nom de l’orchestre a commencé à circuler, le mien aussi comme chef individuellement, alors on s’est dit qu’il fallait élargir notre bassin. Parce que chaque artiste ressent cette mission d’aller vers les gens. »

Le chef montréalais explique que cette tournée-ci s’est organisée assez rapidement, en regardant les trous dans son horaire qui est, on le devine, chargé.

Quand l’invitation de Carnegie est arrivée, j’ai demandé : “Est-ce que le 6 mars, c’est correct ?” La réponse était oui, j’ai alors dit OK, on va trouver des dates. Et on a réussi.

Yannick Nézet-Séguin

Yannick Nézet-Séguin fait partie des chefs les plus demandés de la planète classique, en plus d’être directeur artistique de deux des plus grands orchestres au monde, soit celui du Metropolitan Opera à New York et du Philadelphia Orchestra.

Ce qui a changé peut-être ces dernières années, c’est son statut de vedette, qui a explosé. Les Grammy qui s’accumulent, le tapis rouge à la Mostra de Venise pour le film Maestro, de Bradley Cooper, avec lequel il a collaboré… Il sera même aux Oscars dimanche soir !

« Bradley Cooper est venu souvent ici, il s’est même assis sur le même divan que toi ! », dit-il en riant. Mais le comédien américain n’a pas dit un mot la dernière fois qu’il l’a vu dans son bureau : trop ému par la Cinquième de Mahler, il n’a fait que pleurer en le serrant dans ses bras.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Yannick Nézet-Séguin en entrevue

« Fabienne [Voisin, la PDG de l’Orchestre Métropolitain] me dit ça, des fois, que les gens me voient comme jet set, une superstar. Mais j’ai de la difficulté à imaginer ça. Je reste la même personne. » C’est en fait une priorité absolue que son rapport aux musiciens ne change pas.

Rester 25 ans quelque part… ça construit des liens qui sont indestructibles.

Yannick Nézet-Séguin

L’aura des « membres fondateurs » de l’OM, dont le mythe est très présent dans l’orchestre même auprès des plus jeunes, contribue aussi à créer une réelle appartenance. « La mission de l’OM, à la base, était locale. Ça m’a enseigné ça. On s’est développés ensemble dans les valeurs. »

Mais ce qui est clair, c’est que Yannick Nézet-Séguin n’amènerait pas l’orchestre en tournée… s’il ne le savait pas capable de répondre aux attentes. « Absolument. » Il le fait parce qu’il connaît les talents individuels et l’immense capacité d’adaptation du groupe, mais aussi cette vision de l’orchestre pour qui chaque auditeur est important.

« Cette humilité est un ingrédient essentiel de son succès, à ce que les gens ressentent quand ils l’entendent. Ils pourraient dire ça ne m’intéresse plus de jouer dans les parcs, je veux juste aller à Carnegie. Il y a des musiciens comme ça. Pas l’OM. »

D’ailleurs, peu après son retour à Montréal, l’ensemble ira jouer dans des églises et des petites salles de Saint-Laurent, de Saint-Léonard et de Mercier. L’esprit de l’Orchestre Métropolitain n’est pas près de s’éteindre. La beauté est que grâce à son chef, il ne fera que davantage rayonner.

PHOTO MARTY SOHL, FOURNIE PAR MARTY SOHL/THE METROPOLITAN OPERA

La soprano Nadine Sierra dans une scène de Roméo et Juliette, de Gounod, présenté au Met de New York depuis jeudi

Roméo et Juliette au Met

Suivre Yannick Nézet-Séguin pendant seulement quelques jours donne un petit aperçu de la vitesse à laquelle sa vie se déroule. Jeudi, dès le lendemain du concert de Carnegie Hall avec l’Orchestre Métropolitain, c’était en effet la première de Roméo et Juliette, de Gounod, au Met, une œuvre-fleuve de près de trois heures qu’il a dirigée de main de maître devant un public chic et exigeant.

Même si on sait le prestige que représente le poste de directeur artistique de cette institution, voir l’ampleur de la production, les décors imposants, et le nombre de personnes sur scène, donne une petite idée de toutes les attentes qui viennent avec une telle responsabilité. Son approche humaine et chaleureuse de la musique n’en est que plus louable, et la comparaison avec la modestie de l’Orchestre Métropolitain, impressionnante.

Le directeur général adjoint de l’OM, Martin Hudon, ne tarit pas d’éloges envers le talent du chef, qui a évolué avec l’orchestre, et envers ses qualités humaines.

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Martin Hudon, directeur général adjoint de l’Ochestre Métropolitain, à Carnegie Hall à New York

Il va chercher le meilleur, au plus profond. On n’a pas le choix de vouloir se surpasser, que ce soit les musiciens ou l’administration.

Martin Hudon

Son approche face à la diversité et à l’inclusion influence tout le milieu de la musique classique en ce moment, ajoute Martin Hudon, qui rappelle que Yannick Nézet-Séguin aurait pu dire il y a longtemps que Montréal n’était plus assez gros pour lui. Il a pourtant décidé de signer avec l’OM… un contrat à vie, ce qui en dit long sur sa confiance.

« L’OM, c’est comme un band, dit Martin Hudon en évoquant cette tournée exigeante, mais joyeuse. Et cette gang de chums se retrouve à aller dans les meilleures salles parce qu’ils ont ce leader. Il y a de quoi être fier. »