Les nouveaux albums de ces quatre artistes vous aideront à vous rendre au printemps. Faites d'abord leur connaissance.

Geoffroy: l'appel du large

Avec son incroyable demi-million d'écoutes sur Spotify pour sa chanson Sleeping On My Own, on peut dire que le chanteur montréalais Geoffroy a le vent dans les voiles. Celui qui s'était déjà fait remarquer en 2015 avec l'EP Soaked in Gold espère surtout que ce «hype» est à l'image de ce qui attend son premier disque, Coastline.

«J'ai mis beaucoup de temps sur ce disque, nous explique Geoffroy Sauvé. Je me suis assuré qu'il n'y ait pas seulement deux bonnes chansons et des fillers. Je suis en amour avec chacune, et le premier single est une bonne représentation du disque.»

Coastline, un album électro de 11 chansons vraiment abouties, sent le vent du large et l'appel du voyage. «L'amour et la quête de liberté, ce sont deux choses qui s'opposent constamment dans ma vie», dit celui qui s'est nourri de ses nombreux voyages, que ce soit en Thaïlande ou au Mexique, pour écrire ses chansons.

«C'est certain que les voyages ont eu une influence. Pour les histoires, les paroles, la vibe en général. Voyager donne un bagage, et après ça ressort inconsciemment dans la musique.»

Côté rythme également, ajoute-t-il, puisque le musicien est un grand amateur de musique du monde et qu'il en a beaucoup écouté pendant ses périples.

«La moitié de mon Spotify, c'est de la musique du monde. La pop m'intéresse moins et je trouve que la musique traditionnelle est plus complexe. Ça m'intéresserait, par exemple, d'aller faire un grand voyage musical en Afrique.»

Un pont

Geoffroy a donc soigné chaque chanson et, s'il écrit les paroles plutôt en solo, il aime travailler en équipe lorsque vient le temps de composer les musiques. Les deux réalisateurs de l'album, Gabriel Gagnon et Max-Antoine Gendron, ont ajouté leur griffe à plusieurs d'entre elles. «C'est l'fun car ça permet de pousser les idées plus loin, vers des choses qu'on n'aurait pas osé faire.»

Ce qu'il a osé en premier lieu, c'est justement d'aller du côté de l'électro. C'est qu'il en avait assez de jouer tout seul avec sa guitare, et que le genre lui donnait l'occasion d'élargir ses possibilités, précise-t-il. Mais Coastline n'est pas pour autant un album de réalisateurs.

«J'ai voulu faire un pont où on sentirait mon travail d'auteur-compositeur, mais où la musique et la réalisation derrière prendraient beaucoup d'importance. Mixer l'organique et l'électro.»

Ainsi, on peut y retrouver autant des éclats de la clarinette basse de Charles Papasoff que des sons synthétiques. «Juste de l'électro, ça devient redondant et l'émotion passe plus difficilement, analyse Geoffroy. Tandis que l'organique, c'est ce qui fait qu'on va avoir envie d'écouter la chanson plusieurs fois et qu'on va la garder dans sa collection.»

Continuer

Geoffroy ne cache pas son ambition: il est là pour durer et a la patience qu'il faut pour y arriver. «J'ai déjà des idées pour un autre disque, même si c'est pour dans super longtemps. Je suis conscient que ce n'est pas avec juste un album que tu as une carrière. Et je sais que je n'atteindrai pas tous mes buts avec le premier. Mais je ne suis pas pressé.»

Il espère donc faire les festivals québécois et canadiens l'été prochain, et souhaite «développer d'autres territoires» l'an prochain. Tout en planifiant, bien sûr, d'autres voyages.

«Quand j'ai fait Coastline, je m'imaginais tout le temps sur la côte Pacifique. C'est dans cet esprit-là que je l'ai fait, mais je ne sais pas ce qu'il inspirera aux autres. Et je ne me pose pas trop de questions là-dessus: ils trouveront!»

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Geoffroy a soigné chaque chanson et, s'il écrit les paroles plutôt en solo, il aime travailler en équipe lorsque vient le temps de composer les musiques.

BEYRIES: Éloge de la sincérité

Elle compose et écrit des pièces sculptées dans l'émotion brute, mais ne se considère ni comme une musicienne ni comme une poète. «Je n'ai pas de formation jazz ou classique, explique la chanteuse folk BEYRIES. Je n'écris pas de textes dans la vie. Je ne peux pas lire la musique; c'est à peine si je reconnais les accords. Tout passe par la sincérité. C'est la seule chose pour moi qui est tangible.»

Et c'est sans doute cette sincérité qui a rendu tant d'yeux humides quand sa reprise de Je pars à l'autre bout du monde a bercé la finale d'un épisode d'Unité 9, en novembre.

Le premier album d'Amélie Beyries, précédé d'une rumeur enviable grâce à un EP et à une tournée pancanadienne de concerts intimes, offre un condensé de l'âme humaine. Et à 37 ans, la sienne porte la force tranquille des survivantes.

En 2008, un cancer du sein vorace puis une récidive deux ans plus tard l'ont débauchée de son quotidien haut en couleur pour la ramener aux touches noir et blanc du piano familial, qu'elle tapotait de ses doigts menus dès l'âge de 3 ans.

En retrait dans une maison de campagne de Lanaudière, elle a su exhumer les premières compositions de son mal-être. Parmi celles-ci: Soldier, enregistrée avec son ami bassiste Guillaume Chartrain. Sept ans plus tard, la pièce deviendra l'une des cartes de visite de Landing, qui paraît ces jours-ci chez Bonsound.

Taire son nom

En 11 chansons largement autobiographiques, l'auteure-compositrice-interprète articule - en anglais - sa définition de la résilience. Mais tout n'est pas maladie. «Sur The Pursuit of Happiness, par exemple, les gens pensent que c'est moi qui dis "I'm a warrior", mais c'est un documentaire qui m'a inspirée. Ça raconte l'histoire d'un gars des Navy SEALs qui veut devenir une femme.»

Tout n'est pas maladie, mais la maladie est partout. Dans le retour d'Amélie à la musique après mille métiers, dans sa voix habitée ou encore dans son recul face au succès qui l'attend de pied ferme.

Avant même de tester son matériel auprès des producteurs et des critiques, l'artiste a dû apprendre à se faire confiance. Et à faire confiance à son entourage, qui ne tarissait pas d'éloges sur sa proposition. «Je me faisais dire: "Tu devrais, tu devrais, tu devrais." Mais c'est sûr qu'une amie qui s'est tapé la mort de sa mère, deux cancers et une dépression va se faire dire: "C'est bon, lâche pas."»

«Il aurait pu y avoir de l'empathie déplacée, et je ne voulais pas qu'on me prenne en pitié.»

BEYRIES a pu apaiser ses craintes, puisque sa première maquette est venue aux oreilles de ses proches et collègues sans que son nom y apparaisse. Elle a tôt fait de charmer des piliers de l'industrie, dont le musicien, compositeur et réalisateur Alex McMahon, un ami. C'est lui qui a pris en charge la réalisation du EP et de l'album Landing, auquel un autre ami, Guillaume Chartrain (basse, mixage), et Joseph Marchand (guitare, arrangements) se sont greffés.

Rassurée, forte, rêveuse, la chanteuse chérit sa chance. «Tous les deux ou trois jours, on reçoit une nouvelle extraordinaire. Je me sens très, très privilégiée.» 

La dernière en date ? Une invitation du label indépendant Erased Tapes pour défendre ses chansons dans une église de Londres - «les Beatles y ont joué!» - lors du Piano Day, à la fin du mois de mars.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

En 11 chansons largement autobiographiques, Amélie Beyries articule - en anglais - sa définition de la résilience.

Maritza: artiste assumée

Si le nom de Maritza vous dit quelque chose, c'est peut-être que vous avez regardé Star Académie... en 2003! Vrai, on avait un peu revu la jeune femme depuis, avec un EP lancé en 2012 et une participation au projet Lisbonne Télégramme. Mais Maritza Bossé-Pelchat a fait un long chemin avant la sortie cet hiver du disque Libérons-nous, tellement que cet opus empreint de maturité et de musicalité représente pour elle un nouveau début.

«J'ai vraiment décidé de faire de la musique de façon plus engagée avec cet album. Je sais, ça fait 14 ans depuis Star Académie, il était temps! Mais en même temps, il fallait que je vive des choses, que je me découvre », dit l'auteure-compositrice-interprète de 37 ans, qui affirme avoir fait pendant cette période son « école de la musique». «J'ai vu des spectacles, j'ai fréquenté des amis musiciens et j'ai suivi leur carrière, observé leur réflexion et leur démarche artistique. Ça m'a beaucoup enrichie.»

Elle a aussi écouté beaucoup de musique avant de faire ce disque : Patrick Watson, les derniers albums de Norah Jones, Feist, Lhassa, ce sont tous des artistes qui l'inspirent. « Mais ils ne font pas nécessairement la musique que je fais. Il y a la musique qu'on fait et celle qu'on aimerait faire ! », dit celle qui s'est découvert un don pour la composition tard dans sa vie.

Aujourd'hui, Maritza signe autant les musiques que les paroles de ses chansons groovy et sensibles, qui flirtent avec la soul. « C'est toujours la musique qui me vient en premier. Les paroles viennent ensuite et c'est ce qui est le plus difficile pour moi. »

«J'aime les textes simples et les mots qui sonnent, mais on peut vite tomber dans le quétaine et le superficiel. J'essaie de trouver un fil qui me permet de laisser toute la place à la musique. C'est quand même très musical comme projet, je n'ai pas l'impression que je rentre dans le moule chanson.»

Elle a même ajouté à ses morceaux une légère touche de rock, et s'est entourée pour ce disque de collaborateurs de talent, dont le guitariste André Papanicolaou, le bassiste Philippe Brault et le batteur et réalisateur José Major, qui donne à ses chansons un enrobage très léché et aux saveurs électroniques.

Mélancolie

Libérons-nous, dit Maritza, est un disque «plus lumineux et moins tourné vers le je», contrairement à son EP qui était plus introspectif. «Il reste des questions existentielles et des tourments, mais j'avais envie d'inclure des gens. Que ça groove aussi, qu'il y ait du mouvement. Il y avait vraiment une volonté que ce soit positif.»

On lui rappelle en souriant que ses chansons dégagent tout de même un certain spleen. «Oui, ça fait partie de moi... Mais Libérons-nous, ça signifie être capable de vivre le moment présent et laisser derrière des choses qui nous empêchent de grandir, pour être libre. Il y a donc un spleen qui vient avec ça. Mais bon, j'assume ma mélancolie!»

Maritza espère que Libérons-nous saura «faire du bien» à ceux qui l'écouteront. «C'est le pouvoir de la musique, être significatif dans une journée, dans un moment d'une vie d'une personne.» De son côté, portée par le succès radio de la chanson Le diable à mes trousses, elle espère pouvoir présenter son matériel en spectacle.

«J'espère que les diffuseurs québécois seront ouverts», dit celle qui n'a plus l'intention de disparaître du paysage musical. «Je le sens vraiment, c'est sérieux. Avant, c'était difficile de m'assumer comme artiste, pour toutes sortes de raisons. Mais c'est derrière moi, je suis heureuse et je me sens même privilégiée de pouvoir faire de la musique.»

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Maritza signe autant les musiques que les paroles de ses chansons groovy et sensibles, qui flirtent avec la soul.

Leif Vollebekk: voyager léger

Avec Twin Solitude, Leif Vollebekk propose un troisième carnet de voyage, où il esquisse le bitume et les déchirures d'une Amérique du Nord qu'il a parcourue de long en large au gré d'innombrables premières parties.

Ce qui a changé depuis sa première offrande, en 2010? Une maison de disques, Secret City Records, qui l'accompagne dans son aventure et la finance. Pour la première fois, l'auteur-compositeur-interprète de 30 ans a pu ranger sa calculatrice et la paperasse administrative pour se consacrer pleinement à son art. «Pour les autres albums, je n'avais pas de label et je devais sans cesse penser au budget», raconte l'émule d'un jeune Bob Dylan.

Ce qui a changé, surtout? Un brûlant désir de ne pas répéter l'expérience de 2013, quand le chanteur folk avait bivouaqué dans quatre studios avant de plier bagage, en quête du son (trop?) parfait de North Americana.

Cette fois, l'enregistrement s'est déroulé quasi exclusivement aux Breakglass Studios, rue Clark à Montréal.

«Avant, j'étais dans un rush. On faisait une take live et si je n'aimais pas ça, je déplaçais les micros, je changeais de studio. Cette fois, je me suis dit que le lieu devait être la couleur.»

La première journée a servi uniquement à tester les instruments et les ambiances, pour s'approcher du contexte dans lequel les pièces sont venues au monde. La poignante Telluride, par exemple, a surgi à son réveil et a été bouclée en une dizaine de minutes seulement, construite à partir de deux accords de guitare. La rêveuse Michigan, elle, a trouvé sa couleur aux petites heures, sur des cordes désaccordées.

Coeur qui bat

C'est cette urgence «jouissivement» brouillonne et ce talent de bidouilleur qui imprègnent Twin Solitude et lui confèrent son charme graveleux.

Une équipe de musiciens experts s'est chargée d'habiller ses compositions, dominées tour à tour par le piano et la guitare. La grosse caisse du batteur Olivier Fairfield n'est pas sans rappeler son apport à Timber Timbre, Sarah Pagé (Barr Brothers) caresse sa harpe avec frugalité et le bassiste Shahzad Ismaily, comme un métronome, fait battre le coeur des chansons.

«Pour la première, je sentais un backbeat vraiment clair qui persistait tout au long de l'album, comme un pouls», dit fièrement Leif, en martelant la table du café avec son poing. Enfin, le duo new-yorkais Chargaux prête ses cordes aux compositions.

Après avoir précédé Patrick Watson, Karkwa, Coeur de pirate et Daniel Lanois sur scène, il semble évident que Leif Vollebekk verra de plus en plus son nom trôner au sommet des affiches, au Québec, aux États-Unis comme en Europe. S'il a par moments perdu le plaisir de défendre les pièces de ses deux albums précédents, le chanteur mise aujourd'hui sur la spontanéité et la sobriété.

«Avant [sur scène], je voulais ajuster l'émotion qui se trouvait déjà dans les paroles. C'était beaucoup d'énergie, et ce n'était pas un bon focus. Cohen, c'est un bon exemple: moins il met d'émotion dans sa voix, meilleur c'est... Il y en a déjà tellement dans ses textes.»

Eurêka! Ou plutôt, Hallelujah...

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Avec Twin Solitude, Leif Vollebekk propose un troisième carnet de voyage, où il esquisse le bitume et les déchirures d'une Amérique du Nord qu'il a parcourue de long en large au gré d'innombrables premières parties.