Trois DJ/musiciens français autour desquels gravitent des rappeurs américains ou anglais, une chanteuse argentine, des musiciens européens, africains, brésiliens ou indiens, tel est l'ADN métissé du label et collectif hip-hop Chinese Man, qui vient de sortir un nouvel album aux sonorités mixtes.

D'abord un label

Fondé en 2004 par trois DJ et musiciens français (Zé Mateo, High Ku et Sly), Chinese Man Records est d'abord un label, qui a produit une dizaine de mini-albums et autres EP d'artistes de la scène hip-hop. Parallèlement à ça, le collectif marseillais s'est mis à faire sa propre musique. «Avec nos Groove Sessions [trois albums depuis 2007], on a commencé à mêler nos compositions instrumentales avec celles d'artistes qu'on produisait comme Deluxe ou la chanteuse argentine La Yegros», nous dit le cofondateur du groupe Zé Mateo.

Chinese Man, le groupe

Racing with the Sun, sorti en 2011, est le premier véritable album du collectif français aux origines méditerranéennes. «Pour la première fois, on a composé l'essentiel de la musique, on a fait les arrangements, les basses et la batterie, les échantillonnages, les voix, explique encore Zé Mateo, au cours d'un entretien téléphonique. Ces musiques, précise-t-il, on les propose à des artistes qui chantent là-dessus. On a travaillé avec plusieurs chanteurs et musiciens. Taiwan MC, Plex Rock, Iwank, Scratch Bandit Crew, Shaggy Dog, etc.»

Shikantaza

Lancé hier à Marseille, Shikantaza (qui se traduit du japonais par «seulement s'asseoir», en référence à une posture de méditation bouddhiste) compte 16 titres auxquels a collaboré une nouvelle grappe d'artistes comme Kendra Morris et Dillon Cooper, A.F.R.O., Mariama, R.A. The Rugged Man ou Vinnie Dewayne. «On a six titres avec des voix, mais on a plusieurs compositions instrumentales, donc c'est un peu un retour aux sources pour nous.» Funk, dub, rap, reggae, avec des références au tango et à la musique brésilienne, incluant une courte introduction d'Alejandro Jodorowski (sur la pièce Maläd), la musique de Chinese Man est multiple. «On a tous les trois des sensibilités différentes, donc ça fait des styles différents, colorés de plein de choses», justifie Zé Mateo.

Les tournées

Comment s'organisent les tournées de Chinese Man avec autant de collaborateurs provenant d'autant de pays? «D'abord High Ku, Sly et moi, on est toujours sur scène, précise Zé Mateo. Ensuite, on privilégie les artistes avec lesquels on sait qu'on va pouvoir tourner. Pour chacune de nos tournées, on essaie de regrouper des artistes qui pourront faire plusieurs interventions. Du coup, toutes nos tournées sont différentes. À Montréal, l'an dernier [au Festival de jazz], nous étions accompagnés de deux artistes [Taiwan MC et Youth Star] qui ont travaillé de près avec nous au fil des ans.»

Le son de Chinese Man

Malgré ces sonorités très diverses, on reconnaît toujours la signature du collectif. «C'est ce qui nous suit depuis le début, reconnaît Zé Mateo. On a un processus de création, qui est propre au hip-hop, où on fait des échantillonnages, où on découpe, on fait des boucles et on trouve des grooves. Mais après, il y a tout un travail à faire. Avec les basses et la batterie, les arrangements, les claviers, les voix et les effets sonores, on va essayer de trouver une couleur. Mais le lien entre tous ces éléments, pour nous, c'est la basse.»

Travailler avec des musiciens

«On aime bien travailler avec d'autres musiciens pour approfondir nos idées. Ça ne nous fait pas peur, même si ça nous confronte à nos limites, nous dit Zé Mateo. Pour notre premier album, on a été en Indonésie. Pour celui-ci, on est partis en Inde travailler avec des artistes de musique traditionnelle là-bas. On a enregistré une chanson avec un joueur de belabahar [une sorte de violon], qui nous a fait pleurer lorsqu'on l'a entendu la première fois. On travaille aussi avec des beatmakers [Leo le bug, Le Yan] et des artistes graphiques comme Fred & Annabelle. C'est vraiment un collectif.»

L'esprit zen

«On nous a souvent questionnés sur notre engagement et notre objectif dans la musique. Dans notre manière de vivre nos projets, indique Zé Mateo. La vérité, c'est qu'on ne veut pas vivre dans une urgence permanente et une impatience de sortir quelque chose. La preuve, c'est que c'est notre "vrai" deuxième album en 12 ans. On préfère prendre le temps de développer les choses, faire une recherche musicale, trouver une variété de sons. On se permet de vivre des choses qui nous plaisent et qui correspondent à nous. C'est notre manière de propager l'esprit zen.»

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Shikantaza. Chinese Man. Chinese Man Records.

IMAGE FOURNIE PAR CHINESE MAN RECORDS

Shikantaza, de Chinese Man