En 2015, Ringo Starr a enfin été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame par son ami Beatle Paul McCartney. Le célèbre batteur, qui s'amène à Montréal avec son All-Starr Band ce soir, serait-il enfin reconnu à sa juste valeur? On en discute avec lui.

Ringo Starr ne nous a pas beaucoup gâtés par sa présence à Montréal. Ce soir, au Théâtre Saint-Denis, il en sera à son deuxième spectacle montréalais à vie, exception faite des deux très brefs concerts qu'ont donnés les Beatles au vieux Forum le 8 septembre 1964.

Après la séparation de John, Paul, George et Ringo, le célèbre batteur a enregistré des disques, obtenant même une demi-douzaine de succès sur les palmarès au début des années 70. Il a aussi joué dans des films et accompagné des amis musiciens. Mais il a fallu attendre 1989 avant qu'il ne se décide à faire une tournée bien à lui avec son All-Starr Band.

Sobre depuis peu, Ringo avait alors accepté cette proposition du commanditaire Pepsi. Mais il souffrait trop d'insécurité pour partir sans s'entourer d'amis musiciens vedettes à part entière. L'All-Starr Band était né, dont nous verrons la énième formation 26 ans plus tard, mercredi.

«Je manquais tellement de confiance [en 1989] quand on m'a offert de monter ce groupe, je n'avais jamais fait ça, nous a dit récemment Ringo dans une brève interview téléphonique. Alors j'ai appelé des gens comme Joe Walsh, Levon [Helm], Billy Preston, Dr. John et tout le monde a dit oui. J'étais tellement inquiet qu'il y avait trois batteurs sur scène: moi au centre, Jim Keltner, mon héros batteur, à ma gauche, et Levon Helm, mon héros tout court, à ma droite. Ça a tellement bien fonctionné que j'ai continué. La règle, en fait, c'est qu'ils doivent évidemment être capables de bien jouer, mais qu'ils aient aussi eu des chansons à succès.»

«Aujourd'hui, je ne manque plus de confiance et j'ai un groupe vraiment incroyable avec Todd Rundgren, Steve Lukather, Richard Page, une grande voix, et Greg Rolie qui vole la vedette chaque soir.»

Ringo, lui, joue aussi bien à l'entertainer, micro en main à l'avant de la scène, qu'au batteur qui accompagne Lukather, Page et Rolie dans les chansons de Toto, Mr. Mister et Santana et qui, à l'occasion, joue également quand il chante un air des Beatles ou de son répertoire solo.

Mine de rien, l'ami Ringo vient de fêter ses 75 ans en juillet. Mais il s'amuse tellement avec son All-Starr Band qu'il ne parle pas encore de remiser sa batterie. Même qu'il n'écarte pas la possibilité que ça dure encore plusieurs années.

«Je le crois, oui, mais je pense que dans 10 ans, on va être un band de blues. On va jouer très lentement...», ajoute-t-il en pouffant de rire.

Un batteur sous-estimé

Ringo n'a pas toujours été reconnu à sa juste valeur. Éclipsé par Paul et John ainsi que par George, qui s'est mis à écrire plus de chansons marquantes au fil des années 60, Ringo était perçu comme le Roger Bontemps du groupe qui, même s'il chantait déjà dans son groupe précédent, Rory Storm and the Hurricanes, poussait tout au plus une chanson par album des Beatles, souvent écrite par ses amis, avant de s'en composer quelques-unes lui-même: Don't Pass Me By, Octopus's Garden...

Ringo-le-musicien, lui, a été carrément sous-estimé, surtout quand sont arrivés des batteurs trempés dans le jazz comme Ginger Baker et Mitch Mitchell dont la technique était impressionnante. Ringo, lui, détestait les solos de batterie et, s'il lui arrivait d'être au premier plan dans une chanson comme Rain ou dans la suite d'Abbey Road, il s'en excusait presque.

Il aura fallu que, sous la pression de Paul McCartney, Bruce Springsteen et Dave Grohl, Ringo soit intronisé au Rock and Roll Hall of Fame le 18 avril dernier, pour que neuf batteurs fort différents, dont Dave Grohl, Stewart Copeland, Max Weinberg, Chad Smith et Tré Cool, rendent un vibrant hommage sur vidéo au Beatle gaucher qui jouait sur une batterie de droitier.

«Toute cette soirée a été formidable, de nous dire Ringo. Paul m'avait appelé pour me demander si j'acceptais d'entrer au Rock and Roll Hall of Fame. J'ai dit oui et il m'a annoncé qu'il ferait le discours de présentation. Mais je ne savais pas du tout que tous ces batteurs allaient parler de moi. Et, en plus, ils ont tous dit des choses gentilles sur mon compte, donc c'était bien.»

Ringo s'esclaffe puis, plus sérieusement, il ajoute: «Je pense que c'est surtout attribuable au fait que les albums des Beatles ont été remastérisés et qu'on peut vraiment entendre la batterie maintenant. Parce qu'on l'entend clairement, les gens se disent: «Oh my God! Mais il sait jouer.» »

Chérir le passé

Ringo ne se prive pas de revisiter son glorieux passé, comme il l'a fait dans deux chansons de son récent album, Postcards From Paradise: Rory and the Hurricanes et, surtout, la chanson-titre dont le texte est un collage de citations d'une vingtaine de chansons des Beatles.

Ce passé qu'il chérit est très en évidence dans Photograph, le beau livre de photos que Ringo vient de publier et dans lequel on trouve des photos de l'enfance de Richard Starkey ainsi que quantité de clichés inédits des Beatles, enrichis de commentaires souvent très amusants de son auteur.

Tous les profits de la vente de Photograph sont versés à la Lotus Foundation, mise sur pied par Ringo et sa femme Barbara Bach pour venir en aide à des organismes sociaux ou caritatifs.

«Ce sont des photos que moi seul aurais pu prendre», comme le dit Ringo. Et certaines d'entre elles sont présentement exposées à la National Portrait Gallery de Londres, ce dont Ringo n'est pas peu fier.

«Comme plusieurs choses dans ma vie, c'est arrivé accidentellement, dit-il. Je récupérais du matériel que j'avais entreposé quand j'ai ouvert une boîte qui dormait là depuis au moins 30 ans. J'y ai trouvé toutes ces photos et ces négatifs et j'ai eu l'idée d'en faire un livre, comme je l'avais fait il y a quelques années pour Postcards From the Boys - avec les cartes postales des Beatles. Au début du livre, il y a six photos de moi, de ma naissance jusqu'à l'âge de 18 ans. Peu de gens autour de moi avaient des caméras à cette époque et je me demande si ça ne m'a pas poussé à prendre beaucoup de photos par la suite. Mais, vous savez, tous les Beatles avaient des caméras et j'ai l'intention de mettre toutes nos photos en commun pour en faire un autre livre.»

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Au Théâtre Saint-Denis ce soir.