Un âge d'or s'annonce-t-il pour le rap québécois? Si c'est le cas, Loud Lary Ajust, nouveau protégé du label Audiogram, semble tout désigné pour en devenir l'un des ambassadeurs. Avec son nouvel album, Blue Volvo, le trio montréalais annonce qu'il n'est pas prêt à tourner la page sur ses folies de jeunesse.

En entrevue, on pourrait s'attendre à ce que Loud, Lary et Ajust fassent la grosse tête, en tant que nouvelles têtes d'affiche de la réputée maison de disques. Le trio, qui conserve son côté bum, préfère faire abstraction de ce tournant crucial. «On aurait fait l'album de la même manière, avec ou sans Audiogram, admet Loud. Je peux comprendre si certains croient qu'on est moins insolents, plus accrocheurs, mais c'est parce qu'on a vieilli.»

Cure de nostalgie

«Beaucoup de choses changent entre l'âge de 22 et de 26 ans, admet Lary. C'est peut-être la maturité, mais on a commencé à s'exprimer en relation avec le passé alors qu'avant, on en parlait dans l'action.»

Suivant cet élan de nostalgie, le titre de ce nouvel album rend hommage à une berline bleue qui a marqué l'adolescence - et les délires - des trois complices.

«Il y a beaucoup de trucs qu'on a vécus dans la Volvo qui ne se racontent pas. Ce ne sont pas des histoires qui nous feraient nécessairement briller», confie Loud.

Tout en gardant le cap sur l'esthétique rap, ce nouvel opus multiplie les collaborations hétéroclites, passant de Karim Ouellet - qui donnait dans le hip-hop avant sa carrière de chanteur pop - aux arrangements électro du réalisateur montréalais Kaytranada.

«C'était naturel de travailler avec Kaytranada, admet Lary. C'est un des artistes qu'on a vus monter vers le sommet. Il y a deux ans, c'est nous qui le payions 25$ pour qu'il vienne faire un set avant qu'on monte sur scène.»

En plus d'être moins arrogantes, les paroles de ce nouvel album sont résolument moins crues que celles de leur album précédent, Gullywood. Ici, toutefois, les rappeurs dressent un sombre portrait de la scène hip-hop: Au Québec, il y a juste des di** de même/Toujours là à entendre les mêmes p'tits pits se plaindre. «Ça se veut plus un sarcasme qu'une attaque», précise Loud, qui ne cache toutefois pas son dédain pour le rap québécois fait «de manière trop plaintive», créé de manière déconnectée de l'évolution de la société.

Se tenir au courant

Le groupe fait ce qu'il peut pour rester à l'affût. «On lit le journal tous les matins. C'est très important. Quand tu fais du rap, tu dois être à l'affût de tout ce qui est nouveau. On est dans le business des références.»

Les dernières années ont été très profitables pour la scène rap au Québec. Pour le trio, toutefois, ce récent buzz a tout d'un feu de paille. «C'est un buzz montréalais autour d'un certain genre de rap qu'il y a depuis deux ou trois ans avec Alaclair, Dead Obies et nous. C'est très médiatisé, oui, mais les gens ne remplissent pas les salles. La scène rap demeure un microcosme, au Québec. Pour la plupart des gens, ça ne veut rien dire.

«Aussi longtemps qu'on va continuer à avoir des propos comme on en a dans nos chansons, je ne pense pas qu'on va devenir grand public», soutient Loud.

Cet album arrive quelques mois après les nombreux débats entourant la créolisation de la langue française dans le milieu du rap. Bien que ces discussions aient offert une belle vitrine au hip-hop, le trio préfère rester loin de ces controverses, qu'il qualifie de «faux débat».

Pour la suite, il espère ne pas devenir «has been» trop rapidement. «On sait qu'une carrière dans le rap, tu peux en sortir aussi vite que tu y es entré.»

________________________________________________________________________________

RAP. Loud Lary Ajust. Blue Volvo. Audiogram.