«On ne peut garder sans cesse sa jeunesse», chantait déjà Charles Aznavour en 1956 dans Sa jeunesse, succès qu'il a d'ailleurs écrit à Montréal. À 90 printemps, le mythique chanteur fait toujours preuve d'une grande lucidité sur la vie, mais aussi sur sa carrière. Conscient que le temps a peu à peu fait son oeuvre sur son ouïe et sa voix, c'est son amour des mots qui le pousse à se produire encore sur scène, de Los Angeles à New York, en passant par Montréal ce soir, sur la scène du théâtre du Centre Bell.

«Je ne cache pas ma surdité, ce serait une absurdité!», lance d'emblée Charles Aznavour tout en installant sa prothèse auditive lors de son arrivée à la conférence de presse animée hier matin par Monique Giroux à l'hôtel Le Reine Elizabeth. D'humeur taquine, le chanteur est arrivé portant une chemise fleurie sous une veste de complet gris clair, son éternel foulard bleu azur autour du cou.

«Quand je me réveille le matin et que je vois que je suis en vie, je pars du bon pied!», dit-il quand on le questionne sur ce qui l'incite à remonter sur scène. «Je ne trouve pas qu'il est plus difficile de faire des spectacles aujourd'hui. D'autant plus que j'ai habitué le public à mes défauts. Je ne viens pas pour montrer que j'ai une voix, mais que j'ai des textes. Je pourrais oublier la musique, les textes seront toujours là. C'est l'écriture d'abord. Sans elle, je n'existe pas», ajoute-t-il.

Assumer son âge

Si Aznavour n'a jamais eu peur de vieillir, il reproche à certains artistes de ne pas assumer les années qui passent.

«C'est une erreur, car c'est le meilleur moyen de montrer qu'on a vieilli. Il vaut mieux changer son interprétation et chanter des textes qui vont beaucoup plus loin... Ayez l'âge que vous avez! Je n'avais plus de cheveux ici [il montre le dessus de son crâne]; je suis arrivé un jour sur scène, et j'avais fait planter sur cette bonne terre à moi, dit-il en référence à sa greffe de cheveux. Je me suis dit que je ne pouvais pas faire comme si je ne le savais pas, alors j'ai raconté pendant deux ans au public comment ça s'était passé en les faisant rire!», s'amuse Aznavour.

Même s'il est en pleine tournée mondiale pour souligner ses 90 ans et qu'il sort aussi un coffret pour l'occasion, le chanteur avoue avoir du mal à se réjouir à l'idée de célébrer son anniversaire.

«Ce n'est pas une date merveilleuse, mais plutôt une date qui vous pousse vers un trou dans lequel vous ne voulez pas avancer! Il n'y en a pas un que je n'ai pas passé dans un pays différent. Le 22 mai dernier, je chantais à Berlin», se rappelle le chanteur, qui a également évoqué, lors de la conférence de presse, la question de la reconnaissance du génocide arménien, dont le centenaire sera souligné le 24 avril 2015. «On ne peut pas continuer à nier ce que le monde entier connaît», a-t-il déclaré.

Ce soir, au théâtre du Centre Bell, Charles Aznavour promet à son public de chanter ses grands classiques, mais il se fait un devoir d'interpréter ses plus récentes compositions.

«Il ne faut pas laisser faire le public. Il faut lui faire comprendre qu'à un certain moment, il doit être violé par de nouvelles chansons. Sinon, l'artiste devient stagnant et passe toute sa vie avec ses anciennes chansons. En plus, j'en ai beaucoup, alors on serait là pour huit jours!», conclut-il en riant.