Le 21 septembre, Leonard Cohen célébrera son 80e anniversaire de naissance. Le surlendemain, il lancera son 13e album studio, Popular Problems. Premières impressions de ce disque qui fait encore la preuve de la créativité du grand artiste et visite guidée de sa maison montréalaise en compagnie de son fils Adam Cohen.

Leonard Cohen avait dit, lors du lancement de son album Old Ideas en janvier 2012, qu'il travaillait déjà à de nouvelles chansons qui pourraient sortir d'ici un an. Il a finalement décidé de repartir en tournée et il aura fallu attendre deux ans et demi avant d'entendre ce Popular Problems dont le titre est tout aussi révélateur de l'humour du poète montréalais devenu star de la chanson.

Popular Problems propose neuf chansons inédites, dont certaines ont déjà été jouées sur scène et une autre, publiée sous forme de poème; neuf témoignages parfois très différents de la vitalité et de la créativité de l'artiste qui célébrera son 80e anniversaire le 21 septembre, avant-veille de la sortie de ce nouvel album en Amérique du Nord.

Ne vous laissez pas tromper par la canne que tient le monsieur impeccablement vêtu et coiffé de son inséparable chapeau sur la pochette de Popular Problems: Leonard Cohen garde la forme.

Cohen n'a jamais été aussi populaire que depuis son retour sur scène en 2008 provoqué par son ex-agente qui avait dilapidé ses économies. En deux tournées et 470 concerts, il s'est produit devant plus de quatre millions de spectateurs dans 31 pays de par le monde.

Partout, ses concerts-marathons de trois heures ont suscité un enthousiasme que Cohen n'avait jamais goûté auparavant. Et pour cause: ses chansons de toutes les époques n'ont jamais été aussi bien servies sur scène que par la bande d'excellents musiciens qui l'ont accompagné au fil de ces deux tournées.

L'album Old Ideas a prouvé hors de tout doute que Leonard Cohen était toujours capable d'écrire des chansons à classer parmi ses immortelles. Pourtant, l'accouchement de Popular Problems fut plus problématique que prévu.

Au départ, Cohen voulait enregistrer son nouveau disque avec son groupe de tournée bien soudé et enrichi depuis 2012 par la présence du Moldave Alexandru Bublitchi, dont le violon a ajouté un supplément d'âme et de chaleur à sa musique sur scène. Mais tout ce beau monde s'étant dispersé après la tournée Old Ideas, ne reste plus que Bublitchi sur le nouvel album.

En fait, outre l'apport essentiel des choristes, la musique de Popular Problems est presque toute jouée par Patrick Leonard, le réalisateur qui a fait ses armes avec Madonna et Bryan Ferry dans les années 80 et qu'Adam Cohen a présenté à son père avant l'enregistrement d'Old Ideas.

«J'ai échangé des idées avec Patrick Leonard et il n'y a pas eu de conflit d'ego. Patrick est un musicien majeur», nous avait dit Leonard Cohen à Los Angeles en décembre 2011. Son fils Adam lui a donc suggéré de retravailler avec l'autre Leonard, Patrick de son prénom, sur Popular Problems. Pour la première fois, Adam a même prodigué quelques conseils à son paternel quand celui-ci semblait en panne.

«Je me souviens d'un dîner au cours duquel il m'a dit que ça ne l'intéressait plus de sortir l'album, que ça ne lui parlait plus, raconte Adam Cohen. «Je n'aime pas ma voix, je n'y crois pas», m'a-t-il dit alors. Je suis allé chez lui, il m'a fait écouter ses chansons et c'était ses meilleures prises de voix depuis près de 20 ans! Il y avait dans sa voix une présence, une autorité qu'on n'avait pas entendues depuis longtemps, mais les arrangements ne marchaient pas. Il m'a dit: «Pourquoi ne t'ai-je pas fait écouter ça avant? C'est exactement ça que j'avais besoin d'entendre.» »

Et la tournée?

Popular Problems est le disque d'un homme qui a vécu et qui a toujours su comment l'exprimer en puisant dans sa vaste culture et en insufflant à ses textes poésie, émotion, images fulgurantes, humour et autodérision. Ce nouveau disque est plus qu'une oeuvre bien de son temps, car elle transcende son époque et devient intemporelle. Ses chansons parlent d'amour et de spiritualité, mais touchent également au social et au politique. Et ses musiques, composées pour la plupart avec Patrick Leonard, sont à la hauteur de la réputation de Leonard Cohen: des mélodies fortes et quelques audaces qui ne distraient pas de l'essentiel, la chanson.

Encore une fois, les fans toujours plus nombreux de Leonard Cohen voudront savoir s'ils pourront l'applaudir en concert. À cela, Cohen répond par un «peut-être affirmatif» (definite maybe). La dernière fois, il voulait voir comment Old Ideas serait accueilli avant de prendre sa décision. «Mais nous n'avons rien de planifié pour l'instant. Évidemment, je reçois des demandes de partout dans le monde», nous dit son agent Robert Kory.

Ne reste plus qu'à croiser les doigts.

Popular Problems, chanson par chanson

> SlowÉloge de la lenteur à la façon Cohen avec juste ce qu'il faut d'humour et d'autodérision. Joli contraste entre la voix de la choriste Charlean Carmon et celle, rocailleuse à souhait, du poète devenu bluesman qui chante: «I always liked it slow, that's what my mama said

> Samson in New Orleans

Une de ces chansons aux accents bibliques dont Cohen a le secret, transposée dans une métropole louisianaise laissée à elle-même. Le violon d'Alexandru Bublitchi ajoute à cette ballade poignante une note de mélancolie qui amplifie son drame.

> Did I Ever Love You

Cohen-le-chanteur se donne tout entier dans cette chanson d'amour poignante qui se métamorphose sans avertissement en un refrain country enjoué. À 80 ans, Leonard Cohen nous réserve encore des surprises.

> Nevermind

La chanson la plus intrigante de Popular Problems fut d'abord un poème sur la trahison - et la guerre - publié dans le recueil Book of Longing en 2006. Ce texte enrichi, plus fielleux, plus menaçant malgré son rythme dansant, prend une autre dimension avec l'ajout d'une voix féminine qui chante en arabe. Troublante.

> You Got Me Singing

L'album se termine sur l'une des chansons les plus apaisantes qu'ait écrites Leonard Cohen. «You got me singing even though the news is bad», chante-t-il sur une musique aux accents country. Et la boucle est bouclée.

> Almost Like the Blues

Une chanson irrésistible dont la jolie intro au piano sur fond de percussions tranche avec le propos sombre qui suit. Cohen l'entrevoyait il y a plus de 20 ans dans The Future, nous y voilà: la famine, le viol, la guerre... Le chanteur-diseur mord dans ce texte qui ne peut être que de lui: «There's torture and there's killing and there's all my bad reviews

> A Street

Une chanson sur le thème de la rupture - et de la guerre - écrite sur fond de blues avec Anjani Thomas il y a sans doute quelques années déjà. Cohen dit plus qu'il ne chante l'amoureux éconduit qui retombe sur ses pattes dans un refrain qui nous reste en tête.

> My Oh My

La plus étonnamment pop des chansons du disque, que Cohen répétait déjà avec son groupe de tournée il y a quelques années. Mélodique et accrocheuse.

> Born in Chains

Un hymne magnifique comme un croisement du blues et du spiritual inspiré de l'exode d'Égypte. Cette Born in Chains, que Cohen a déjà présentée sur scène comme «une nouvelle chanson sur notre appétit de prière», touchera ceux qui ont été émus par la chanson Anthem en concert.

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CHANSON. Leonard Cohen. Popular Problems. Columbia/Sony Music. En magasin le 23 septembre.

Leonard Cohen, Popular Problems